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Est-ce la fin du soft power américain ?

📋  Le contexte  📋

Le soft power est généralement décrit comme la capacité d’influence et de persuasion d’une entité sur une autre sans utilisation de la force, de la contrainte économique ou militaire a contrario du « hard power ». Le soft power repose principalement sur le partage de la culture, des valeurs en politique et de la diplomatie.

Les États-Unis apparaissent comme la nation qui a le mieux utilisé le soft power. En effet, la culture américaine a beaucoup influencé le monde occidental, au point même qu’elle est devenue un modèle. À titre d’exemple, les universités américaines sont les plus connues et prisées dans le monde.

Beaucoup d’observateurs suggèrent que les politiques menées par Donald Trump ont contribué à ternir l’image des États-Unis et ont atténué son soft power. En conséquence les États-Unis ne sont plus considérés comme un modèle par beaucoup de pays occidentaux à cause notamment de critiques acerbes américaines sur le multilatéralisme, leur gestion de la crise du Covid et plus récemment les problèmes de racisme que les manifestations liées à la mort de Georges Floyd ont mis en lumière.

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Le « Pour »
Michael Kimmage
Professeur à la Catholic University
Le soft power américain à la recherche d'un objectif

Les États-Unis gardent une place privilégiée dans le système international et ce malgré la présidence tumultueuse de Donald Trump. Les États-Unis sont en effet la première économie mondiale et possèdent l’armée la plus puissante du monde. La culture américaine a également une influence mondiale et l’attention médiatique des journaux est particulièrement portée vers ce pays.

Néanmoins, le soft power américain est beaucoup moins efficace qu’il ne l’était au milieu des années 1990 et certainement moins puissant que dans les années 1940-1950. En effet, le soft power n’est pas la somme des influences culturelles ou autre domination de ce type. Il est défini lorsque les influences culturelles sont utilisées pour accomplir certains objectifs. Le soft power est un récit qui renforce les objectifs stratégiques d’un pays. C’est une certaine rhétorique, un art de la persuasion. Ce pouvoir est somme toute de la rhétorique avec un but politique.

Dans les années 1990 le soft power américain servait à la construction d’un système international dont le centre était les États-Unis. Ce système combinait le multilatéralisme, le libéralisme et la démocratie. Dans une certaine mesure, les États-Unis représentaient ces trois choses. La portée globale des universités américaines, du cinéma hollywoodien et de la Silicone Valley a donné une meilleure image aux projets internationaux américains.

Depuis les années 1990, deux changements ont modifié l’équation. Des divisions visibles ont eu lieu au sein des politiques américaines et il n’y a plus eu de consensus sur le multilatéralisme ainsi qu’au sujet du libre marché. Donald Trump s’oppose en effet à ces deux projets.

Une autre différence notable est que la démocratie ne compte plus nécessairement dans le nouveau paradigme des relations internationales de Washington. Celui-ci se concentre désormais sur la compétition entre les puissances et non sur la construction d’un système international. En soit, la politique actuelle d’« America First » est par essence un rejet du soft power.

La perte de consensus a donné lieu à une perdition de la narration. Si le soft power peut être assimilé à la rhétorique, une question se pose : De quoi exactement les États-Unis souhaitent-ils convaincre l’opinion internationale ? Que ce pays est un meilleur compétiteur que la Russie et la Chine ? Qu’il faudrait imiter la résurgence du nationalisme comme l’administration de Trump la souhaite ? Ou, comme le pensent les démocrates, qu’il est possible de retourner à l’état des choses en 1990 ?

Il s’agit en effet d’une narration possible, mais après quelques réflexions, celle-ci ne semble pas particulièrement convaincante. Les instruments efficaces du soft power peuvent encore être utilisés par Washington mais ils le seront uniquement si le corps politique américain arrive à soigner ses divisions et s’accorde sur une stratégie qui rassemble en matière d’affaires étrangères.

Le « Contre »
Joseph Nye
Professeur à Harvard
Les sources privées du soft power sont de plus en plus importantes à l'ère des réseaux sociaux

Il est assez clair que la présidence de Donald Trump a contribué à amoindrir le soft power américain qui est le pouvoir d’attirer plutôt que de commander. Selon une étude du centre de recherche américain Pew Research Center, seulement 29% des personnes interrogées dans 33 pays font confiance à Donald Trump. L’entreprise Gallup a réalisé une étude sur 134 pays et, parmi les répondants, seuls 30% avaient une opinion favorable des États-Unis de Donald Trump qui correspond à une chute d’environ 20 points comparé aux résultats sous la présidence de Barack Obama. De plus, d’après une étude du British Index, le soft power 30 qui classe les pays en fonction de leur influence, les États-Unis sont passés de la première place en 2016 à la cinquième place en 2019 concernant le soft power.

 

Heureusement, les États-Unis sont bien plus que leur président. Contrairement aux outils du hard power (comme les forces armées), de multiples ressources du soft power sont séparées de leur gouvernement et peu sensibles à ses objectifs. Les films hollywoodiens se font la vitrine d’une presse libre, montrent les contestations des minorités et attirent encore. Le travail reconnu des fondations américaines ( à l’instar de celle de Bill et Melinda Gates) et la liberté d’information de ses universités séduisent également.

Les entreprises, universités, fondations, églises et les mouvements de protestation développent eux même un soft power et ces sources privées de soft power sont de plus en plus importantes à l’ère des réseaux sociaux.

Comme je le décris dans mon livre Do Morals Matter ? (Est ce que les préoccupations morales comptent ?) la question importante à laquelle les États-Unis doivent répondre est si l’intérêt national doit être défini de façon vaste ou au contraire étroite. En faisant face à la pandémie du Covid-19, le président Trump a commencé par refuser la réalité de la crise pour ensuite blâmer les autres et se retirer des organisations et traités internationaux. Imaginez qu’à la place, un futur président prenne le leadership pour créer un fonds international pour les pays pauvres dédié à la lutte contre le Covid. Comme le plan Marshall en 1948, une telle chose serait bénéfique pour nous, mais aussi pour les autres. Malheureusement Trump n’a pas saisi cette opportunité. Cependant, les crises ne sont pas terminées et face à la nécessité de réformes nationales comme internationales, les États-Unis peuvent encore mettre en œuvre un leadership qui unit au lieu de diviser.

 

Dans les années 1960, les foules protestaient dans le monde entier contre les politiques américaines au Vietnam, mais les manifestants ne chantaient pas l’Internationale communiste. À la place, ils chantaient le slogan de Martin Luther King « Nous triompherons ». L’hymne des manifestants du mouvement des droits civiques illustrait bien que le pouvoir américain de persuasion et d’attraction ne résidait pas dans son gouvernement mais davantage dans notre société civile et notre capacité à se réformer. En moins de dix ans, le soft power américain est redevenu aussi puissant qu’il l’était avant cette crise.

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