📋 Le contexte 📋
La prison, c’est un lieu clos qui accueille des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation, ou qui sont en attente d’un jugement (la détention provisoire). Il y a en France 187 établissements pénitentiaires, que l’on peut séparer en deux grandes catégories : les maisons d’arrêt (pour les peines courtes ou les personnes en détention provisoire) et les établissements pour peine, pour les personnes condamnées définitivement, qui peuvent être soit des maisons centrales, des centres de détention ou des centres de semi-liberté selon les peines et le profil des détenus. Ces deux formes peuvent se retrouver dans des centres pénitentiaires qui les regroupent en les différenciant en quartiers distincts.
Un état des lieux de l’organisation des prisons avait été fait en avril 2019 par le Conseil de l’Europe. Il rappelait qu’en janvier 2018 le continent comptait 1 229 385 détenus, répartis de façon très diverse entre les pays : quand la Russie comptait 418,3 détenus pour 100 000 habitants, la Suède n’en calculait que 56,5. Ce pays Scandinave fait toutefois plutôt figure d’exception en Europe puisque de nombreux pays ont un nombre de détenus très élevé, la prison restant un ressort majeur du système pénal : c’est ce qui explique le problème récurrent de la surpopulation carcérale, dans 12 pays. En France, on comptabilise 116 détenus pour 100 places.
Cette saturation des prisons dans de nombreux pays pose de plus en plus problème, d’autant plus qu’elle s’additionne à d’autres limites : la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait condamné la France en janvier 2020 pour les conditions dégradantes de détention. Ce problème que connaît aussi l’Italie avait conduit à de nombreux mouvements de détenus en mars 2020 dans le pays. Cela pose la question du devenir des prisons : quand certains sont favorables à une réelle politique réductionniste qui se base sur les modèles alternatifs à la prison (travail communautaire, bracelets électroniques, périodes de probation), d’autres pensent plutôt à une réforme mais à un maintien de celle-ci, jugée nécessaire et non remplaçable.
🕵 Le débat des experts 🕵
La prison reste nécessaire de manière exceptionnelle, mais obsolète dans la majorité des cas.
Notre société est suffisamment moderne et évoluée pour rechercher aux titres de l’intelligence collective et du bon sens, des solutions alternatives et d’aménagements des peines d’incarcérations prononcées.
Pour les infractions ou petits délits, les peines de travail d’intérêt général (TIG), devraient être d’avantages prononcées, car elles apportent la notion de réparation, de même que les plus grands délits et autres crimes, l’aménagement de la peine en placement extérieur doit être préféré à chaque fois que cela est possible, afin de renforcer le parcours de réinsertion des individus.
Celles-ci sont d’autant plus pertinentes, qu’elles participent à une responsabilisation de la société civile dans son ensemble, car outre la décision judiciaire ou de l’exécutions des peines par des magistrats, elles impliquent les associations dans l’accueil, l’accompagnement et l’évaluation de ses alternatives et autres aménagements des peines prononcées, et donne un sens encore plus large à la notion de réparation.
Travailler sur les problématiques qui ont contribué au passage à l’acte des auteurs, doit être prioritaire afin d’individualiser une peine et faire que la justice juge et condamne des actes, non des hommes, des femmes et des enfants dans notre pays.
L’enfermement lorsqu’il représente la peine, fabrique la récidive car il ne permet en rien à l’individu incarcéré de prendre conscience des conséquences ni de réparer l’acte qu’il a commis, et en rien il ne permet à la société de responsabiliser cet individu dans sa capacité à respecter les règles et les lois.
La justice est là pour éviter la vengeance privée, il convient alors que la prison ne favorise pas la vengeance sociale, car à chaque fois qu’un individu se retrouve dans le box d’un tribunal ou d’une cour d’assise, il prouve à tout le monde qu’il a fauté dans la mise en oeuvre de sa citoyenneté, mais par la même il prouve à la société qu’elle a échouée dans sa mission d’éducation à la responsabilité et de prévention des conduites ordaliques de chacun de ses membres.
La réparation doit être la notion suprême, car elle donne du sens à la responsabilité d’un individu qui a fauté et du relief aux valeurs d’une société moderne.
Car l’action d’un jour ne peut pas déterminer un Homme pour toujours.
Les prisons sont depuis longtemps reconnues par ceux qui y vivent et y travaillent comme des institutions défaillantes. Les prisonniers du monde entier (environ 10 millions de personnes) sont en proie à des problèmes de santé physique et mentale. Ils sont généralement peu instruits (beaucoup savent à peine lire et écrire), ont un travail et un logement précaires et ont souvent été victimes de violences physiques, émotionnelles ou sexuelles. Les prisons sont des institutions douloureuses et moralement détestables qui ne font pas grand-chose pour les victimes ou les auteurs de violences, ce qui est connu depuis des centaines d’années. Malgré ces limites, mises à nu par les témoignages des prisonniers et du personnel pénitentiaire, ainsi que par les preuves détaillées des rapports officiels et des recherches indépendantes, la population carcérale continue de croître.
