un gilet par balle de la police municipale avec des armes posées dessus

Police : doit-on armer la police municipale ?

📋  Le contexte  📋

En France, il y a 22 780 policiers répartis dans 3462 communes. Les missions des agents de police municipale sont d’ordre administratives (prévention, surveillance, sécurité…), judiciaires (réalisation de procès-verbaux, relevée des identités des contrevenants etc.) ou territoriales.

C’est le maire qui décide d’armer ou non sa police municipale, avec l’autorisation du préfet. En 2018, plus de la moitié des policiers municipaux étaient dotés d’armes à feu, la proportion étant plus forte en grandes villes. On assiste à une augmentation du nombre de policiers municipaux armés ces dernières années.

Sources : Le Parisien, L’Obs, Le Gouvernement

Chaque pays gère sa politique sécuritaire comme il l’entend. Le cas des États-Unis est critiqué, encore plus suite aux derniers événements. Les forces de l’ordre y sont de plus en plus armées. Ainsi, il n’est pas rare de voir, lors des manifestations, des vidéos de forces de l’ordre en rangs serrés avec casques, boucliers, treillis… et autres équipements militaires. Peter Kraska, professeur à l’université Eastern Kentucky a d’ailleurs expliqué : « À ce stade, la police a déjà développé une culture militaire ».

A contrario et à l’actualité, la Nouvelle-Zélande a renoncé à son projet d’armer les patrouilles, justifiant une prise en compte des attentes de la population (Andrew Coster : « Il a été évident tout au long de l’essai que l’existence d’équipes armées ne correspondait pas au style de police qu’attendent les Néo-Zélandais »).

Sources : Cnews, HuffingtonPost

Le sujet de l’armement de la police municipale n’est pas nouveau. En septembre 2018, deux députés LREM avait rendu un rapport sur le continuum de sécurité qui présentait 78 mesures, dont une qui souhaitait rendre obligatoire l’armement des policiers municipaux.

Avec les municipales, la mort de Georges Floyd, les manifestations, la suppression de la technique d’interpellation dite de « l’étranglement »… le débat sur l’armement de la police est revenu sur le devant de la scène. Alors doit-on armer la police municipale ?

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Cédric Michel
Président national du Syndicat de défense des policiers municipaux
Comment un policier municipal pourrait-il protéger la vie d’un administré s’il ne protège pas la sienne ?

Tout d’abord, ce que beaucoup semblent ignorer, c’est que le maire est le premier responsable de la prévention, de la tranquillité et de la sécurité publique en qualité de représentant de l’État sur sa commune. Il a le devoir moral politique et légal, d’assurer la sécurité de ses concitoyens.

Pour ce faire, il peut créer et développer une police municipale. Il est illusoire de croire, qu’une police municipale non armée, ferait le même travail qu’un service armé. Comment un policier municipal pourrait-il protéger la vie d’un administré s’il ne protège pas la sienne ?

Tous les policiers municipaux aujourd’hui en France sont exposés de plein fouet à l’insécurité et à la délinquance. Partout, ce sont des primo-intervenants, c’est-à-dire les premiers arrivés sur le lieu d’intervention d’un événement. C’est évident, car leur rôle est d’être exclusivement sur la voie publique. Ils interviennent sur tout type d’événements, du vol à main armée, à la rixe, jusqu’au risque terroriste. Rappelons à ce sujet les circulaires du ministère de l’Intérieur, qui ont été multipliées depuis le début des attentats, imposant aux maires de sécuriser les lieux sensibles, comme les lieux de culte, ou les manifestations, avec leurs policiers municipaux.

Les agents sont donc exposés au même titre que la police nationale ou la gendarmerie, aux mêmes risques et aux risques les plus graves, que ce soit la délinquance de droit commun, comme dans le cas d’Aurélie Fouquet assassinée d’une balle dans la tête (tuée par un commando de braqueurs dans le Val-de-Marne, en 2010), ou le risque terroriste, comme dans le cas de Clarissa Jean-Philippe, assassinée par l’ignoble Coulibaly (à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, en 2015). Il est donc évident que les agents de police municipale doivent être armés de la même façon.

Par ailleurs, il y a de nombreux a priori mais aussi contre vérités propagées dans certains médias. On voudrait nous faire croire que ce sont de rares mairies d’extrême droite ou de droite dure qui auraient des polices municipales armées, ce qui est entièrement faux.

