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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Besoin d'être informé
L'auteur s'est présenté sous le pseudonyme de "Charlie"
La France vient de traverser des heures sombres, traumatisantes à plus d’un titre. Et ces événements ont malheureusement duré plusieurs jours, tenant en haleine une France blessée qui attendait dans l’angoisse de voir se terminer cet épisode sanglant.
J’ai moi-même été envahi par un malaise profond et une envie irrépressible de voir les terroristes appréhendés rapidement afin que cet épisode dramatique prenne fin. J’avais également peur qu’un nouveau drame se produise. Enfin, je voulais comprendre ! Comprendre ce qui s’était réellement passé afin de pouvoir faire la part des choses et comprendre dans quelles situations se trouvaient certains de mes concitoyens pris en otages.
Cet angoisse et cette volonté de comprendre m’ont conduit, ainsi que beaucoup d’autres, à vouloir vivre l’événement en direct. Et pour cela j’ai exploité tous les médias : journaux, site web, radio et télé. Contre mes habitudes, j’ai même regardé en boucle les reportages des chaines d’information en continu dans l’attente d’avoir des nouvelles fraîches. Et ces médias ont joué leur rôle : ils ont mis à disposition du public toutes les informations dont ils disposaient afin d’informer, le tout globalement de manière professionnelle.
Bien évidement, je déplore les quelques dérapages qui ont pu avoir lieu durant ces quelques jours pendant lesquels le volume d’information fourni a été gigantesque. Il est évident qu’il faut sanctionner avec la plus grande fermeté tous les abus qui pourraient mettre en péril la sécurité des otages ou des forces de l’ordre. Et il faut tout mettre en œuvre pour que l’information, surtout dans ces situations, ne devienne pas un spectacle avec une mis en scène lugubre. Mais pour ma part, la mise en cause généralisée des médias me semble très imméritée. La majorité d’entre eux a fait preuve de responsabilité durant ces événements. Lors des phases cruciales, comme lors de l’entrée en action des forces d’intervention à proximité de la porte de Vincennes, toutes les télés ont suivi les consignes du Ministère de l’Intérieur et ont accepté de ne pas diffuser d’images précises de l’entrée du magasin Hyper Kasher.
Pour résumer, la couverture médiatique de ces derniers jours a été à la mesure de la réaction de la population française, c’est-à-dire intense. Cet événement hors norme a meurtri tout un peuple qui avait un besoin légitime d’être informé, de savoir.
Avec une ampleur exceptionnelle, les médias ont donc répondu à un besoin exceptionnel et pour moi c’est une bonne chose !
Ne pas confondre information et précipitation
Julien
travaille dans la presse écrite depuis 5 ans.
Ces derniers jours, les médias français ont atteint des sommets en termes de voyeurisme. Le terme « voyeurisme » n’est pas forcément le plus adapté ; il s’agirait d’avantage d’un mélange d’amateurisme et d’indécence, mêlé à une touche de show-business à l’américaine.
Ce pourrait être amusant si ce n’était pas dramatique. L’amusant, c’est ce journaliste de France 2 qui se fait houspiller en direct par la police parce qu’il s’approche trop près du preneur d’otage à Vincennes. L’amusant, c’est cette course effrénée des journalistes, qui passent de Charleville-Mézières à Reims, à l’Aisne, avant de finir à Dammartin-en-Goële, sans comprendre ce qu’il se passe. On peut comprendre, on peut tolérer.
Le dramatique, c’est BFM TV qui annonce en direct que des personnes sont cachées dans la chambre froide, alors que le preneur d’otages regarde la chaîne et ne le sait pas. Même scénario avec l’homme caché dans l’imprimerie à Dammartin. C’est cette même chaîne et la radio RTL qui contactent directement les preneurs d’otages, relayant non seulement leurs opinions, mais risquant d’interférer avec les négociations en cours. Ce sont les nombreuses notifications, breaking news, qui annoncent des morts quand il n’y en a pas, les images des positions de la police données aux terroristes, l’identité des tueurs révélées, etc. La liste est longue pour seulement 3 jours de direct !
Où est passée leur éthique de journaliste ? En ont-ils seulement une ? Que leur passe-t-il par la tête lorsqu’ils appellent le preneur d’otage ? « Je vais faire un scoop terrible », « Je serai le seul à avoir l’info », etc. Un scoop vaut-il la peine de risquer la vie d’un ou plusieurs êtres humains ? 5 minutes de primeur d’une information valent-elles la peine au regard de l’inquiétude des proches des policiers du RAID ? Comment réagirait votre famille si l’on annonçait la mort d’une personne à votre travail ?
Mais non. Qu’importe l’éthique, pourvu qu’on ait le scoop. Qu’importe la vérité, du moment qu’on fasse le buzz. Et qu’importent des sentiments et des vies humaines, du moment qu’on soit retweeté ?!
Les médias ont le droit et le devoir d’informer. D’informer. Relayer des annonces non vérifiées, diffuser des éléments cruciaux au détriment de tout bon sens, ce n’est pas de l’info ; c’est de la désinformation, et de l’amateurisme.
Heureusement que cette fois, il n’y a pas eu de conséquences…