Imaginons un instant que les politiciens et les médias grand public reconnaissent désormais que les entreprises, les États et l’élite du pouvoir sont responsables d’un grand nombre des plus graves préjudices subis par la société et que les prisons constituent une réponse totalement inefficace aux préjudices, aux méfaits et aux autres problèmes sociaux. Imaginons qu’il existe une volonté politique de fermer les prisons telles qu’elles sont actuellement constituées et de ne considérer la privation de liberté que comme une option de dernier recours absolu – que devrions-nous faire à la place ?
Les besoins de ceux qui ont été lésés doivent être prioritaires. Cela signifie une approche centrée sur la victime, où l’impact du préjudice est formellement reconnu par un processus officiel de vérité et de réconciliation. La sécurité et le bien-être des victimes sont une priorité absolue. Il doit y avoir des interventions facilement accessibles et dotées de ressources suffisantes pour protéger les enfants vulnérables, des refuges pour les victimes de violences sexuelles, et un accent mis sur la compensation/réparation pour ceux qui ont été lésés.
Les prisons sont actuellement un moyen de gérer les problèmes sociaux que nos systèmes de santé, de protection sociale, d’éducation et d’emploi ne parviennent pas à résoudre. Les politiques gouvernementales devraient viser à assurer la sécurité et la sûreté de tous en s’attaquant aux ravages brutaux du capitalisme et aux méfaits des autres inégalités sociales et économiques. Cela implique de construire des hôpitaux et des écoles plus nombreux et de meilleure qualité, de créer des énergies vertes et des emplois durables sur le plan environnemental, de faciliter l’éducation publique en renforçant la citoyenneté et d’approfondir les institutions démocratiques locales afin que chacun ait une véritable voix dans la société.
Les interventions communautaires visant à réhabiliter, comme celles de la justice réparatrice et de la justice transformatrice ou les communautés thérapeutiques, devraient être au cœur des interventions auprès des auteurs de crimes. Les personnes qui causent des dommages doivent être responsables de leurs actes, et il faut également mettre en place des mécanismes rigoureux de responsabilisation pour les dommages graves causés par les États et les entreprises, notamment une plus grande adhésion aux codes et pratiques de santé et de sécurité et une meilleure application des réglementations existantes.
Les tares dont on affuble la prison – école du crime, honte de la République – sont fondées. Il est difficile d’en être partisan.
Mais peut-on s’en passer? Seul le discours de la Raison permet de répondre: le crime est un fait social irrémédiable, et parmi les délinquants se trouvent quelques individus dangereux ou qui commettent des crimes odieux. La société a le droit de s’en défendre, voire, selon la Cour européenne des droits de l’homme, en a l’obligation positive pour protéger le reste du corps social. La prison est, contre de tels malfrats, justifiée en théorie, soit que la souffrance ainsi infligée constitue une juste rétribution du mal causé; soit que l’incarcération exprime – par la privation – la valeur cardinale et condition du Contrat social qu’est la liberté; soit qu’elle offre un espace où, sans qu’il ne menace plus la société, le criminel pourra trouver le temps, et parfois l’aide nécessaire, pour se réformer. En outre, dans une conception hobbesienne du Contrat social, l’Etat tire sa légitimité de la sécurité qu’il procure. Pour assumer le devoir qui lui incombe de protéger l’ordre public – que le Conseil constitutionnel considère comme un objectif à valeur constitutionnelle -, il doit prendre des mesures destinées à prévenir la commission ou le renouvellement des infractions, ce qui implique qu’il dispose, parmi d’autres moyens, d’un dispositif permettant l’exclusion du corps social des individus qui en menacent l’intégrité.
Un argument cynique peut aussi être proposé: si l’on s’accorde à penser que certains individus méritent d’être punis à raison de leurs actes et qu’ils constituent un danger pour la société qui doit, un temps, pouvoir les exclure, l’alternative à la prison est pire que le mal, qu’il s’agisse de l’internement administratif (qui soumet la remise en liberté à l’arbitraire administratif/politique) ou psychiatrique (sanction que seuls des régimes dévoyés ont adoptée), voire de la peine de mort – que rien, jamais, ne justifie.
Enfin, peut-être l’existence de la prison dissuade-t-elle les honnêtes gens de céder à la tentation de commettre des infractions.
Ainsi, la prison doit certainement être réformée et vidée de la plupart de ceux que les juges y entassent; imposer un numerus clausus est une partie de la solution. Certainement faut-il qu’elle ne serve qu’à ce qu’elle sait faire: protéger la société. Mais elle ne peut pas (encore) être fermée.
Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu trouver de contributeur pour défendre cette thèse. Si vous êtes compétent et légitime ou que vous connaissez quelqu’un qui l’est, n’hésitez pas à nous contacter : contact@ledrenche.fr