Retour vers le passé en Afghanistan

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

La reconquête foudroyante des talibans au pouvoir en Afghanistan a mis le monde entier en état de choc. Après vingt années de guerre, le pays est revenu à la case départ. La récente levée des troupes américaines annoncée il y a seulement quelques mois par le président américain Biden a marqué un tournant décisif dans l’histoire du pays.

Pour y voir plus clair sur ces derniers événements faisons un petit point sur l’Afghanistan et son histoire. Ce pays enclavé d’Asie centrale, au carrefour entre le monde iranien et indien, s’est souvent trouvé entremêlé dans d’importants enjeux géopolitiques. Historiquement, l’Afghanistan est connu pour être un pays rebelle, qui résiste contre l’invasion étrangère. D’abord convoitée par les anglais au XIX, puis envahie par l’URSS pendant la guerre froide, il finit par être occupée par les américains depuis 2001. Un pays bouleversé depuis maintenant quatre décennies par la guerre et qui n’est pas encore prêt à se stabiliser…

L’occupation soviétique et la guerre civile afghane

Longtemps sous le joug de l’Empire Britannique, l’Afghanistan ne restaure son indépendance qu’en 1919. En 1978, en pleine Guerre Froide, deux coups d’Etat successifs portent au pouvoir un régime communiste qui maintient pourtant ses distances avec l’URSS et le bloc de l’Est. Moscou, craignant que l’Afghanistan ne devienne pro-américain, envahit le pays en 1979 et met en place un gouvernement qui lui est favorable. L’Afghanistan est en effet un territoire stratégique pour le bloc soviétique, car alors il peut avoir un accès à l’Océan Indien. Commence alors un conflit de plus de 9 ans opposant l’URSS à une résistance nationale de la population afghane et particulièrement aux moudjahidines, des combattants religieux financés et armés par les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest. Les moudjahidines remportent le conflit en 1989. Malheureusement, cette victoire ne permet pas de mettre fin aux combats. Avec le retrait des troupes soviétiques commence une terrible guerre civile entre les différents seigneurs de guerres qui ont vaincu l’URSS. Différents partis politiques émergent sur des lignes ethniques et communautaires opposées notamment entre Pachtounes et Tadjiks qui s’affrontent pour avoir le contrôle de pays. Cette guerre se révèle être particulièrement destructrice et meurtrière, la ville de Kaboul est détruite par les bombardements successifs. Le pays est fragmenté, le gouvernement communiste afghan ne contrôle que Kaboul, le reste du territoire étant organisé en une série de petits fiefs.

Le régime Taliban 1994-2001

Les talibans mettent en place une application rigoureuse de l’Islam en appliquant la charia. Les femmes sont exclues de la vie publique. La télévision, la musique et le cinéma deviennent interdits. Ils soutiennent aussi différentes organisations djihadistes, notamment Al-Qaïda.

En 1994, les Talibans, dont la majorité sont d’origine pachtounes, prennent peu à peu le contrôle du pays. Ils sont issus d’un mouvement fondamentaliste islamiste créée à Islamabad qui recrute dans les écoles coraniques des jeunes réfugiés afghans pour rentrer dans leur milice. Ils promettent de lutter contre la corruption du pays et l’insécurité. Les Talibans prennent peu à peu le contrôle du pays et en 1996, ils entrent à Kaboul, capitale de l’Afghanistan et fondent l’Emirat islamique d’Afghanistan avec à sa tête le mollah Mohammad Omar. Ils mettent en place une application rigoureuse de l’Islam en appliquant la charia. Les femmes sont exclues de la vie publique. La télévision, la musique et le cinéma deviennent interdits. Ils soutiennent aussi différentes organisations djihadistes, notamment Al-Qaïda.

Le 11 septembre 2001

Les attentats du 11 septembre ont fait plus de 2900 morts et 6 291 blessés. Ils constituent à ce jour la plus grosse attaque perpétrée sur le sol américain.

Le 11 septembre 2001, quatre avions de ligne sont détournés par le réseau djihadiste Al-Qaïda aux états-unis. Ces attentats, extrêmement meurtriers, ont fait plus de 2900 morts et 6 291 blessés. Ils constituent à ce jour la plus grosse attaque perpétrée sur le sol américain. Suite à ces attaques, l’organisation djihadiste aux racines afghanes Al-Qaïda et plus précisément son chef Oussama Ben-Laden sont identifiés comme responsables. Le Président George W. Bush lance alors un appel aux talibans qui occupent l’Afghanistan, les sommant de livrer les chefs d’Al-Qaïda et de fermer les camps d’entraînement de moudjahidines sous peine de représailles. Ils offrent également 25 millions de dollars pour toute information permettant d’appréhender Ben Laden.

La guerre contre la terreur

Le 7 octobre 2001, les Etats-Unis engagent une guerre contre le terrorisme et lancent les premières offensives contre le régime taliban, épaulés par l’Alliance du Nord, une formation afghane opposée aux talibans. Kaboul tombe à la mi-novembre et les derniers bastions talibans suivent peu après. Les américains traquent Ben Laden jusqu’à la mi-décembre, toutefois, celui-ci parvient à s’enfuir au Pakistan.

