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Faut-il bannir les écrans des écoles ?

Co-financé par l’Union Européenne. Les avis exprimés n’engagent que les auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de la Commission européenne. La présente publication n’engage en aucune façon la responsabilité de la Commission européenne.

📋  Le contexte  📋

L’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) estime que parmi les jeunes de 11 à 17 ans, 66% passent plus de deux heures par jour sur un écran, et 49% y passent plus de 4h30 par jour. Toutes tranches d’âge confondues, la durée quotidienne d’utilisation des réseaux sociaux serait en moyenne de 1h46 en France. Ainsi, dans la sphère privée, on constate que si de nombreux jeunes sont très à l’aise avec un smartphone et l’usage des réseaux sociaux, ils ne le sont pas nécessairement lorsqu’il s’agit de manipuler des outils bureautiques ou d’effectuer des démarches en ligne. Concernant la sphère publique et l’éducation nationale, 100% des lycées et 90% des collèges en France sont pourvus d’un ENT (Environnement Numérique de Travail) en 2018. Cela comprend des services pédagogiques (cahier de texte numérique, espaces de stockage communs, accès à des ressources numériques…) et permet également aux parents de suivre la vie scolaire de leurs enfants en ligne (notes, absences, emploi du temps). Enfin, l’ENT représente un moyen de communication entre l’établissement et les familles.

Le développement du numérique fait partie intégrante de la stratégie Européenne. Cela comprend plusieurs aspects : la souveraineté numérique, l’identité numérique européenne, la gestion des données, la cybersécurité, le développement d’infrastructures, l’intelligence artificielle… Il s’agit donc d’un enjeu de taille qui est crucial pour la construction européenne. Par exemple, dans le cadre du plan NextGenerationEU, 250 milliards d’euros seront investis pour stimuler la numérisation. L’objectif est de faire en sorte que 80% de la population de l’UE possède des compétences numériques d’ici à 2030. Par ailleurs, 43 milliards d’euros seront consacrés aux politiques de soutien à la production de matériaux semi-conducteurs (indispensables à la majeure partie des appareils électroniques) jusqu’en 2030 : il s’agit de sécuriser la souveraineté technologique de l’Union en la rendant moins dépendante aux acteurs étrangers en matière d’approvisionnement de ces matériaux. Cette stratégie européenne se décline dans chaque pays : En France, 25% du plan « France Relance », qui s’est achevé fin 2022, étaient consacrés à la transition numérique. Sur les 100 milliards d’euros dont ce plan était doté, 39,4 milliards étaient financés par l’UE.

L’usage des écrans est désormais ancré dans notre quotidien et nos interactions sociales. Être à l’aise avec différents outils numériques est indispensable pour évoluer dans le monde du travail. Néanmoins, la question se pose de savoir si l’usage des écrans dans les écoles est réellement nécessaire, voire ne serait pas contreproductif. S’il ne semble pas exister de consensus scientifique concernant l’impact des écrans sur notre santé (les usages sont variés et n’auraient pas tous le même impact), l’ANSES met en garde contre les dangers liés à la surexposition aux écrans et à la sédentarité des adolescents. Rajouter du temps d’écran dans les écoles soulève donc la question de la surexposition, même s’il s’agirait d’un usage éducatif afin de former les jeunes aux usages du numérique. Cela met également en lumière les inégalités de ressources entre les régions et les académies. Dans une étude, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) a par exemple montré que 15% seulement des élèves dans les Outre-mer ont accès à la fibre quand 85% des Parisiens en bénéficient. Alors, l’école a-t-elle besoin de plus d’écrans ? On en débat !

Toute l’Europe, le site de référence sur les questions européennes, complète le contexte de ce débat avec un décryptage. Rendez-vous sur touteleurope.eu pour plus d’infos

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faut-il bannir les écrans des écoles ?
Le « Pour »

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Isabelle FRENAY
Journaliste santé, sophrologue, auteure, spécialisée dans les troubles de surexpositions aux écrans et la prévention santé.
L'école doit être un lieu de sensibilisation aux risques santé et sociétaux

Dans les écoles, il ne suffit pas de proposer un apprentissage via le numérique sans faire de prévention et de sensibilisation aux risques des écrans sur la santé physique et mentale, aux fake news et au droit à l’image.

Le rôle des instances gouvernementales et de l’école est aussi de faire de la prévention

Avec le tout écran à la fois pour l’apprentissage et pour les loisirs, on rentre dans des problèmes de santé publique. Le rôle des instances gouvernementales et de l’école est aussi de faire de la prévention, et l’accent n’est pas assez mis sur cette sensibilisation aux écrans. Il faut dans ce sens rendre à l’école son rôle citoyen.

La priorité est d’apprendre aux jeunes comment devenir des consommateurs avertis et prudents des écrans. Il s’agit donc de savoir quel est le contenu consommé. Les écrans font déjà partie de notre quotidien et il ne s’agit plus de s’en débarrasser. En revanche, il faut être très prudent avec l’utilisation personnelle des enfants, notamment des smartphones, car c’est la porte ouverte sur les réseaux sociaux. Si on laisse l’enfant utiliser son smartphone à l’école, sa capacité de concentration et d’attention risque fortement d’être affectée.

