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Mettre fin aux négociations d’adhésion serait un premier échec de la politique européenne la plus réussie
Sinan Ülgen
Président exécutif de EDAM Think-tank et chercheur invité à Carnegie Europehttp://edam.org.tr/en/homepage/
Oui, certainement. Aujourd’hui il est clair que ce processus a atteint un point mort à cause des dynamique politiques en Turquie, mais également en Europe. Cependant, ce processus reste gagnant-gagnant pour les deux côtés. Il n’y a pas d’avantage réel à l’abandon de cet expérimentation historique. Mettre fin aux négociations d’adhésion serait un premier échec de ce qui est généralement considéré comme étant la politique européenne la plus réussie, à savoir la politique d’élargissement.
La dynamique d’adhésion à l’UE créerait un cycle vertueux de réformes internes
Il se peut qu’à la fin la Turquie ne devienne jamais un membre de l’UE. Néanmoins, garder la Turquie ancrée dans la voie de l’adhésion reste l’option optimale.
Dans un avenir proche, un leadership politique différent en Turquie pourrait décider de mener des réformes politiques profondes. La dynamique de l’adhésion à l’UE pourrait à ce moment créer un cercle vertueux qui pousserait à mener des réformes nationales permettant des progrès dans les négociations avec l’UE. Par le passé, l’objectif d’adhésion à l’UE a constitué un élément primordial dans les discours concernant les réformes nationales. Cela a été le cas pour la Turquie ainsi que pour de nombreux autres pays candidats dans le passé. Ce potentiel reste très concret et réel.
Compte tenu des difficultés actuelles, il est nécessaire de restructurer dès maintenant la coopération UE-Turquie dans des domaines d’intérêt mutuel tels que le commerce, les réfugiés, l’énergie, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la politique étrangère. Et l’efficacité de ce cadre de coopération dépendra énormément de la capacité des décideurs turcs à voir leur avenir au sein de l’UE.
Le débat sur l’adhésion de la Turquie est également une réflexion sur la manière dont l’UE conçoit son avenir dans l’ordre mondial et régional.
Aussi, si nous regardons ce débat de la perspective européenne, mettre fin aux négociations reviendrait à accepter que l’Europe n’a pas de programme de transformation ni d’ambition pour l’un de ses voisins les plus importants sur le plan stratégique. Par conséquent, le débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Union est également une réflexion sur comment l’Union Européenne conçoit son avenir dans l’ordre mondial et régional. Pour une Union aspirant à jouer un rôle plus actif et influent sur la scène mondiale, en particulier à la lumière de l’évolution des relations avec les Etats-Unis, la volonté de retenir la Turquie bien ancrée en Europe en tant qu’un futur membre devrait être plus forte.
Le gouvernement turc a longtemps mis de côté ses ambitions européennes
Renate Sommer
Eurodéputée, Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), Parti Populaire Européen (PPE)http://www.europarl.europa.eu/meps/en/4282/RENATE_SOMMER/home
La Turquie a toujours été un voisin important de l’Union Européenne.
Néanmoins, une coopération proche peut être réalisée uniquement quand elle est basée sur le respect des droits de l’Homme, des libertés fondamentales, des valeurs démocratiques et de l’Etat de droit.
Le gouvernement turc a mis de côté ses ambitions européennes
Les développements des dernières années ont montré que le gouvernement turc a mis de côté ses ambitions européennes. Le rapport annuel appelé “rapport d’avancement sur la Turquie” est devenu de facto un “rapport de régression” et la Commission européenne l’a renommé “le rapport annuel sur la Turquie”. L’état de droit a été aboli, les droits de l’Homme et des minorités ont été bafoués ; les membres de l’opposition, les critiques, les journalistes et les minorités religieuses sont persécutées ; l’arbitraire et la peur règnent désormais.
Afin d’inverser la situation et pousser Ankara à respecter les droits de l’Homme, la liberté de cultes et la démocratie, le Parlement européen a demandé en juin 2017 une suspension officielle des négociations d’adhésion de la Turquie au cas où la nouvelle constitution, qui ne respecte pas les valeurs européennes fondamentales, entrait en vigueur. Depuis, celle-ci a été adoptée. Cette nouvelle constitution autorise désormais le président à gouverner par décret et à tout contrôler. La Grande Assemblée nationale de Turquie est marginalisée, tout comme la démocratie. En outre, le gouvernement turc manque de plus en plus de respect à l’intégrité territoriale et à la souveraineté des pays voisins de l’UE et n’a jamais reconnu à ce jour la République de Chypre en tant qu’État souverain et membre de l’UE.
Dans ces conditions, continuer les négociations serait une farce
Dans ces conditions, continuer les négociations d’adhésion serait une farce et n’aiderait personne. C’est pourquoi le Parlement européen demande à ce que les relations entre la Turquie et l’UE soient redéfinies en termes de partenariat. Cette future coopération devrait s’appuyer sur l’union douanière, qui revêt plus que jamais une importance capitale pour la Turquie. L’Etat est profondément endetté, l’économie turque est en chute libre, le chômage et les prix augmentent et il n’y a pas de signes d’une possible baisse d’inflation. Le pays a besoin d’argent et le président Erdogan a besoin de succès économiques pour être réélu.
L’union douanière actuelle et sa possible « modernisation », qui impliquerait l’ouverture aux produits agricoles, aux marchés publics et aux services, est vitale pour un changement politique en Turquie, car le Parlement européen y pose des conditions. Nous voulons que la Turquie respecte les valeurs essentielles de l’UE. De plus, la Turquie doit reconnaître tous nos États membres et, par conséquent, s’engager et contribuer à un règlement global de la question chypriote et respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté de ses voisins.
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