Cinéma : les cérémonies de récompenses sont-elles légitimes ?

Ce débat a été réalisé en partenariat avec les rédacteurs de Ciné Maccro : un site qui propose une vision hétéroclite du cinéma.

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📋 Le contexte 📋

Les cérémonies les plus prestigieuses sont réparties entre les Etats-Unis (Oscars, Golden Globes), le Royaume-Uni (BAFTA Awards) et la France (Césars, Festival de Cannes).

L’Allemagne avec son Festival international du film de Berlin et son Ours d’or ainsi que l’Italie avec la Mostra de Venise et son Lion d’or, figurent également parmi les haut-lieux du Septième Art.

Mais beaucoup d’autres pays comptent eux aussi des cérémonies tels que le Canada, le Japon, le Brésil, la Finlande et bien d’autres…

On distingue 4 types de récompenses dans le cinéma : 

  • les récompenses remises par un organisme public (académies) ou indépendant (fondations, instituts)
  • les récompenses remises par une association ou une fédération de l’industrie du cinéma (critiques, scénaristes, acteurs, réalisateurs)
  • les récompenses remises par un média (internet, chaîne de télévision, magazine) ou résultant du vote du public
  • les récompenses remises à l’issue d’un festival de cinéma (seules sont indiquées les récompenses majeures, la Palme d’or par exemple)

Pour que ces films concourent aux différentes cérémonies, ils sont soumis au vote de comités de sélection généralement composés de spécialistes issus de la profession (réalisateurs, scénaristes, acteurs, …). 

Si elles sont des rendez-vous immanquables pour les cinéphiles du monde entier, ces cérémonies sont souvent accusées d’orienter les goûts, de construire la notion subjective de “référence” et surtout d’être trop prévisibles. 

L’art ferait-il place au marketing ? On en débat juste en dessous avec nos chers critiques de Ciné Maccro.

🕵 Le débat des experts 🕵

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Le « Pour »
Thomas Graindorge
Critique pour Ciné Maccro
Quand le temps suspends son vol

Bafta, Oscar, Golden Globe, César : tant de noms si alambiqués mais qui résument parfaitement l’état d’esprit du monde du cinéma en chaque début d’année. Un premier trimestre où l’establishment se met en branle et multiplie les cérémonies de récompenses, avec en point d’orgue les Oscars, généralement prévus entre février et mars. Mais alors qu’elles semblent, au fil des ans, perdre leur superbe, faut-il jeter l’opprobre sur des cérémonies dont le prestige et l’impact semblent encore intacts ? 

Chaque cérémonie célèbre SON cinéma

Bien sûr, il est aisé d’accuser ces cérémonies d’ethnocentrisme, bien que les Oscars de cette année, en déroulant un tapis rouge au coréen Parasite, auraient tôt fait de prouver l’inverse. C’est oublier que ces cérémonies, intrinsèquement, n’ont jamais eu la vocation de représenter un spectre global du Septième Art (chose de toute façon impossible). Chacune d’entre elles célèbre avant tout SON cinéma : l’américain pour les Oscars, le français pour les Césars, l’espagnol pour les Goyas, et ainsi de suite. Il est autant de cérémonies que de pays, et donc autant d’opportunités de voir le cinéma que l’on aime être célébré. Vouloir faire d’une poignée de cérémonies les représentantes du cinéma dans toute sa multiplicité, c’est nier la spécificité culturelle de chaque pays, et c’est se contenter de faire des nominations des données statistiques, sans aucune saveur, se contentant d’un alignement d’oeuvres en niant l’aspect personnel du choix desdites nominations. 

Des cérémonies pleines d’émotions pour les professionnels autant que pour les spectateurs

Trop politiques, trop prévisibles, résultats décevants : l’on entend tout et son contraire sur les cérémonies de récompenses. On pourrait s’arrêter là, tant l’idée même de telles polémiques prouvent que ses détracteurs conservent toujours pour elles une fascination. Mais cela révèle une chose essentielle : au-delà du cynisme ambiant, qui consiste à dire que d’avance, les dés sont pipés, et que plus aucune cérémonie n’est digne d’intérêt, le monde du cinéma, ses strass, ses paillettes, continue à émerveiller les foules, charmées de voir une partie du cinéma qu’il aime célébré. Et pour les sporadiques gadins, qui ne se souvient pas de la joie de Jean Dujardin aux Oscars ? Du discours d’un DiCaprio enfin récompensé ? De l’émotion de Léa Drucker l’année dernière ? 

Bien sûr, elles ne sont pas exemptes de défauts. Mais pour ce moment de féerie où le Septième Art suspend, l’espace d’un instant, le temps, son temps, et où le monde du cinéma ploit devant les vainqueurs d’un jour ; le public, lui aussi, n’a d’autre choix inconscient que de lui aussi, contempler la célébration de l’Art.

Le « Contre »
Antoine Cassé
Critique pour Ciné Maccro
La “légitimité” des paillettes du marketing

Le 9 février, la 92e cérémonie des Oscars a eu lieu. Une année de plus où tout le cinéma s’est vu honoré aux yeux du monde… Vraiment tout le cinéma ? Comment sont sélectionnés les films lors des cérémonies ? 

Beaucoup de candidats, très peu d’élus

Les divers studios soumettent à la considération d’un immense jury une part infime de leur catalogue annuel afin d’éventuellement glaner une place dans les célèbres cérémonies. En une phrase, nous venons de résumer le problème majeur de ces dernières ; le choix est tellement petit que le risque n’est pas permis. Les studios ne peuvent pas se permettre d’être snobé, et doivent donc envoyer des films qui sont hautement susceptibles de réussir. 

Le profit avant le trophée

Il y a-t-il donc une recette magique ? Un succès critique et public combiné à une sortie assez bien placée pour que les spectateurs se souviennent du film la cérémonie venue. Aussi terrible soit-il, le constat est implacable : plus qu’une récompense filmique, les Oscars, Césars et consorts sont devenus au fil des années le plus grand des services marketings des hautes sphères de production. Le trophée ne sert plus à récompenser la personne, mais bien à inscrire des encarts sur des affiches : DiCaprio a-t-il gagné son Oscar pour sa performance ou par le lobbying que la Fox a réalisé pendant des mois ? 

On n’honore plus les films pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils représentent

Bien évidemment, il ne faut pas voir le verre complètement vide : les belles histoires perdurent, et les œuvres récompensées le sont souvent à raison. Il n’empêche que voir les prix techniques décernés désormais pendant les coupures pubs signe un mal hollywoodien bien profond : on n’honore plus les films pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils représentent. Il est désormais nécessaire de construire un film dans les mœurs de son temps pour réussir, quitte à en oublier l’essentiel ; depuis combien de temps n’avons-nous pas eu un Oscar du meilleur film mémorable ? 

Décloisonner un monde fermé sur lui-même

Aussi, il ne faut pas non plus en appeler au boycott, ni nier ce qui en fait un immense spectacle. Mais il faudrait reconsidérer ces cérémonies comme des œuvres marketings d’un monde fermé sur lui-même, redonnant de la visibilité à des œuvres qui n’en avaient pas forcément besoin sans nécessairement mettre en avant la créativité artistique, comme l’a dénoncé Ricky Gervais aux Golden Globes en janvier ; plutôt que de tenir les avis énoncés via ces récompenses par des “spécialistes”, est-ce que l’on ne prendrait pas plutôt le temps de se construire nos propres tableaux d’honneurs ?

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