Faut-il faire bénéficier les jeunes des minima sociaux ?

📋  Le contexte  📋

Les minima sociaux sont une série de prestations sociales françaises qui ont pour objet d’assurer un revenu minimum. Il existe au total dix minima sociaux différents et cherchent chacun à couvrir une population spécifique.

Parmi les plus importantes on peut cite le revenu temporaire de solidarité active (RSA) qui cherche à éviter la pauvreté à ceux qui ne travaillent pas et faciliter l’accès à l’emploi, l’allocation aux personnes handicapés (AAH), l’allocation spécifique aux personnes âgées (Aspa). Tous ces minima sociaux et les montants qui en découlent sont versés selon un certain nombre de critères (âge, nombre d’enfants à charge, ménage en couple, etc)

Fin 2019, environ 6,9 millions de français sont couverts par les minimas sociaux soit 10 % de la population. Le RSA, le plus importants des minima sociaux, bénéficiait à 2,1 millions de foyers (soit 4 millions de personnes) en 2021. Il coûte aux finances publiques environ 15 milliards d’euros par an.

Au 1er avril 2022 (date de sa revalorisation), le montant mensuel du RSA est de 575,52 € pour une personne seule vivant en métropole et dans les départements d’Outre-mer, pour 565,34 € en 2021. Le montant est plus élevé si le ménage est en couple et encore plus selon le nombre d’enfants à charge.

S’il y a autant de minima sociaux, c’est pour couvrir des tranches différentes de la population. Le revenu de solidarités Outre-mer (RSO) pour les français qui n’habitent pas dans la métropole, l’allocation pour les demandeurs d’asile (ADA), l’allocation veuvage (AV) pour les personnes dont le conjoint est décédé, l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) pour les personnes invalides qui n’ont pas encore l’âge de partir à la retraite ou encore l’allocation temporaire d’attente (ATA), supprimée en 2017, pour les personnes en attente de réinsertion en sont des exemples.

Cependant, ces prestations ne ciblent pas les jeunes et ces derniers ont même une situation particulière. Par exemple, les conditions pour pouvoir toucher le RSA ne sont pas les mêmes en dessous de 25 ans. Pour les 18-24 ans, seuls les parents isolés ou les jeunes actifs pouvant justifier de deux ans de travail sur les trois dernières années peuvent en bénéficier.

La précarisation des étudiants pendant la crise sanitaire a amené de nombreuses personnalités de gauche à souhaiter un « élargissement du RSA aux moins de 25 ans ». Une proposition rejetée par le gouvernement qui privilégie la création des « conditions d’une meilleure insertion sociale et professionnelle ». De plus, Emmanuel Macron souhaite réformer le RSA en conditionnant son versement à la consécration de 15 à 20 heures par semaine à une activité de formation ou vers l’insertion professionnelle.  Mais c’est un autre débat… aussi traité par le Drenche.

S’inquiétant du recul de l’engagement des jeunes dans la vie démocratique (87 % d’abstention des 18-24 ans aux élections législatives et régionales de 2021), le Premier ministre Jean Castex a saisi le CESE pour qu’il analyse le phénomène et formule des propositions pour favoriser l’engagement des jeunes dans la société et leur participation à la vie démocratique.

Le CESE, ou Conseil économique social et environnemental, est la troisième assemblée constituante du pays, après l’Assemblée nationale et le Sénat. Elle vise a assurer le lien entre les pouvoirs publics et la société civile et préconise le parlement dans l’élaboration des politiques publiques.

En mars 2022, le CESE a remis au Premier ministre son avis. Parmi ses préconisations, on retrouve l’élargissement des minima sociaux  (notamment le RSA) aux jeunes dès 18 ans afin de recréer de la confiance entre les jeunes et le système politique. Alors, que penser de cette proposition ? On en débat avec deux experts.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pour ou Contre l'élargissement des minima sociaux dès 18 ans ?
Le « Pour »
Kenza Occansey
Conseiller au CESE, co-rapporteur de l’avis « Engagement et participation démocratique des jeunes »
Les mêmes droits à toutes et tous pour une démocratie plus sociale, plus ouverte, plus inclusive

Mais pourquoi parler de minimas sociaux et de droit commun quand on parle engagement et participation démocratique des jeunes ? Parce que pour s’engager, il faut avoir confiance. Et pour avoir confiance en un système, quoi de mieux que de se sentir considéré par ce dernier ?

18 ans, c’est l’âge de l’émancipation, de la majorité. C’est l’âge parfois fantasmé des devoirs, des responsabilités. Mais en France, cela ne rime pas avec l’âge de la confiance et de l’accompagnement. Notre système exclut volontairement toute une partie de la population du droit commun.

Mêmes devoirs, mêmes attentes de la part de la société que pour les autres adultes, mais pas les mêmes droits, ni les mêmes accompagnements.

18 ans, c’est l’âge de tous les possibles : on peut voter, se salarier, cotiser et payer des impôts. Enfin presque tous les possibles, car il n’est pas possible d’avoir accès aux minimas sociaux. Et cela alors que les jeunes sont parmi les catégories les plus précaires de la population, et qu’ils sont 1,5 millions à être ni en emploi ni en formation. Avant 25 ans, les plus jeunes de nos concitoyennes et concitoyens doivent faire face à cela sans réelle considération de l’État.

