📋 Le contexte 📋
Depuis plusieurs années, de nouvelles techniques de sélection végétale apparaissent. Entre autres les NBT : les « new breeding technics« . Il s’agit de nouvelles techniques d’édition du génome qui permettent la modification du matériel génétique d’un être vivant. Ces techniques permettraient par exemple de transformer le matériel génétique d’une plante afin de la rendre plus résistante à la sécheresse ou encore pour la rendre plus nutritive. Les possibilités sont a priori très nombreuses.
Certaines variétés sont déjà cultivées à titre expérimental en Europe mais ne sont pas encore commercialisées.
Ce point est crucial dans ce débat. En effet, les NBT ne sont pas issus des mêmes méthodes que les OGM commercialisés aujourd’hui. Les « anciens » OGM sont créés en introduisant un nouveau gène issu d’une autre espèce. On parle alors de transgénèse. Les produits issus des NBT sont obtenus après la modification d’un gène déjà présent dans la semence concernée. On parle alors de mutagénèse. La différence fondamentale est donc que les NBT n’implique pas l’utilisation d’un gène étranger.
De rien pour le cours de sciences.
Jusque-là, les NBT étaient soumis à la même réglementation que les OGM. En 2018, la Cour de justice de l’UE avait jugé que ces produits issus de « mutagenèse » étaient bien des OGM et devaient être soumis aux mêmes règles.
Mais la Commission européenne a rendu récemment un rapport dans laquelle elle se montre favorable à l’utilisation des NBT et recommande d’établir une nouvelle législation propre à ces nouvelles biotechnologies, distincte de celle des OGM. En effet, d’après les auteurs du rapport, la directive OGM actuelle « n’est pas adaptée » à ces « progrès scientifiques et technologiques ». La Commission a promis « une vaste consultation pour discuter de l’élaboration d’un nouveau cadre juridique pour ces biotechnologies ». C’est donc le bon moment pour se poser la question.
Alors, faut-il déréglementer les NBT car ils constituent une opportunité unique de créer des espèces plus résistantes et plus nutritives sans risques ? Ou faut-il au contraire se méfier des potentielles « erreurs génétiques » et soumettre les NBT aux mêmes règles que les OGM existants afin de protéger les consommateurs ? On en débat.
🕵 Le débat des experts 🕵
Les entreprises semencières œuvrent chaque jour pour offrir les variétés adaptées aux attentes des agriculteurs, sources de notre alimentation depuis la nuit des temps. En la matière, la recherche et l’innovation variétale jouent un rôle déterminant dans le processus d’amélioration des plantes, en vue de répondre aux défis auxquels toute la filière agroalimentaire fait face.
Au premier chef : le changement climatique, comme en témoigne l’épisode de gel du mois d’avril [2021]. A cela se conjuguent plusieurs enjeux tels que la nécessité d’une agriculture durable, le maintien de notre souveraineté alimentaire, l’autonomie protéique, la préservation de la biodiversité cultivée, etc. Les nouvelles techniques d’édition du génome constituent des outils clés pour relever ces défis et maintenir le niveau d’innovation nécessaire à l’accélération des transitions.
Suivant une logique de progrès permanent, ces nouvelles techniques induisent des variations sur des gènes déjà présents dans la plante de façon à lui conférer des caractéristiques spécifiques – permettant ainsi une obtention de produits par « mutagenèse », à la différence de la « transgénèse » qui impliquerait l’introduction d’un ADN étranger. La plus connue, CRISPR Cas9, dite « ciseaux moléculaires », qui a valu à Emmanuelle Charpentier le prix Nobel de la chimie en octobre, permet des applications majeures, notamment en agronomie : accélération du développement de variétés plus résistantes aux maladies, ravageurs, stress hydrique, écarts de température, réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires …
Facile à mettre en œuvre, peu onéreuse, très efficace et sans risque pour l’environnement ou la santé
Et le temps presse ! Rappelons que le cycle moyen d’innovation variétale est de 7 à 10 ans et peut atteindre 15 à 20 ans.