Mais à l’école, nous parlons avant tout de contenus pédagogiques. Certains outils permettent bien sûr de faciliter l’apprentissage. Ceci dit, certains enseignants sont en difficulté sur l’aspect technique, ainsi qu’avec les pannes des outils de l’éducation nationale. L’accès au numérique peut également créer des inégalités sociales : va-t-on demander à tout le monde d’être équipé chez soi d’une tablette et d’un ordinateur ? Certaines familles n’ont pas le budget pour s’outiller.

Il faut veiller à garder des méthodes qui ne nécessitent pas l’utilisation du numérique 

De plus, si l’écran peut représenter un outil pédagogique d’apprentissage, le livre rempli encore très bien cette fonction. Il faut vivre avec son temps et apprendre aux jeunes à se servir d’outils essentiels dans le monde du travail, comme Zoom, les emails, PowerPoint, etc. Mais ce n’est pas le seul rôle de l’école. Remettons le livre et la lecture et l’ordre du jour : on apprend toujours aussi bien avec les livres. Sans se priver d’innovation technologique, il faut veiller à garder d’autres méthodes qui ne nécessitent pas l’utilisation du numérique pour encourager au dialogue et au discernement.

Ensuite, pendant la pause à l’école, l’enfant va-t-il être devant un écran ou être incité à bouger, se dépenser ? Il est encore difficile de dire si les évolutions numériques et l’utilisation de smartphones causent plus de sédentarisation à l’école, mais la tentation peut être grande de continuer à utiliser le matériel proposé durant les pauses. Les jeunes manquent aujourd’hui d’activité physique en France et la combinaison entre écrans et sédentarité est une bombe à retardement.

L’éducation nationale doit offrir des activités physiques, culturelles et artistiques comme contrepied aux écrans

La surexposition aux écrans pose des problèmes de santé en termes de capacités respiratoires et cardiaques. La vision est également affectée car être sur un écran empêche d’exercer sa vision de loin. Aujourd’hui, de plus en plus d’enfants développent des myopies plus tôt. Il faut donc privilégier les temps en extérieur quand c’est possible. L’éducation nationale doit offrir des activités physiques, culturelles et artistiques comme contrepied aux écrans.

Ainsi, même sans délaisser les outils numériques à l’école, il faut veiller au temps d’exposition des plus jeunes. C’est notamment très important pour la santé mentale. Puisqu’à la maison, les jeunes passent de plus en plus de temps sur les écrans, l’école doit être un lieu de sensibilisation aux risques pour la santé et la société.


Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu trouver de contributeur pour défendre cette thèse. Si vous êtes compétent et légitime ou que vous connaissez quelqu’un qui l’est, n’hésitez pas à nous contacter : contact@ledrenche.fr

Le « Contre »

Sélectionnez la tribune de votre choix :
Yasmine Buono
Spécialiste Education Numérique / Prévention cyberharcèlement et dangers en ligne
Qu'est-ce qu'apprendre au XXIème siècle?

L’enjeu de l’école du XXIe siècle est d’adopter une vision holistique tenant compte des enjeux d’éducation, de santé et de citoyenneté. L’école doit former les jeunes générations à saisir les opportunités offertes par le monde numérique tout en les préparant à se protéger des risques déclenchés par cette révolution en mouvement.

Il faut garantir une petite enfance sans écran

Les écrans ne sont que des outils et ils doivent être un moyen de transmission de cette nouvelle éducation afin que l’usage du numérique ne soit un nouveau facteur d’inégalité sociale. 

Des disparités existent entre les enfants éduqués aux dangers des écrans et préparés par leurs parents à un savoir-être en ligne sur le plan social, scolaire et de leur avenir professionnel et des enfants ne bénéficiant pas d’une éducation adaptée ou d’un accompagnement approprié.

Dans un premier temps, réduire cette inégalité, c’est appliquer le principe de précaution pour les plus jeunes en leur garantissant une petite enfance sans écran à l’école afin de favoriser leur développement cognitif, affectif et social. La façon dont les enfants progressent durant leurs premières années peut influer sur leurs résultats scolaires, leur bien-être et donc leur devenir.

Les élèves ont besoin de compétences en faveur d’une citoyenneté numérique

Dans un second temps, le numérique à l’école doit éduquer à une connaissance et à des connaissances pertinentes visant à permettre un bon usage des outils de communication et d’information en ligne. Les élèves, dès la primaire, ont des temps d’écrans récréatifs de plus en plus importants et interagissent en ligne. Ce que font et voient les enfants sur les réseaux sociaux ou les jeux en ligne influence leur vie, leur manière de penser et leur manière d’agir.