Et malgré tout, on attendrait des jeunes qu’ils participent, qu’ils s’engagent au sein d’un système démocratique qui ne les place pas au même niveau que les autres citoyennes et citoyens ? Pour ne pas creuser une fracture générationnelle que personne ne souhaite, il est nécessaire d’inclure les jeunes dans notre système de solidarité nationale, et de prouver par des actes qu’une relation existe entre les jeunes et l’État. L’enjeu est de société : faire plus souvent des jeunes les bénéficiaires directs des politiques publiques à leur destination.

Prendre en considération les jeunes est la première étape pour que ceux-ci considèrent à leur tour l’importance de leur participation dans notre système.

L’extension d’un filet de sécurité existant pour le reste de la population est une condition essentielle permettant de se projeter, de potentiellement sortir de la grande précarité, de s’insérer socialement. La participation au sens large du terme est trop fortement liée à ces aspects de notre vie sociale et économique pour ne pas se doter de toutes les armes pour permettre cet engagement de toutes et tous. Car oui, voter est un engagement, et ne doit pas être considéré autrement.

La question démocratique est trop importante pour qu’on souhaite la cantonner à un domaine spécifique de l’action publique. L’émancipation des jeunes peut être freinée de plein de façons différentes. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur l’un de ces freins, qui ne représente pas l’alpha et l’oméga de la participation citoyenne, mais qui serait un premier pas vers la jeunesse. Accompagnons les jeunes, tous les jeunes, par le respect et la considération. Faire rentrer les jeunes dès 18 ans dans le droit commun, c’est leur faire confiance, les accompagner à un stade de la vie déjà suffisamment complexe, et leur donner les moyens de s’engager. Par le vote, dans des associations, mais aussi s’engager simplement et pleinement dans leur vie et celle de la société.

Dès 18 ans, donnons les mêmes droits à toutes et tous, faisons vivre notre devise, pour une démocratie plus sociale, plus ouverte, plus inclusive.

Le « Contre »
Agnès Canayer
Sénateur LR de la Seine-Maritime
Plutôt qu’un filet, les jeunes méritent des tremplins pour réussir !

Les attentes des jeunes ont toujours été très claires : ils souhaitent, comme tout le monde, prendre leur place dans notre société. Ils veulent trouver leur voie, un emploi qui a du sens et accéder à l’autonomie que ce soit en termes de logement ou de mobilité. Les faits sont têtus. Régulièrement au sein de la Mission Locale que je préside au Havre, nous avons en face de nous des jeunes sans solutions.

Donner pour donner n’apportera rien.

Les jeunes balayent d’un revers de main l’hypothèse d’un RSA jeune et expriment, au contraire, leurs besoins d’être accompagnés pour s’insérer rapidement et durablement dans l’emploi.

Comme nous pouvons malheureusement le constater actuellement, le RSA pour les plus de 26 ans en est aujourd’hui réduit à l’allocation et la dimension accompagnement, pourtant essentielle, en est le parent pauvre. Si du point de vue de la lutte contre la pauvreté, il a son utilité en tant que filet, force est de constater que celui-ci ne joue pas son rôle de tremplin.

Or, et c’est là que le bât blesse, c’est exactement cette dimension de dynamique de parcours qui est porteuse d’espoirs pour les allocataires et plus largement la société. Ils ne se résolvent pas à se retrouver abandonnés dans une voie de garage sans perspectives. Nous pourrions disserter longtemps mais il est indéniable que l’emploi joue un rôle majeur en termes d’estime de soi et d’identité sociale.

Dans ce débat récurrent, trop souvent, nous entendons des acteurs parler en leurs noms mais rarement les personnes concernées qui contrairement à une partie de la jeunesse ne dispose pas de chambre d’échos à leurs préoccupations. Je regrette qu’avant de se positionner de façon parfois dogmatique, nous ne prenions pas assez le temps d’échanger avec ceux que nous prétendons protéger ou accompagner sur leurs attentes vis-à-vis des institutions et de la société. On ne me fera pas croire que les jeunes n’ont pour seule aspiration que d’accéder au RSA.

Il ne s’agit pas pour autant de nier la question de la précarité d’une partie de notre jeunesse mais si nous voulons lier les dimensions de sécurisation financière et d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, le RSA ne saurait être la solution.

Je crois beaucoup plus à des dispositifs d’accompagnement ambitieux et exigeant assortis d’une allocation

Comme la Garantie Jeunes hier ou le Contrat d’Engagement Jeune, qui conjugué permettent aux jeunes de se remettre en dynamique, de gagner en confiance en soi et d’être enfin maîtres et fiers de leurs parcours. Toutes les études le confirment, un diplôme ou une qualification sont un bagage essentiel pour une insertion durable et réussie et un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie. Il faut donc se donner les moyens collectivement de les accompagner sur cette voie notamment pour tous ceux sortis du système scolaire sans qualification valorisable sur le marché du travail.

Vous l’aurez compris, et c’est ma conviction, plutôt que des filets, seuls des tremplins nous permettront de répondre pleinement aux ambitions de notre jeunesse.

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