En décembre 2001, l’ONU signe les Accords de Bronn prévoyant un retour progressif à la démocratie en Afghanistan. Mais, après tant d’années de guerre, le pays est ravagé et le processus de stabilisation prend du temps. Fin 2002, 9 400 soldats américains et 4 800 militaires de l’OTAN sont ainsi présents sur le terrain. Cependant, les talibans sont toujours présents dans le pays et si à partir de 2004, ils cessent les affrontements directs avec les forces occidentales, ils se concentrent désormais sur les attentats-suicide à Kaboul et dans d’autres villes afghanes. Six attaques sont ainsi perpétrées en 2004, puis 21 en 2005 et 121 en 2006.

Une guerre qui s’éternise…

Un dialogue entre les présidents afghans et les talibans a été initié au début des années 2000, d’abord avec le président Hamid Karzaï puis via son successeur Ashraf Ghani, mais sans succès. Les négociations sont difficiles car les talibans souhaitent le départ des troupes étrangères et un régime qui applique la charia tandis que le gouvernement afghan ne souhaite pas voir disparaître la présence de forces étrangères tant qu’ils n’ont pas réussi à trouver un accord avec les talibans. Les Occidentaux sont de plus en plus mal vus et ils ne parviennent pas à stabiliser le pays. Depuis 2004, les Etats-Unis baissent leurs effectifs dans le pays pour se concentrer sur la guerre en Irak. L’Afghanistan reste un pays profondément fracturé. En 2014, d’après un rapport américain seul 65% des afghans vivent sous le contrôle du gouvernement. Les talibans en profitent alors pour multiplier les attaques contre les forces américaines et afghanes, ce qui a pour effet de constamment repousser le départ des Etats-Unis.

Petit à petit, les Occidentaux perdent de vue l’objectif de leur présence en Afghanistan. En 2014, le retrait progressif d’une grande partie des troupes de l’Otan aggrave encore l’insécurité. En 2015, la situation dans le pays s’envenime avec l’apparition d’une filiale de Daesh afghane sous le nom d’Etat islamique khorassan, qui se compose essentiellement de taliban pakistanias et de syriens.

“L’heure est venue de mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique”
Joe Biden, avril 2021

En avril 2021, le président américain Joe Biden annonce le retrait des troupes américaines sur le territoire afghan. Il décrète alors que “l’heure est venue de mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique”. Après avoir occupé le pays pendant vingt ans, les Etats-Unis n’ont pas réussi à stabiliser le pays. Les talibans ont rapidement repris le contrôle du pays en l’espace de quelques jours après le départ des troupes.

Organisation, idéologie : qui sont les Taliban ? • FRANCE 24

Le retour des talibans

Aujourd’hui, beaucoup s’inquiètent des conséquences qu’aura le retour des talibans en Afghanistan. En première ligne, les droits qu’ont acquis les femmes afghanes depuis ces vingt années sont de nouveau menacés. De nombreux habitants veulent quitter le pays en demandant le droit d’asile à plusieurs pays d’Europe.

Le 16 août dernier, le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il était de “l’honneur de la France” d’aider les Afghans tout en prenant garde de “nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants”.

Le 16 août dernier, le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il était de “l’honneur de la France” d’aider les Afghans tout en prenant garde de “nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants”.

À l’échelle internationale, on s’inquiète de voir l’Afghanistan redevenir la base arrière des djihadistes. Une peur d’autant plus vive depuis que les talibans ont libéré la prison de Bagram où étaient maintenus des commandants d’Al Qaïda et de l’Etat Islamique. Dans les années 90, le pays a en effet aidé l’organisation terroriste à préparer les attentats du 11 septembre. Historiquement, toutes les branches d’Al Qaïda ont une allégeance envers le régime taliban. Pourtant, d’après Olivier Roy, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence, il est peu probable que les talibans permettent aux djihadistes d’utiliser leur pays comme base du terrorisme. Depuis les accords de Doha signé en 2020 avec les Etats-Unis, les talibans se sont engagés à lutter contre le terrorisme. De plus, l’organisation Al Qaïda est aujourd’hui très affaiblie. L’autre menace en présence est celle de l’Etat islamique, ennemi cette fois-ci du régime taliban. Le groupe EI considère en effet les talibans comme des traîtres parce qu’ils ont négocié avec les américains.

La victoire des talibans soulève également l’intérêt des puissances chinoise, turque et russe, qui tentent de se rapprocher du nouveau régime islamiste. Contrairement aux autres pays, ils n’ont pas fermé leurs ambassades et tentent de dialoguer avec les talibans pour préserver leurs intérêts dans la région.

Si le retour de l’Emirat islamique d’Afghanistan fait peur, on peut espérer qu’il soit malgré tout moins dur que le premier. Le régime taliban promet en effet de mettre en place un régime moins rigoriste que celui de 1996, notamment en amnistiant les talibans qui ont collaboré avec les Etats-Unis et en respectant davantage les droits humains. Mais aujourd’hui, il est trop tôt pour prétendre que ces promesses seront tenues…