mains posées sur un tronc d'arbre

Les écovillages sont-ils un modèle alternatif viable ?

📋  Le contexte  📋

Le terme « écovillage » apparaît au début des années 1990 dans un rapport pour l’organisation Gaia Trust, à la suite du rapport Brundtland qui a mené à l’organisation du Sommet de la Terre de Rio, en 1992. 

Un écovillage est une communauté intentionnelle, souvent rurale, qui est consciemment conçue par des processus participatifs locaux dans les quatre dimensions de la durabilité (social, culture, écologie et économie) pour régénérer les environnements sociaux et naturels. Ils impliquent généralement une vie communautaire active et le développement d’une économie alternative.

Toutefois, chaque écovillage est différent : les règles sont déterminées par la communauté et les expériences vécues nourrissent la réflexion et des ajustements potentiels. Aujourd’hui, les écovillages se présentent comme une des réponses au réchauffement climatique et comme un modèle alternatif  dans le cadre de la transition énergétique de nos sociétés.

Difficile de comptabiliser de manière précise les écovillages dans le monde, leur existence étant parfois de courte durée ou alors volontairement éloignée des réseaux. Le Global Ecovillage Network s’attèle cependant à la tâche de recenser les écolieux du monde entier et de créer un espace d’intelligence collective pour soutenir le développement d’écovillages.

En France, le mouvement des Colibris est la figure de proue du développement des écolieux du pays avec son Projet Oasis. Leur site recense près de 1000 écovillages et met à disposition des ressources pour faciliter la coordination et l’organisation des communautés. La crise du COVID-19 et l’appel de la nature suscité par les confinements confèrent une légitimité grandissante à la mouvance des écovillages, qui évoquent depuis bien longtemps le fameux  « monde d’après ».

L’attrait des écovillages n’est pas difficile à saisir, surtout depuis mars 2020. Comment ne pas être séduit.e par une utopie mobilisatrice d’une vie simple, centrée sur l’humain et la nature et non plus sur la surconsommation, l’individualisme et un rythme urbain effréné ? 

Se lancer dans un projet concret de changement de vie et de transition écologique permet également de passer à l’action face à la médiatisation grandissante de la crise écologique et de ses conséquences sur notre quotidien. Cependant, il n’est pas si simple de créer un écovillage pérenne. Le « Putain de Facteur Humain » est reconnu comme étant l’écueil principal auxquels font face les écolieux.

 Au-delà de ces difficultés internes, la viabilité des écovillages comme modèle de ce « monde d’après » questionne. Attirant principalement des populations de classes moyennes supérieures, ne permettant pas de garantir de revenus stables au début, cette utopie pourrait-elle être accessible à tous ? 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Gabrielle Paoli
Directrice adjointe de la Coopérative Oasis
Les écovillages sont une réponse joyeuse et efficace à la crise écologique

Il existe aujourd’hui en France de plus en plus d’écolieux collectifs qui portent les noms qu’ils veulent bien se donner : écovillage, habitat participatif, oasis, ferme collective, communauté… Aujourd’hui, ils sont près de mille à s’être regroupés dans un même réseau animé par la Coopérative Oasis.

Ruraux, urbains ou périurbains, lieux d’habitat et / ou de travail, allant de 1 à 30 foyers vivant sur place… Il n’y a pas un modèle unique d’écovillage mais une réalité joyeuse et bigarrée. Ce qui lie ces royaumes autonomes et si différents les uns des autres, ce sont des valeurs et des pratiques communes : le collectif, le soin du vivant, la résilience, la solidarité, l’autonomie…

Depuis plus de quatre ans que j’anime le réseau de ces écolieux, j’ai la chance d’aller les voir souvent, de les arpenter. Et je mesure ce qu’ils apportent. À la Ressourcerie du Pont (Gard), j’ai vu un groupe d’artistes militants racheter une usine de 3 500m2 et la dédier à la collecte, à la revalorisation et la revente d’objets. À la clef : 6 emplois créés. À l’Arche Saint-Antoine (Isère), j’ai découvert une communauté de 40 personnes rénover une ancienne abbaye abandonnée depuis 14 ans et la transformer en une des maisons d’accueil les plus importantes de l’Isère. À Grain&Sens (Ardèche), quatre familles ont pu sauver 15 ha de forêt de la vente à un exploitant de bois et maintenir de l’agriculture biologique sur 5 ha de prairie cultivable.

