Ce débat a été réalisé en partenariat avec les rédacteurs de Ciné Maccro : un site qui propose une vision hétéroclite du cinéma.
📋 Le contexte 📋
Disney+ est un service de streaming détenu et exploité par la Walt Disney Company. Annoncé en août 2017, Disney+ a été lancé aux États-Unis le 12 novembre 2019 et doit concurrencer d’autres services de streaming comme Netflix.
Le géant américain semble avoir pour ambition de casser les prix : la nouvelle plateforme propose un abonnement à 6,99 dollars par mois pour avoir accès à 4 écrans simultanés. Pour son lancement en France, le coût de l’abonnement devrait s’élever à 4,99 euros.
Disney+ possède déjà un catalogue bien fourni : environ 7 000 épisodes de séries et 500 films.
Les utilisateurs verront figurer des films d’animation Disney et Pixar, des films live-action de Disney, des films Marvel Cinematic Universe et des films Disneynature. Disney+ propose également des contenus originaux liés aux franchises Marvel et Star Wars, comme par exemple la série The Mandalorian.
Disney vient d’annoncer le lancement simultané de sa plateforme en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Espagne au 31 mars 2020 .
Une bonne occasion pour Le Drenche de s’interroger sur l’arrivée d’un nouvel acteur majeur sur le marché du streaming et plus généralement sur l’avenir du cinéma !
🕵 Le débat des experts 🕵
Le marché du streaming se positionne comme le futur hypothétique du cinéma
Depuis maintenant quelques années, le marché du streaming s’est ouvert, se positionnant comme le futur
hypothétique du cinéma. Un futur pour le moment dominé par l’unique géant Netflix, mais l’appât du gain suscité par ce marché d’avenir attira, sans surprise, l’immense multinationale que représente Disney. Il semble légitime de s’inquiéter qu’une entreprise aussi exclusive que Disney se lance sur une entreprise aussi fermée qu’une plateforme de streaming. Mais en l’occurrence, si on met de côté la théorie complotiste, force est d’avouer que le projet séduit à bien des aspects…
La clef de la durabilité est dans la diversification des contenus
De prime abord, le monopole Netflix tarissait jusqu’alors le champ des possibles. L’arrivée d’un concurrent de
poids redistribue les cartes du marché : Netflix, habitué à une routine dégradante, va désormais devoir prendre
des risques et épater des abonnés qui ne cesse de montrer leur lassitude. De la même manière, Disney devra,
s’ils souhaitent étendre leur plateforme, diversifier ses contenus pour attirer le maximum de personnes. Et au
final, les véritables gagnants seront sûrement les spectateurs.
Mais Disney+ est aussi l’occasion pour la firme de confirmer sa stratégie : si les millions dépensés pour les films de leurs sagas les obligent à une sécurité maximale, la plateforme de streaming leur offre l’occasion d’essayer de nouvelles choses afin d’étendre les possibilités offertes par leurs immenses univers. Et si l’on se fie aux premières annonces, notamment le développement de l’univers cinématographique Marvel sur la plateforme ou le lancement de The Mandalorian, issu de l’univers Star Wars, nul doute que Disney ne se privera pas de saisir l’occasion.
La concurrence du streaming : un renouveau pour le cinéma ?
Outre ses deux stratégies, l’arrivée de Disney+ est le témoin symptomatique des mouvances de notre temps ;
alors que le streaming supplante de plus en plus les moyens traditionnels, alors que la frontière entre le film et la série est de plus en plus floue, Disney tente de venir briser un monopole pour amplifier le sien ; et si le constat pourrait sembler de prime abord bien pessimiste, les enjeux sont tels que Disney est presque condamné à réussir : alors qu’Apple débarquera dans le streaming dans quelques mois, l’entreprise doit confirmer sa stratégie en faisant d’hors et déjà de Disney+ une réussite. La concurrence ne fait pas de mal dans le cinéma, bien au contraire, et cela risque sûrement de décadenasser le streaming, et offrir au cinéma un avenir plus radieux que l’on ne l’aurait pensé. En espérant tout de même que cet optimisme ne devienne pas naïveté…
Le lancement de Disney+ est à marquer d’une pierre noire dans l’Histoire du Septième Art.
Sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, il se pourrait bien que le 12 novembre 2019, date de lancement
officielle aux Etats-Unis de Disney +, plateforme de streaming de la firme aux grandes oreilles, soit à marquer
d’une pierre noire dans l’Histoire du noble Septième Art. Car il n’est bien que des naïfs qui puissent voir dans
l’avènement d’un monopole cinématographique couplé à un repli culturel intrinsèque, ne serait-ce qu’un espoir infime pour le cinéma.
Une situation de monopole qui va pousser à la surconsommation
Bien que Disney + ait plusieurs concurrents solides dans le domaine du streaming, Netflix en tête, l’assise qu’elle a opéré sur le cinéma de divertissement actuel lui donne un poids considérable dans l’optique de conquérir ce nouveau marché. Mais à l’inverse de Netflix, qui négocie les droits de son catalogue avec toutes les boîtes de production, Disney + va monopoliser l’ensemble de ses films, rendant notamment impossible la diffusion d’anciens longs-métrages de la Fox (société de productions de films qui possède les droits de Titanic, Avatar, ou des franchises X-Men, Alien ou Predator) en salles, et ainsi étouffer le spectateur dans un système qui le forcera à l’achat pour la consommation d’un catalogue absolument considérable.
Alors que Netflix perpétue son hégémonie, que Disney + devient un sérieux concurrent, qu’Amazon, Apple, HBO et autres entreprises se lancent peu à peu dans la bataille, se fait un constat mortifère : la consommation d’œuvres pourrait bientôt devenir un luxe, un raffinement réservé à des nantis, ceux capables d’investir des
sommes colossales pour l’accès à la diversité.
Le streaming tue le cinéma
Et si Disney + n’en est pas le seul responsable, l’hégémonie que Disney opère sur le cinéma de divertissement
actuel aurait dû le pousser à une prise de risque tournée vers l’intérêt artistique ; chose que l’actualité le montre comme incapable. Outre ce marché monopolisé par la firme, une question, angoissante, se pose : l’avenir du cinéma se trouve-t-il dans le dématérialisé ? Dans une industrie qui étouffe les exploitants de salles ? Qui phagocyte l’aspect social et symbolique qu’apporte le (re)visionnage en salles obscures ?
Disney + n’est que le symptôme imposant d’une malaise général, l’œdème d’une industrie sclérosée et
méconnaissant ses troubles, pour qui le rendement pécuniaire a totalement pris le pas sur toute velléité de
création artistique, pour qui la prise de risques, à la base même de tout art, n’a plus sa place, et pour qui le
spectateur est devenu consommateur. Et ce mal qui le ronge, le Septième Art pourrait cette fois avoir du mal à
s’en remettre….