Tout comprendre sur la loi climat et résilience… sans filtre !

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

Depuis lundi 8 mars, la loi Climat et Résilience et ses 5000 amendements sont examinés à l’Assemblée Nationale. Ce projet de loi issu des propositions faites par la Convention Citoyenne pour le Climat constitue le gros du chantier écologique proposé par Emmanuel Macron au cours de son mandat. Cependant, il divise à droite comme à gauche.

Quelles sont les mesures ?

Composé de 65 articles organisés en 6 titres relatifs à la consommation, la production, le travail, les déplacements, le logement, l’alimentation et le cadre juridique de la protection environnementale, ce projet de loi est l’un des plus dense du quinquennat d’Emmanuel Macron. Les mesures les plus emblématiques sont l’interdiction d’ici à 2028 de la location des logements dits « passoires thermiques », soit les logements les plus mal isolés, la mise en place d’une option végétarienne dans les cantines scolaires, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles ou encore la suppression de certaines lignes aériennes intérieures s’il existe une alternative de moins de 2h30 en train. 

La plupart de ces mesures sont pourtant des reprises partielles des propositions de la Convention. Cette dernière souhaitait par exemple que les vols intérieurs soient interdits en cas d’alternative ferroviaire de moins de quatre heures et non de deux heures et demies. 

Ainsi, seules 18 mesures ont été intégralement reprises. Parmi celles-ci, la généralisation de l’éducation à la protection de l’environnement à l’école, l’introduction d’une garantie de « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique » à l’article Ier de la Constitution et l’interdiction des chaudières à fioul et à charbon d’ici à 2030. 

Cependant, alors qu’Emmanuel Macron n’avait mis son véto qu’à trois dispositions (modifier le préambule de la Constitution, réduire la vitesse des autoroutes à 110 km/h et instaurer une taxe écologique pour les entreprises en fonction des dividendes), 23 n’ont pas été reprises dans le projet de loi. La réduction de la TVA sur les billets de train et l’adaptabilité de celle-ci à la distance parcourue par un produit en sont par exemple absents. 

Pourquoi ça fait débat ? 

Ainsi, par beaucoup, le projet est jugé peu ambitieux et insuffisant pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés pour 2030.

De plus, alors qu’en avril 2019 Emmanuel Macron annonçait « Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe« , sur 149 propositions faites par la Convention, seules 46 sont présentes dans le projet de loi et pour la plupart, seulement partiellement. Pour Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition Écologique, « l’écart énorme entre les promesses politiques et leur réalisation sape notre démocratie« .

Parallèlement, la Haute Autorité pour le Climat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Conseil national de la transition écologique ont tous trois jugé la loi Climat et Résilience très sévèrement estimant qu’elle ne permettrait pas d’atteindre le but d’une diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 initialement prévu. Ironiquement, même l’étude d’impact liée au projet de loi en déduit que celui-ci ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs fixés. 

Enfin, en se séparant, la Convention citoyenne pour le Climat a elle-même attribué une note de 3,3/10 au gouvernement pour la reprise de leurs propositions

Zoom : Dimanche 28 février, la Convention citoyenne pour le Climat s’est séparée après une évaluation de l’action du gouvernement suite à leurs propositions. Et l’évaluation est assez mal passée. Pour la prise en compte de leurs propositions par le gouvernement, la note donnée est de 3,3/10. Pire, à la question “dans quelle mesure les décisions du gouvernement relatives aux propositions de la CCC permettent-elles de s’approcher de l’objectif fixé ?”, les conventionnels ont attribué 2,5/10 à l’Etat. Chaque thématique a ensuite été étudiée séparément. La thématique « se loger » a obtenu une note de 3,4 sur 10, « produire et travailler », « se nourrir » et « se déplacer » ont eu 3,7 chacune, « consommer » 4 et les propositions sur la gouvernance 4,1. Le refus de l’exécutif d’inscrire le crime d’écocide dans la loi leur a enfin valu un petit 2,7. Même nous, on n’avait pas des notes aussi terribles à l’école. 

Ce projet de loi fait également ressortir les divisions de la majorité entre une aile droite réticente à mettre en place des mesures environnementales fortes et une aile gauche, plus prompte à ce sujet. La voix dissonante de la ministre de la Transition Écologique, Barbara Pompili, face aux ministres de l’Economie et de l’Agriculture a provoqué des remous, notamment dans la polémique entourant la mise en place de menus sans viande dans les cantines lyonnaises. Rappelée à l’ordre, elle a pourtant défendu la Loi Climat comme « une loi qui introduit des ruptures majeures pour la société française« . Mais cela n’a pas suffit à faire taire les doutes au sein de la majorité. « On est trop timides » a ainsi déclaré la députée LREM Emilie Chalas. 

En même temps, des voix s’élèvent de tous côtés. Yannick Jadot (EELV) a ainsi dénoncé une « loi de “greenwashing” aveugle face à l’urgence climatique« . Pour Cyrille Cormier, ingénieur et spécialiste des politiques climatiques et énergétiques « Les lois Climat échouent, parce qu’elles ne touchent pas à l’automobile ni à l’agriculture« , deux grands absents du projet de loi. 

Selon Le Monde, de nombreux points participent à la décrédibilisation de cette loi. Les passoires thermiques devraient déjà avoir disparu en vertu de la loi de transition écologique de 2015, l’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative ferroviaire de moins de 2h30 ne concerne que 5 lignes existantes et l’option d’un menu végétarien dans les cantines scolaires est déjà présente dans de nombreuses communes. 

Par ailleurs, la France ne cesse de repousser ses échéances. Les objectifs fixés notamment par la COP21 sont loin d’être atteints et l’Etat fait face à deux procédures judiciaires pour inaction climatique et non-respect de ses engagements, l’une devant le Conseil d’Etat et l’autre devant le tribunal administratif. « En écartant sciemment les mesures les plus impactantes de la convention citoyenne, le texte reste symbolique. Son étude d’impact assume même de faire seulement – au maximum et en comptant les autres lois – deux tiers du chemin nécessaire pour atteindre les − 40 % en 2030 « , regrette le député écologiste de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin. De plus, ce texte intervient alors que l’Union Européenne a voté fin 2020 un objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030 au lieu des 40% prévu, le but étant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. 

Sources : Le Monde, Reporterre, Franceinfo, Les Echos.

 

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