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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Laissez les enfants rêver !
Antoine
Nous sommes le 25 décembre 1988 ; j’ai 6 ans. Il est 6h00 du matin et je ne peux plus dormir. En temps normal il faudrait vingt bonnes minutes à mes parents pour me faire émerger, mais pas ce matin. Non ce matin est un matin spécial. Peut-être le plus important de ma jeune vie : c’est le matin de Noël. Mon état d’esprit à ce moment précis : un savant mélange d’angoisse, d’excitation et de joie. J’ai beaucoup rêvé pendant la nuit : mes rêves étaient remplis de lutins affairés, de rênes volants et de cadeaux mirifiques. Avant de m’endormir, j’ai réfléchi à toutes les difficultés qu’allait rencontrer le père Noël (je n’ai pas de cheminée !), j’ai imaginé toutes les possibilités qui s’offraient à lui pour accéder au sapin. J’ai même douté un instant ! Se pourrait-il qu’il ne vienne pas ? J’angoisse fort. Et finalement la magie de Noël a encore opéré : les cadeaux sont bien là, magnifiques dans leurs emballages rouges brillants tout droit venus du pôle nord. Je suis au comble du bonheur. Ceux qui comme moi ont cru au père Noël se souviennent certainement avec plaisir et nostalgie de ces moments de rêve et de féerie, lorsque petits, ils étaient confrontés au mythe du père Noël. Et parmi ceux-là, qui en garde la moindre frustration, la moindre peine ? A part quelques grincheux sociopathes, probablement personne ! Et pour cause : la nature même de ce mythe vise à rendre heureux ! Alors pourquoi vouloir priver les tout petits de ces rares moments de rêve et de magie? Quelle raison barbare et bassement réaliste pourrait pousser un adulte à priver les enfants de cette magnifique source d’imagination ? Bien sur, Noël et ses symboles sont exploités à outrance pour vendre ou faire vendre toujours plus. Mais est-ce là l’important ? Qui se rappelle des jouets qu’il a eu à 6 ans ? Pas moi. En revanche, je me rappelle avec précision de ces rêves, de ces émotions. Je me rappelle même avec plaisir du regard de joie et d’amours de mes parents, fiers du devoir accompli et satisfaits d’avoir entretenu la féerie. La découverte de la triste réalité qui intervient fatalement plus tard n’est pas à craindre. Elle est une étape nécessaire pour l’enfant qui lui permet de mûrir (on devient un « grand », le complice des adultes) et de prendre conscience de la différence entre réel et imaginaire. Alors, à la question « faut-il faire croire les enfants au père Noël » je réponds oui, mille fois oui. Tant qu’il y aura un enfant à faire rêver, il faudra lui faire croire à la magie.
"Ce n'est pas beau de mentir"
Florent
Il est aujourd’hui commun, normal et banal pour des parents de raconter à ses enfants que le Père Noël viendra par la cheminée leur apporter des cadeaux, s’ils ont été sages. A tel point que souvent, de nombreux parents ne se posent même plus la question et répètent la légende à leurs enfants, la joie du bambin devant ses cadeaux justifiant tout le reste. Et pourtant, il y a plusieurs inconvénients à faire croire au Père Noël à ses enfants. Premièrement, au-delà de l’aspect traditionnel, magie de Noël, etc., c’est faux. Enlevons les paillettes, et il reste une légende, un mensonge, que l’enfant découvrira tôt ou tard. Et c’est à ce moment-là que se situe le problème ; l’enfant découvre que ses parents lui ont menti. Il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’une découverte telle que celle-ci peut avoir sur un petit enfant. Il a toujours cru ses parents, leur moindre mot, et il se rend compte subitement que eux aussi ont menti, alors même que la plupart auront passé des années à lui expliquer que « ce n’est pas beau de mentir ». Certains pourront alors réinterroger le reste ; si le Père Noël est faux, quoi d’autre ? Les psychologues ne sont pas tous d’accord sur le sujet, et ne le seront sans doute jamais tous. Tous s’accordent cependant à dire que plus l’enfant le découvre tard, et plus les parents persistent dans le mensonge, et plus l’impact de la découverte peut être important. Second inconvénient, le Père Noël dispense d’explications et de remerciements. Il est beaucoup plus facile d’expliquer à un enfant qu’il faut être sage pour que le Père Noël apporte ses cadeaux, plutôt que d’expliquer le pourquoi de la chose. Et comment ne pas imaginer la (légère) déception de ceux qui ont offert un cadeau lorsque l’enfant en attribuera le mérite au Père Noël plutôt qu’à eux. Et troisièmement, imaginez la détresse d’un enfant qui, croyant dur comme fer en ce que racontent ses parents, persiste à croire au Père Noël lorsque la plupart de ses camarades de classe n’y croient plus. Etre ainsi la risée des autres pour défendre les dires (faux) de ses parents… Alors, oui, certainement, faire croire au Père Noël est la solution de facilité. Mais comme souvent, la pédagogie, bien que plus compliquée, est souvent la meilleure solution sur le long terme.