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L’enseignement à distance doit-il devenir la norme à l’école ?

📋  Le contexte  📋

L’enseignement à distance, ou encore le « e-learning », est une méthode pédagogique liée aux nouvelles ressources numériques : vidéos, visioconférences, fiches interactives, livres audio, etc. Elle permet d’acquérir les mêmes enseignements et le même diplôme qu’une formation classique. Cette méthode présente ainsi un certains nombres d’avantages :  la formation ne se déroule pas dans un établissement scolaire, elle ne nécessite pas la présence physique d’un tuteur et permet finalement une organisation plus personnelle de son emploi du temps. Aujourd’hui, le gouvernement promeut son développement notamment à travers le modèle de « L’Université numérique », qui permettrait de mieux réguler les flux important d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur. 

 

L’enseignement à distance, s’il n’est pas nouveau, s’est largement généralisé avec la crise du Covid-19. Dès le premier confinement, les établissements scolaires français ont été contraints d’adapter leur pédagogie à l’enseignement à distance à l’aide de divers outils numériques. Le bilan du premier confinement affiche pourtant de lourdes conséquences sur les enfants notamment en perte de concentration, manque d’organisation et troubles socio-affectifs. Les cours à distance ont également souligné les inégalités scolaires et économiques entre les élèves. Certains enfants ont été privés d’accès à des outils numériques, vivent dans des environnements instables ou n’ont pas bénéficié du soutien pédagogique nécessaire de la part de leur famille 

Suite à l’annonce d’un troisième confinement et de la fermeture des écoles pour trois semaines par Emmanuel Macron, la question de l’enseignement à distance réapparaît dans le débat public. Les mauvais souvenirs du premier confinement préoccupent les parents d’élèves, qui redoutent pour leurs enfants les risques de décrochage scolaire et de troubles psychologiques. Toutefois, l’enseignement à distance a également ses avantages. Certains pensent qu’il serait intéressant de tirer des leçons de ces expériences passées pour en inclure davantage dans l’enseignement scolaire, dans le but de moderniser et d’améliorer l’efficacité de l’école française. Une initiative de plus en plus en vogue à l’étranger, notamment aux États-Unis, ou encore dans les Émirats Arabes Unis. 

 

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Le « Pour »
Bruno Devauchelle
Chercheur associé au laboratoire Techné de l’Université de Poitiers
L’enseignement à distance : une vieille histoire qui a de l’avenir

Tous les jeunes, tous les adultes ne peuvent pas toujours venir physiquement dans les lieux d’enseignement et de formation. L’enseignement à distance est une alternative pour remédier à ces difficultés. Nous considérons tous que l’enseignement en présence est « normal » parce que nous l’avons vécu avec depuis notre enfance. Pourtant, nombre d’enfants, d’adultes ont eu et ont encoure recours, avec bonheur à l’enseignement à distance, en particulier en période de crise.

L’opposition enseignement à distance, enseignement en présence n’est pas la réalité. C’est dans une véritable complémentarité entre ces deux formes d’enseignement que se situe l’avenir. Appelé parfois hybride, ou encore formation ouverte et à distance (FOAD) cette évolution de l’enseignement est en cours depuis plusieurs années. Du fait du développement de l’accès à Internet, l’ensemble de la population peut accéder, si tant est qu’elle y soit formée et qu’elle en ait les compétences (aussi bien techniques que cognitives – autoformation) à de nouvelles manières d’apprendre. C’est pourquoi l’enseignement à distance peut être une proposition.

L’enseignement à distance propose une réflexion renouvelée sur ce qu’est enseigner, et ce qu’est apprendre. Car c’est un des enseignements en périodes de crises : en guerre ou en crise sanitaire, il faut inventer de nouvelles modalités, adaptées aux réalités de terrain. Parmi ces modalités, l’enseignement à distance ouvre des possibles, à condition que ne soient pas oubliées les nécessaires interactions humaines qui sont l’un des fondements de l’apprentissage.

Si l’enseignement à distance ne remplacera pas l’enseignement traditionnel, il apportera à l’avenir une chance pour toutes celles et tous ceux qui, soit ne peuvent assister en présence soit veulent avoir plus de souplesse dans leur manière d’apprendre, dans le temps et dans l’espace.

