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Faut-il définir un âge minimum de consentement sexuel ?

📋 Le contexte 📋

Dans la loi, une « majorité sexuelle » est fixée à 15 ans par le Code pénal. Cela signifie que toute proposition ou acte sexuel d’un adulte avec un mineur est interdit. Plus en détails, concernant les mineurs de moins de 15 ans, la loi distingue :

  • les propositions sexuelles, punies de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende,
  • l’agression sexuelle, qui est un acte sexuel sans pénétration, commis par violence, contrainte, menace ou surprise, punie de 10 ans de prison et 150 000 € d’amende,
  • l’atteinte sexuelle, qui est un acte de pénétration sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, lorsqu’elle est commise par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans, punie de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende
  • le viol, qui est un acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise, puni de 20 ans de prison (et plus si circonstances aggravantes).

Les peines indiquées sont des peines maximales encourues. Source : Code pénal sur Service-public.fr

En février 2018, un homme de 28 ans est inculpé pour « atteinte sexuelle » suite à des relations sexuelles avec une petite fille de 11 ans. L’enfant n’ayant pas été contrainte (par violence, contrainte, menace ou surprise), l’homme a été inculpé en premier lieu pour atteinte et non pour viol. Face au scandale, un âge minimal de consentement sexuel est débattu. Mais la mesure n’a jamais vu le jour suite aux désaccords des législateurs sur la définition et les limites de cet âge. En Europe, cet âge minimum de consentement sexuel existe dans certains pays. Il est fixé à 12 ans en Espagne, à 14 ans en Belgique, à 15 ans au Danemark et à 16 ans au Royaume-Uni.

L’actualité fournit une bonne idée de la nécessité que revêt le débat sur l’âge minimum de consentement : l’affaire Matzneff, le jugement de Père Preynat, les révélations d’Adèle Haenel, les déclarations des patineuses françaises, … Dans toutes ces affaires, des personnes mettent en cause des hommes ayant usé de leur position dominante (écrivain, prêtre, réalisateur, entraîneur,…) en les contraignant ou les incitant, lorsqu’elles étaient enfants, à avoir un rapport sexuel avec eux.

🕵 Le débat des experts 🕵

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Le « Pour »
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Nathalie Avy-Élimas
Députée MoDem du Val d’Oise
Violences pédophiles : "Sans présomption de contrainte, nous renonçons à protéger nos enfants"

En France, en 2020, il n’existe pas de seuil d’âge en deçà duquel l’absence de consentement d’un mineur est présumée en cas d’acte sexuel. Cela revient à considérer qu’un enfant, quel que soit son âge, peut consentir de manière libre et éclairée à un acte sexuel avec un adulte ; à accepter que, régulièrement, les procès se jouent autour de l’apparence ou de l’attitude de l’enfant, alors qu’ils devraient se concentrer sur les intentions du prédateur ; à nier l’asymétrie évidente entre un adulte et un enfant. Finalement, cela revient à renoncer à protéger nos enfants alors que nous savons que plus de la moitié des viols et des agressions sexuelles sont commis sur des enfants de moins de 11 ans. Or, selon les termes du Code Pénal, l’absence de consentement ne peut se caractériser qu’en cas de « violence, contrainte, menace ou surprise », ignorant les effets que peut provoquer l’état d’effroi et de sidération sur les victimes. Le 5 mars, nous examinerons une proposition de loi du groupe La France Insoumise visant à lutter contre les violences sexuelles à l’égard des enfants. Ce texte se compose d’un article unique disposant, en substance, que la contrainte est présumée dès lors qu’un acte sexuel est commis sur un mineur de moins de treize ans. J’avais déposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, il avait alors été rejeté par la majorité des députés. Il est temps que la représentation nationale soit à la hauteur de l’enjeu. L’actualité nous en a tristement rappelé l’urgence. Il y a quelques semaines, nous avons découvert avec effroi le récit de Vanessa Springora, victime de Gabriel Matzneff quand elle était enfant. Nous avons aussi réalisé combien notre société avait été incapable de la protéger – car, pour partie, trop occupée à protéger l’écrivain qui assumait pourtant ouvertement ses actes pédophiles. Cette affaire a, logiquement, suscité une indignation légitime dans notre pays. Traduisons-la en acte en intégrant, enfin, cette présomption de contrainte à notre arsenal législatif en matière de protection de l’enfance.

Sandrine Rousseau
Présidente de l’association Parler
Un âge limite de consentement : une mesure essentielle de protection de l’enfance

Oui il le faut. Trois raisons à cela.

