Sport : doit-on rendre les saisons blanches ?

📋  Le contexte  📋

Avec le Covid-19, le sport aussi est confiné chez lui. Pour la santé des joueurs et membres du staff, mais aussi celle des fans. Alors que le virus entamait son voyage en Europe, certaines rencontres de football notamment (Lyon-Juventus, Atalanta-Valence) ont été suspectées d’être des « match zéro » de l’épidémie, à savoir des accélérateurs de la propagation du virus en Lombardie, dans le Rhône ou en Espagne. Au vu du déplacement massif des supporters parisiens aux abords du Parc des Princes, en marge de PSG-Dortmund, la solution du huis clos n’a pas été reconduite.

Foot, hand, basket, rugby… Hormis en Biélorussie ou au Burundi – ultimes réconforts des parieurs en ligne – les championnats sportifs ont été gelés dans leur quasi-intégralité. Et les grandes instances d’envisager l’après, notamment depuis l’annonce du déconfinement. Jeux Olympiques et Euro de football décalés à 2021, ne reste que l’avenir des championnats nationaux.

Neuf journées restantes de Top 14 et de Jeep Elite, dix de Ligue 1, les saisons sportives ont donc été interrompues avant le sprint final. Le moment fatidique où le verdict se dessine. Comment reprendre de la manière la plus juste ? Exit l’hypothèse d’un retour à la compétition directement en sortie de confinement, athlètes comme préparateurs physiques plaidant une condition et un rythme à retrouver.

Moult solutions ont été proposées :

  • terminer la saison en juillet et reprendre après septembre. Encore faut-il savoir quand pourra-t-on reprendre. D’autant que cela soulève un certain nombre de problèmes organisationnels, notamment en raison de la tenue des JO et de l’Euro l’été suivant.

  • figer les résultats en mars ou à la trêve. Plébiscitées par certains – la Ligue Nationale de Handball notamment – et injustes pour d’autres, ces solutions sont loin de faire l’unanimité.

  • la saison blanche. Ni champion, ni relégué, ni accession à l’étage supérieur, une saison dans l’oubli. Repartir à zéro pour que le football revienne avec ses supporters. Quitte à sacrifier deux tiers d’efforts.

Dans le monde du football, le président de l’Olympique Lyonnais Jean-Michel Aulas a été le premier à se positionner en faveur de la saison blanche. Rejoint par quelques acteurs du ballon rond, dont l’entraîneur de l’AS Monaco Robert Moreno, il s’est en revanche attiré les foudres de ses homologues marseillais ou rennais, à qui une telle décision porterait préjudice. Aucune décision institutionnelle n’a encore été prise à ce stade.

Au badminton, en basket-ball ou hockey sur glace, on est en revanche bien plus vindicatifs. Ce sera saison blanche, point final. Face au coronavirus, la saison blanche est-elle la moins pire des solutions, ou la plus injuste ? Venez en débattre avec nous.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Doit-on rendre la saison blanche après l'épidémie de coronavirus ?
Le « Pour »
Anthony Guttuso
Journaliste, fondateur de sportfocus.fr
Une saison blanche pour sauver l'esprit sportif

Face à une crise sanitaire d’une telle ampleur, il n’y a pas de meilleure ou de moins bonne solution. Il n’y en a qu’une : celle qui garantie la sécurité des individus. La sécurité, c’est justement ce pourquoi la quasi-totalité des compétitions sportives ont été suspendues ou annulées. Ce constat établi, déclarer autre chose qu’une saison blanche, c’est aller à l’encontre de toute éthique sportive.

Ne frustrer personne

Le championnat australien de basketball, la NBL, vient pourtant de sacrer championne l’équipe des Perth Wildcats qui menait par deux victoires à une en finale. Le hic ? Il restait au minimum un match à leurs opposants, les Sydney Kings, pour renverser la tendance. De quoi rendre amer les “perdants”. “Je veux vraiment faire savoir que je suis déçu”, déplore Andrew Bogut, joueur des Kings sur son compte Twitter.