Les conséquences de cette influence ont un impact sur le devenir de notre société et posent la question de l’éducation à la citoyenneté numérique. Selon Habilo Média, Le Centre d’éducation aux Médias canadien, la citoyenneté numérique est la capacité de naviguer dans nos environnements numériques de manière sécuritaire et responsable et de s’engager activement et respectueusement dans ces espaces. D’après le Conseil de l’Europe,  « les citoyens numériques peuvent être décrits comme des personnes capables d’utiliser les outils numériques pour créer, consommer, communiquer et s’engager de manière positive et responsable avec les autres. »

Les écrans à l’école ne doivent se contenter de n’être que des outils administratifs ou logistiques, mais le moyen de former les élèves aux compétences attendues en faveur de cette citoyenneté numérique.

Les jeunes doivent se saisir des nouvelles opportunités du numérique

Les écrans à l’école doivent promouvoir la maitrise du numérique comme un outil essentiel pour répondre aux besoins des jeunes générations dans ce monde qui bouge. Cette nouvelle éducation permettra aux enfants d’évoluer dans un monde soumis à de forts changements en sachant acquérir les compétences appropriées pour leur futur professionnel et citoyen tout en préservant leur santé.

Sans une éducation visant à développer des compétences adaptées, le risque est de voir de nombreux jeunes ne pas réussir à se saisir des nouvelles opportunités du numérique.

Le rapport Eduction 2030 de l’OCDE appelle à répondre à deux questions considérées comme essentielles pour un enseignement plus juste et plus efficace lié à l’usage des outils de communication et d’information :

  • De quelles connaissances, compétences, attitudes et valeurs les élèves d’aujourd’hui auront-ils besoin pour réussir leur vie et bâtir le monde de demain ?
  • Comment les systèmes éducatifs peuvent-ils transmettre ces connaissances, compétences, attitudes et valeurs de manière efficace ?


Nawal Abboub
Scientifique et entrepreneure, co-fondatrice de RisingUp, auteure de La puissance des bébés, Éditions Fayard
Les écrans représentent un outil éducatif essentiel pour l’avenir
En France, nous avons des recommandations assez strictes concernant les temps passé devant les écrans pour les enfants. Mais est-ce basé sur des études scientifiques, ou sur des idéologies et une peur de la technologie ?

Les écrans sont le symptôme du problème et non la cause

Certains estiment que les écrans sont dangereux pour les enfants. Pourtant, les études scientifiques sont unanimes, les écrans ne causent pas, à eux seuls, des retards de langage, ou des prises de poids…

Si une majorité des enfants qui passent beaucoup de temps sur les écrans souffrent d’obésité, les écrans en sont-ils la cause ? Non, car les enfants ne sont pas égaux face à l’obésité. Tout d’abord, un enfant qui a du mal à bouger à cause de son poids aura tendance à passer plus de temps sur les écrans, mais ce n’est pas tout. Il existe des facteurs qui vont provoquer son apparition et sa sévérité : des prédispositions génétiques, un environnement plus vulnérable, etc. En réalité, les enfants qui passent plus de temps sur les écrans sont ceux déjà en situation de fragilité (obésité, retard de langage ou autisme). Trop d’écrans signifie qu’il y a un problème, mais ce n’est pas en retirant les écrans qu’on va soigner efficacement.

Les écrans représentent un outil personnalisable et efficace pour l’enseignement

De nombreuses études montrent que les enfants apprennent sur les écrans, mais il y a des conditions. Il y a encore quelques années, les nouvelles technologies, c’étaient la télévision, la cassette ou la radio. Aujourd’hui, ces outils sont de plus en plus interactifs. En fonction de notre réponse à l’écran, on peut recevoir des feedbacks à notre action. Cela fait toute la différence : c’est ce mécanisme qui fait que les enfants vont apprendre. Si les enfants sont passifs face à un contenu, alors ils vont très peu en retenir. En revanche, si on leur pose des questions, qu’ils obtiennent des réponses à leurs interrogations, ils vont alors comprendre en fonction de leurs actions ce qui était bien ou moins bien. Des outils basiques mais efficaces, comme des quiz, permettent à chaque enfant d’avoir un retour sur son travail et de manière immédiate.

Les écrans sont un outil avec des avantages comme des inconvénients. L’écran ne peut pas répondre quand un élève est triste ou quand il y a un conflit, c’est le rôle du professeur. L’écran ne remplacera jamais l’humain. Mais ils peuvent aider à créer ou rester en lien avec les autres. Par exemple, les réseaux sociaux permettent de partager des passions, de se renseigner, d’être curieux… Sans nier qu’ils apportent aussi du négatif et qu’il faut faire de la prévention. Il s’agit d’apprendre aux enfants comment utiliser le numérique. Ils auront besoin de ces outils dans le monde de demain, tout comme ils ont besoin de savoir utiliser une fourchette ou de connaître les règles de politesse.

La France reste extrêmement en retard en matière de numérique

Malgré les efforts ces dernières années avec le Programme d’investissements d’avenir ou Le PLAN NUMÉrique à l’école, la France est extrêmement en retard en matière de numérique. Aux États-Unis, au Canada, en Norvège ou encore en Chine, le numérique à l’école a toute sa place. Nous devons donc aider nos enseignants à se saisir de ces questions, en formation initiale et continue, en leur proposant des outils pertinents et efficaces. Il ne faut plus douter, le numérique aide à optimiser ses enseignements et il est d’urgence de s’en saisir.

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