C’est pourquoi, l’évolution du cadre réglementaire permettant le développement de ces nouvelles techniques est un enjeu majeur.
Facile à mettre en œuvre, peu onéreuse, très efficace et sans risques pour l’environnement ou la santé, l’édition génomique est un outil supplémentaire pour mettre au point des plantes qui permettront d’anticiper et de s’adapter aux défis du changement climatique tout en enrichissant la biodiversité et contribuant à une alimentation sûre et saine. Pour toutes ces raisons, le récent rapport de la Commission européenne, qui suggère d’exclure ces nouvelles techniques de la directive relative au développement des OGM, constitue une avancée significative pour les filières agricoles et permettra aux semenciers d’être au rendez-vous des défis à relever, dans une dynamique de dialogue avec la société !
Les Organismes Génétiquement Modifiés sont aujourd’hui soumis à une réglementation spécifique. Elle est issue des combats et des luttes que paysans et consommateurs ont mené pour avoir le droit de cultiver et de consommer sans OGM.
La directive européenne 2001-18 définit ce qu’est un OGM, c’est-à-dire « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement ». Elle précise aussi l’obligation de soumettre ces organismes à une évaluation, puis à une demande d’autorisation. Si l’OGM est commercialisé il doit être étiqueté et pouvoir être tracé tout au long des filières agricoles et alimentaires.
Suite à la mobilisation d’organisations paysannes et citoyennes, la Cour de Justice de l’Union Européenne et le Conseil d’Etat ont rendu des arrêts confirmant que tous les OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique doivent bien être réglementées comme les autres OGM. Seuls ceux qui sont issus de techniques traditionnellement utilisées et dont la sécurité est avérée depuis longtemps sont exemptés. Le Conseil d’Etat a ainsi enjoint le gouvernement d’appliquer la réglementation OGM aux variétés issues de ces nouvelles techniques, ce qu’il n’a toujours pas fait. Mieux : pour sortir de cette illégalité, il fait pression auprès de l’Union Européenne pour modifier la directive OGM européenne, dans le but de cacher la fraude des semenciers.
Cette réglementation doit s’appliquer aussi à tous les produits issus de nouvelles techniques de modification génétique faussement appelées NBT et cela malgré les déclarations mensongères du ministre de l’Agriculture qui affirme que les produits issus de ces techniques ne sont pas des OGM.
Les paysans ne pourront pas savoir ce qu’ils sèment dans leur champ et l’ensemble des citoyens ne pourront pas savoir ce qu’ils mangent
Il est clair que s’il y a déréglementation, il n’y aura plus de transparence sur les méthodes d’obtention utilisées. Les paysans ne pourront pas savoir ce qu’ils sèment dans leur champ et l’ensemble des citoyens ne pourront pas savoir ce qu’ils mangent. Les OGM présentant des risques pour la santé ou l’environnement seront commercialisés sans aucune évaluation au mépris du principe de précaution.
De plus la commercialisation de ces OGM pose de nombreux problèmes : l’utilisation accrue de pesticides, résistance des adventices, pollution des eaux, contaminations génétiques des parcelles voisines, écroulement des filières biologiques et « sans OGM ».
La question de la propriété industrielle est centrale. Ces OGM sont couverts par des brevets qui empêchent les paysans de semer et d’échanger leurs propres récoltes, y compris lorsque leurs propres semences ont été contaminées ou contiennent naturellement un caractère semblable à celui qui est breveté.
C’est à terme le contrôle de toutes les semences, et donc de toute la filière alimentaire, par une poignée de sociétés transnationales détenant la majorité des brevets, et en conséquence le droit à une alimentation sans OGM et à la souveraineté alimentaire qui sont en jeu.
Plus que jamais, une forte mobilisation des citoyen-nes est indispensable pour que la loi soit appliquée et non supprimée, et ainsi permettre qu’une agriculture et une alimentation sans OGM puissent exister.