📋 Le contexte 📋
L’agence de communication Mots-Clés définit l’écriture inclusive comme un « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes. » Son principal objectif consiste à lutter contre toutes formes de discriminations de genre créées par le langage. Parmi les multiples règles qui définissent l’écriture inclusive on peut trouver l’accord des métiers en fonction du genre (une auteure, une pompière) ; l’accord de proximité (les garçons et les filles sont belles et non les garçons et les filles sont beaux) ; ou encore l’utilisation de termes plus universels tels que “les droits humains” (à la place des droits de l’Homme).
L’usage de l’écriture inclusive est défendue par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et par un certain nombre d’enseignants et d’associations car il permettrait de changer les mentalités en s’attaquant au langage, un facteur déterminant de notre perception du monde. Pourtant, cette écriture est loin de faire l’unanimité, certains critiquent son manque de lisibilité et sa complexité, notamment pour les personnes dyslexiques ou en situation de handicap. L’Académie française la qualifie notamment de “péril mortel” pour la langue française.
L’actuel ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, se montre réticent à l’utilisation de l’écriture inclusive à l’école. Le Jeudi 06 mai 2021 il fait passer une circulaire qui proscrit officiellement l’usage du point médian dans les établissements scolaires, perçu comme étant un “obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit” des élèves. Le point médian est une technique de l’écriture inclusive qui permet de mettre les deux genres sur le même plan dans l’écriture d’un mot (technicien.ne, chirurgien.ne). Cette décision a été contestée par certains enseignants et défenseurs de l’écriture inclusive qui considèrent qu’il est important de changer les mentalités sur notre langage dès le plus jeune âge.
🕵 Le débat des experts 🕵
Présentée par ses promoteurs comme un progrès social, l’écriture « inclusive » est au contraire une régression aux accents d’exclusion.
Cette nouvelle méthode d’écriture et plus précisément les « graphies » comme le « point médian » (cher·e·s lecteur·rice·s, déterminé·e·s), tirent un trait sur des millions de Français touchés par des difficultés de lecture, d’écriture, de compréhension et de concentration.
Oui, la langue peut évoluer. La féminisation, par exemple des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades, vise à rendre plus visible la place de la femme dans la vie publique et professionnelle. Il s’agit d’un réel progrès, audible à l’oral et lisible à l’écrit.
Un grand nombre de personnes en situation de handicap se trouvent discriminés par les graphies de l’écriture inclusive
Mais non, la langue ne doit pas mettre de côté. Un grand nombre de personnes en situation de handicap se trouvent discriminées par les graphies de l’écriture « inclusive »… qui devient « exclusive ».
À titre d’exemple, plus de 7 millions de français sont touchés par des troubles dys. Les collectivités, les universités, les services publics, qui utilisent cette forme d’écriture brouillent la nature même des messages adressés aux usagers souffrant de ces difficultés. N’oublions pas que, pour certaines personnes, la lecture est l’apprentissage et le combat d’une vie.
L’introduction d’une ponctuation inhabituelle est un obstacle supplémentaire et risque d’emprisonner durablement une personne dans son handicap. Pour des millions de Français, le « point médian » est un point bloquant. Les dispositifs d’aide à la lecture de nos concitoyens malvoyants ou non-voyants, les appareils de reconnaissance vocale des personnes qui souffrent de paralysie, deviennent inopérants lorsqu’il s’agit de le décoder.
L’écriture inclusive vient sacrifier un patrimoine partagé par 300 millions de francophones dans le monde
Aussi, l’écriture « inclusive » vient sacrifier un patrimoine partagé par 300 millions de francophones dans le monde. Notre langue est belle, mais complexe. A l’école, les enfants éprouvent déjà des difficultés à pleinement la maitriser et il n’est pas question d’en ajouter davantage.
Pour ces raisons, j’ai décidé de m’engager à garantir l’égalité devant les mots et à protéger notre patrimoine commun grâce à une proposition de loi déposée en février 2021. Une circulaire a par ailleurs été publiée, le 6 mai 2021, afin de proscrire les graphies à l’école.
J’appelle les entités en charge d’une mission de service public à soutenir ma mobilisation pour l’inclusion, et contre l’exclusion.
Si l’on en croit les circulaires et les propositions de loi visant à interdire l’écriture inclusive, celle-ci se réduirait au point médian. Or ce n’est qu’un signe typographique, destiné à remplacer les parenthèses utilisées par l’État français et bien d’autres organisations, pour abréger les doublets : « Vous êtes marié(e) » devient « Vous êtes marié·e ». Soit un signe moins volumineux et surtout plus juste symboliquement parlant, puisqu’on sait bien que, dans une phrase, ce qui est entre parenthèses n’a pas le même statut que ce qui est au-dehors. C’est dire si l’objet du délit est de peu d’importance ! Car si la représentation nationale se ridiculisait au point de légiférer sur ce signe, qui empêcherait les égalitaristes d’écrire « Vous êtes marié ou mariée » ?
L’écriture inclusive n’est que le nouveau nom d’un objectif bien plus vaste et plus intéressant : le langage égalitaire
En réalité, l’écriture inclusive n’est que le nouveau nom d’un objectif bien plus vaste et plus intéressant : le langage égalitaire, ou non-sexiste, ou non-discriminant (voire « épicène » par extension du sens de ce mot, qui désigne les termes identiques aux deux genres, comme architecte ou facile). Un objectif à la portée des francophones. La langue française possède en effet toutes les ressources qui permettent de s’exprimer sans sexisme – à condition qu’elles soient enseignées au lieu d’être combattues par des lobbies réactionnaires. Il s’agit :
– de nommer les femmes avec des noms féminins, quel que soit le prestige de l’activité qu’elles exercent (autrice, officière, maitresse des requêtes, défenseuse des droits…) ;
– de nommer les femmes aussi bien que les hommes quand on parle d’une population mixte (« les agriculteurs et les agricultrices refusent cette réforme ») ;
– de renouer avec les accords traditionnels (de proximité, de logique, de choix) au lieu d’appliquer la règle du « masculin qui l’emporte sur le féminin » ;
– d’utiliser les termes adéquats pour parler de l’espèce humaine, au lieu du mot homme (humain, être humain, personne…).
C’est la volonté de déconstruire le sexisme à l’œuvre dans la langue – comme partout ailleurs
Si ce programme est aussi facile à mettre en œuvre, c’est parce que la langue française a été masculinisée de fraiche date : aucune des quatre préconisations listées ci-dessus n’aurait eu besoin d’être faite avant la création de l’Académie française (1635), pour la bonne raison qu’elles allaient toutes de soi pour nos ancêtres.
La nouveauté, ici, n’est même pas le point médian, si ce n’est comme avatar des parenthèses. C’est la volonté de déconstruire le sexisme à l’œuvre dans la langue – comme partout ailleurs. C’est ce programme-là qui affole les adeptes du monde de Papa, et qui les empêche de penser – au point de déclarer la guerre à un signe typographique !