Au-delà de ce que chaque lieu apporte à ses membres et à son territoire, il contribue aussi à réduire notre empreinte climatique. En 2016, Colibris et Carbone 4 ont réalisé une étude sur l’empreinte carbone d’un habitant d’Oasis. Le résultat est clair : un habitant d’oasis émet deux fois moins de gaz à effet de serre qu’un Français moyen.

Tous ces lieux sont un peu magiques mais ils ne sont pas la solution miracle. D’abord parce qu’ils portent leurs maux – tensions relationnelles, fatigue, difficile intégration dans le territoire qui les accueillent, fragile équilibre économique. Comme dans la vie, il y a dans les oasis des difficultés, parfois insurmontables. Ensuite parce que vivre ainsi n’est pas fait pour tout le monde, et c’est tant mieux ! Enfin, parce que le monde est complexe et la crise écologique systémique : la réponse ne saurait être simple et uniforme.

Cependant, ces lieux font incontestablement partie des solutions. Ils inventent des nouveaux modes de production, de coopération, d’animation des villes et villages, en prenant aussi en compte les besoins non humains. Et surtout, quels que soient leurs contours et les gens qui les portent, ces oasis prennent soin – de la terre, des végétaux, des animaux, des hommes.

Le « Contre »
Alex Baumann et Samuel Alexander
Chercheurs au Melbourne Sustainable Society Institute de l'Université de Melbourne
Les écovillages ne sont pas un modèle viable

Le mouvement des écovillages a contribué à faire progresser les idées associées à la durabilité, telles que la construction en terre/boue, la production d’aliments biologiques, la simplicité volontaire, la technologie appropriée et la vie en communauté. Ces pratiques sont souhaitables, mais sont-elles viables pour la plupart des gens ? Les écovillages ont-ils réussi à fournir des exemples de durabilité ?  

Une des meilleures indications que nous ayons de la durabilité des écovillages vient de l’application de l’analyse de l’empreinte écologique à un écovillage célèbre en Écosse : l’écovillage de Findhorn. Cette communauté a adopté un régime alimentaire presque exclusivement végétarien, produit de l’énergie renouvelable et fabrique un grand nombre de ses écovillages avec des matériaux provenant de sources durables ou récupérés. 

Cependant, l’analyse de l’empreinte écologique a montré que même leurs efforts nobles et engagés les laissent consommer des ressources et émettre des déchets bien au-delà de ce qui pourrait être soutenu si tout le monde sur Terre vivait de cette façon. Une partie du problème est que la communauté a tendance à prendre l’avion aussi souvent que l’Occidental ordinaire, ce qui augmente son empreinte. 

Un aspect encore plus troublant de la viabilité des écovillages est le défi que les gens ordinaires doivent relever lorsqu’ils essaient de créer ou de rejoindre un écovillage. Les habitants d’un écovillage qui ont pu s’offrir des terres font généralement partie d’une minorité d’acteurs privilégiés du marché, ayant souvent passé des décennies à « acheter » l’économie de marché non durable afin de réduire les modes de vie et de se « désengager ». 

Le coût des terres étant désormais beaucoup plus élevé, toute personne cherchant à suivre leur exemple devrait s’engager à participer encore plus longtemps au marché pour pouvoir payer son loyer ou son hypothèque. Ce coût du terrain a d’énormes implications, affectant ce que la plupart des gens doivent faire pour travailler, combien ils travaillent, leur besoin d’une voiture, etc. De plus, si quelqu’un peut à peine se permettre le coût d’un logement, il devient très improbable qu’il puisse installer des panneaux solaires sur le toit, travailler à temps partiel ou disposer de beaucoup de terres pour cultiver des aliments biologiques. 

Notre message n’est pas d’ignorer l’importance des mouvements d’écovillages. Nous appelons simplement ce mouvement à reconnaître que l’accès à la terre constitue un obstacle majeur à la réalisation des objectifs de durabilité. Actuellement, la vie d’écovillage est trop chère, surtout dans les zones urbaines, et si vous trouvez des terres bon marché, il est probable qu’il n’y ait pas de travail ou d’infrastructure de transport public disponible. Un activisme plus important doit être consacré à la conception, à la promotion et à l’expérimentation d’arrangements alternatifs en matière de propriété et de logement afin de rendre les écovillages viables pour un plus grand nombre de personnes.

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