Aujourd’hui, en France, il y a autant de mairies de droite que de gauche qui ont des polices municipales armées, parfois depuis longtemps comme à Évry depuis Manuel Valls par exemple, ou plus récemment comme à Lyon, ville dirigée par Gérard Collomb.

Concernant la formation, les conditions d’armement des policiers municipaux sont strictement encadrées. Les contrôles, qui sont effectués, sont extrêmement plus draconiens que dans la police nationale ou dans la gendarmerie. Par exemple, lorsqu’un policier municipal est recruté, il doit passer un concours et des tests psychotechniques, il est nommé stagiaire pendant un an. Il suit alors une formation théorique et technique assurée par le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) et passe six mois en unité. Ce n’est pas tout, il a un agrément du préfet, qui garantit sa moralité et son niveau de technicité, mais aussi un agrément du procureur de la République et une assermentation. Si son maire décide de l’armer, il doit en plus passer de nouveaux tests psychotechniques, psychologiques, de capacité, suivre une nouvelle formation initiale et une formation continue.

On n’a plus le droit, si on est un élu responsable, de ne pas faire de sécurité. Il faut que les maires prennent leurs responsabilités car tout le monde doit, à son niveau, lutter contre l’insécurité et faire face aux menaces qui pèsent sur notre pays.

Le « Contre »
Christian Mouhanna
Chargé de recherche-CNRS au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP)
Sortir du simplisme sécuritaire ?

L’irruption des attentats terroristes de 2015 dans le débat public sur la sécurité a imposé l’idée d’un nécessaire armement des policiers municipaux pour résister aux futures attaques de même nature. Mais bien avant, la lutte contre la délinquance dans les quartiers dits « sensibles » avait déjà fait émerger cette revendication de la part de policiers municipaux qui, pour une partie d’entre eux, ont abandonné l’idée d’un service de proximité au profit du citoyen pour opter pour une stratégie répressive. Aujourd’hui, ce sont même les services de sécurité privée que l’on parle d’armer. 

L’armement est-il la réponse à la délinquance, voire au terrorisme ? Sur ce dernier point, l’intervention courageuse d’un commissaire au Bataclan est l’arbre qui cache la forêt des limites de l’exercice. Ni dans le cas de Charlie Hebdo, ni dans celui du Bataclan, les armes des policiers « normaux » (non spécialisés) n’ont permis de faire cesser les massacres. Leurs armements ne leur permettaient pas de lutter contre les kalachnikov des terroristes. Il a fallu l’intervention de services spécialisés. La question devient alors : faut-il armer les policiers municipaux d’armes lourdes ? Celles-ci sont tellement puissantes – capables de traverser des cloisons par exemple – que leur utilisation risque immanquablement de provoquer des victimes collatérales. Le danger d’une « bavure » en ce cas n’est-il pas plus probable qu’une attaque terroriste que le policier isolé n’ira peut-être pas affronter, même bien armé. 

Au-delà de ces considérations techniques, il faut s’arrêter sur le fétichisme lié à l’arme et à la puissance ou à l’autorité qu’elle confèrerait automatiquement. Une grande partie des policiers nationaux restent très réticents à utiliser les armes à feu dont ils sont dotés, à la fois du fait des contrôles qu’accompagnent cette utilisation, mais aussi parce que l’immense majorité d’entre eux redoute de tuer quelqu’un, notamment en situation de panique. 

Et le fait d’avoir des policiers en capacité de tuer n’amène nulle part à « calmer » les potentiels délinquants. Bien au contraire, tous ceux qui se sentent menacés par la police, à tort ou à raison, sont amenés à s’équiper de la même façon pour répondre, rendant du coup le métier plus dangereux. Les statistiques, certes dépourvus d’émotions, montrent que le nombre de policiers et gendarmes tués en France reste beaucoup plus bas que celui de pays plus armés. 

Faut-il faciliter encore davantage l’usage de l’arme pour renforcer l’autorité ? Partout, on a pu montrer que ce sont plus les compétences liées au savoir, à la négociation ou à l’enquête judiciaire, qui impressionnent. Le rapport de force lié à l’usage du droit de tuer, loin d’amener à l’apaisement, ne rend le métier de policier que plus dangereux. 

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