D’abord parce qu’aujourd’hui le consentement n’est pas défini dans la loi. La loi française précise qu’il y a viol ou agression sexuelle lorsqu’il y a situation de contrainte, menace, surprise ou violence. Mais on le voit dans toutes les affaires concernant les enfants : le Père Preynat, l’affaire soulevée par Adèle Haenel ou par Vanessa Springora au sujet de Matzneff, mais également celle du chirurgien de Charente et dans bien d’autres moins médiatiques, il peut y avoir pédocriminalité sans violence, menace, contrainte ou surprise. La loi précise désormais qu’en dessous de 15 ans les enfants sont vulnérables, mais elle ne dit toujours pas qu’il n’y a pas de consentement possible.

L’appréciation de la vulnérabilité et c’est le second argument, se fait sur la capacité de l’enfant à comprendre les choses et en particulier les choses du sexe. Mais quand bien même un enfant est en mesure de comprendre ce qu’est une relation sexuelle, il n’est pas en mesure d’en comprendre toutes les implications. Surtout cela oblige la justice à vérifier l’état de vulnérabilité de la victime. Et c’est la second argument fort. Il faut faire en sorte que la loi oblige les juges et la justice à enquêter sur le comportement des agresseurs et violeurs plus que des victimes. La focale doit être détournée vers les modes opératoires, les stratégies mises en place afin de manipuler un enfant suffisamment pour commettre une agression ou un viol et ensuite pour l’empêcher de parler.

Enfin, il faut protéger les enfants. Nous vivons dans une société qui impose la ceinture de sécurité à l’arrière des véhicules, les barrières de protection dès qu’il y a un danger, qui protège les cours d’école du regard et des intrusions, on ne peut pas imaginer qu’on laisse les enfants seuls avec leur secret plus longtemps. Il faut les aider à parler quand ils ont été agressés ou violés et pour cela il est important que la loi leur dise qu’ils n’ont aucune espèce de responsabilité dans ce qui s’est produit. Non ils ne pouvaient pas être consentants et ce n’est pas à eux de se protéger mais à la société de protéger ses enfants.

Pour toutes ces raisons nous devons définir un âge en deçà duquel il n’y a pas consentement.

Le « Contre »
Marie Mercier
Sénatrice de la Saône-et-Loire (Bourgogne-Franche-Comté)
Protéger l'ensemble des mineurs victimes d'infractions sexuelles : un impératif qui s'impose à tous

La question de poser un âge limite de consentement à l’acte sexuel est légitime. Elle agite notre pays avec pour principale interrogation d’en définir le palier. Or notre droit pénal fixe déjà un seuil : si le mineur est âgé de moins de 15 ans, le majeur s’expose à une peine, alourdie par la loi Schiappa du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. La question qui se pose est donc plutôt de savoir si tout acte sexuel entre un majeur et un mineur devrait être qualifié de viol et réprimé comme tel. La peine encourue serait alors beaucoup plus lourde, de 20 ans de réclusion criminelle lorsque le viol est commis sur un mineur de moins de 15 ans. Pour moi, il faut protéger tous les mineurs contre le viol sans limite d’âge. Qu’un enfant ait 12, 14 ou 17 ans, il reste vulnérable, victime possible d’une emprise, d’abus ou de violences de nature sexuelle. Cette volonté était traduite dans une proposition de loi que j’ai rapportée au Sénat en 2018. L’adulte y était présumé coupable de viol dans deux cas et sans qu’il faille en apporter la preuve : une incapacité de discernement de la victime mineure ou un écart d’âge important entre eux. Voté à l’unanimité des suffrages exprimés, ce texte a inspiré la loi Schiappa. Celle-ci facilite le recours à la qualification de viol ou d’agression sexuelle lorsque les faits sont commis sur un mineur dès lors qu’il y a une différence d’âge entre la victime et l’auteur et que celui-ci exerce sur la victime une autorité de droit ou de fait. Concernant les mineurs de moins 15 ans, la loi précise que si la victime ne dispose pas du discernement nécessaire pour ces actes, il y a abus de vulnérabilité permettant de caractériser le viol. Une mission d’évaluation de la loi est en cours qui devra déterminer si elle a conduit les juges à retenir plus fréquemment la qualification de viol. Depuis plus de deux ans au Sénat, je travaille sur ce sujet grave et difficile. Protéger les mineurs des pédo-criminels est l’affaire de tous. Il faut lever les tabous, briser le silence, sensibiliser chacun à l’interdit des violences sexuelles sur mineurs. L’éducation et la prévention sont les meilleures armes pour combattre ce fléau.

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