L’adage dit qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. La NBL vient pourtant de lui asséner un beau coup de couteau dans le dos, si près du but.

Côté football, la Ligue belge a recommandé de mettre définitivement fin au championnat en cours et “d’accepter le classement actuel […] comme classement final”. Le Club Brugge devient donc champion de Belgique sans qu’aient lieu les traditionnels playoffs, qui décident habituellement du titre. Cette situation paraît déjà injuste vis-àvis des autres clubs, mais elle le serait encore plus dans des championnats très serrés. En Espagne, où le Real et le Barça sont à la lutte pour le titre, ou même en France, où plusieurs clubs prétendent à l’Europe… sans parler de la lutte pour ne pas descendre en division inférieure. Tout cela alors qu’il reste environ un tiers des matchs à disputer.

Respecter les règles du jeu

Même aux USA, le pays où le business est roi, cela a été compris. Les instances de la NBA recherchent certes des moyens de reprendre la saison, mais la prudence règne, d’après le journaliste américain Shams Charania. Tant pis s’il n’y a pas de champion. L’attribution du titre n’est même pas évoquée outre-Atlantique.

Car quitte à ne pas aller au bout, pourquoi déroger à tout ce qui fait la beauté du sport ? Rien n’est joué d’avance ! Pierre de Coubertin lui-même disait : “l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu”. Mais encore faut-il avoir pu se battre pleinement pour décider d’un vainqueur…

Le « Contre »
Romain Lambert
Journaliste à Lucarne Opposée
Une injustice pour tous les acteurs

Annuler une saison serait terrible pour tous les acteurs qui y ont contribué de près ou de loin. Des sportifs professionnels aux spectateurs en passant évidemment par les clubs, tout le monde aurait beaucoup à perdre de différents points de vue.

Conséquences sportives et financières

Tout un lourd travail effectué par les joueurs et leurs staffs techniques jeté à la poubelle. Des conséquences encore plus lourdes pour les jeunes joueurs ou ceux en fin de carrière. D’un point de vue financier, une saison blanche représenterait un énorme manque à gagner pour les clubs qui verraient leurs revenus liés à la billetterie directement affectés, mais aussi les droits-télés fragilisés. Les salaires et les primes des joueurs professionnels seraient directement impactés en l’absence de palmarès en fin de saison.

D’autres possibilités existent

D’autant plus qu’il reste encore plusieurs possibilités de récompenser une saison stoppée en plein élan. On pourrait prendre comme référence le classement à la date de la dernière journée disputée, mais cela pourrait être faussé car les clubs n’auront peut-être pas disputé le même nombre de matchs ou affronté de « gros ».

Pourquoi ne pas tenter de finir la saison coûte que coûte ? Avec un rythme d’enfer certes, mais cela apporterait plus d’équité. Afin d’alléger le calendrier, on pourrait pourquoi pas se passer des coupes nationales et ne garder qu’un seul titre, celui du classement général. Enfin, nous pourrions prendre exemple sur certains championnats d’Amérique du Sud qui divisent leur saison en deux tournois généralement appelés Apertura / Clausura (Ouverture / Fermeture, ndlr) avec un champion par tournoi. En France cela consisterait à prendre comme référence le classement à mi-saison avec donc tous les matchs de la phase aller disputés. Le traditionnel champion d’automne deviendrait alors champion en titre.

Il existe bien d’autres options et possibilités afin d’éviter une saison blanche qui serait catastrophique pour les différents acteurs du football. Il serait dommage de ne pas tenter le tout pour le tout pour sauver cette saison. Même si, évidemment, les conditions sanitaires doivent absolument prévaloir sur les aspects financiers et sportifs.

Doit-on rendre la saison blanche après l'épidémie de coronavirus ?

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".