L’enseignement à distance ce n’est pas la reproduction, la transposition d’un enseignement en présence au travers de moyens techniques (comme les classes virtuelles). C’est une nouvelle manière d’envisager le parcours de celui qui apprend, c’est une personnalisation accrue de la relation enseignant-élève, c’est un renouvellement pédagogique exigeant qui repose sur la maîtrise de la mise en activité et en situations de celui qui apprend. 

Pour tous ceux qui veulent apprendre tout au long de la vie, l’enseignement à distance ouvre des possibilités nouvelles au sein d’une société qui a trop érigé la salle de classe ou l’amphithéâtre, associés au cours magistral, en modèle d’enseignement. L’écrit, puis le livre, avaient fait craindre ou rêver d’autres formes d’apprendre, avec le numérique, c’est la confirmation d’une possibilité nouvelle d’accéder à la connaissance et aux savoirs.     

 

Le « Contre »
Christian Boyer et Steve Bissonnette
Consultant en pédagogie, SESSIONS ; Prof titulaire, TÉLUQ
L’enseignement à distance est un pauvre succédané à l’école de briques et de mortier…

La COVID-19 a obligé les systèmes scolaires mondiaux à suspendre l’enseignement usuel pour ensuite passer à l’enseignement à distance, à l’école virtuelle. Dans les derniers mois, des rapports et des recherches ont été publiés provenant de plusieurs pays et portant sur l’effet du 1er confinement sur le rendement scolaire des élèves (Boyer et Bissonnette, 2021; Education Endowment Foundation, 2021).

Dans l’ensemble, les résultats sont désolants au niveau primaire et mitigés au niveau secondaire. Globalement, les élèves du primaire ont régressé de 1 à 2 mois d’apprentissage en lecture et mathématique tout en augmentant les écarts de rendement entre les élèves.

Les élèves à risque (élèves qui présentent des difficultés d’apprentissage ou autres, qui vivent en milieu défavorisé, qui commencent leur scolarisation, etc.) ont été encore plus affectés, présentant des résultats scolaires indiquant une régression pouvant aller jusqu’à 6 mois d’apprentissage ou plus. Au niveau secondaire, les résultats ont été parfois neutres, parfois négatifs ou positifs, mais sans que cela soit un appui solide à l’enseignement à distance ou une condamnation.

Il faut bien garder en mémoire que cela est constaté après UN seul confinement. Qu’en sera-t-il après le 2e et 3e confinements? Mieux ou pire? Les aficionados de la techno à l’école et de l’enseignement à distance diront sans doute, pour expliquer les résultats déprimants au primaire que ce qui a été mesuré dans ces études est l’effet 1) d’un congé scolaire de quelques jours (variable selon les pays), 2) du stress du contexte actuel de la pandémie, et 3) de l’enseignement à distance. Ils ont raison, les circonstances mondiales de la pandémie sont exceptionnelles. Mais alors qu’en est-il des effets sur le rendement de l’école virtuelle avant la pandémie?

L’école virtuelle est en usage dans plusieurs états aux États-Unis depuis une vingtaine années. Plusieurs rapports commandités par les gouvernements des états américains et des recherches scientifiques ont été publiés sur le sujet. Le constat général des chercheurs n’est pas joyeux (Bissonnette et Boyer, 2020; Boyer et Bissonnette, 2020;Boyer et Bissonnette, 2021; Barbour, 2019). Barbour (2019) conclut d’ailleurs : « Pour l’instant, il y a des problèmes sérieux concernant l’efficacité de plusieurs modèles d’écoles virtuelles. Jusqu’à ce que ces problèmes soient adéquatement résolus, les politiciens devraient limiter ou considérer un moratoire sur la création de ce type d’écoles. »

En résumé, du primaire au début du secondaire, le rendement scolaire des élèves est négativement affecté par la fréquentation d’une école virtuelle à temps plein et, plus longtemps les élèves la fréquente, plus leur rendement en pâtit, pouvant atteindre plusieurs mois de retard par année scolaire. Jusqu’à preuve du contraire, l’école virtuelle (et l’enseignement à distance) n’est pas la solution de l’avenir. Ce type d’école ne doit être que temporaire et ponctuelle.

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