Faut-il instaurer une VIè République ?

📋  Le contexte  📋

À ce jour en France, la Vème République est le régime politique républicain en vigueur. Instaurée depuis le 4 octobre 1958, elle a succédé à la IVème République (1946-1958). La constitution de 1958, qui régit notre système politique actuel, est née au cours d’un contexte complexe : en pleine guerre d’Algérie. Dans cet environnement de conflit, la France se retrouve dans une situation d’instabilité gouvernementale, et une nécessité de donner à la République une base plus solide en découle.

De ce fait, à partir du 4 juin, le général de Gaulle met en place un comité informel, repris le 15 juillet par un comité consultatif constitutionnel. Cette nouvelle constitution, approuvée par une grande majorité par le référendum du 28 septembre, a entre autres pour objectif de renforcer le pouvoir exécutif, et de stabiliser le gouvernement, notamment en conférant au Président des pouvoirs exceptionnels pour affronter des crises, et des pouvoirs propres, qui permettent d’avoir recours à la démocratie directe (référendum, dissolution). « Malgré vingt-quatre révisions, cette constitution est du haut de ses 62 ans d’existence la plus stable que la France ait connue », précise le site de l’Élysée.

La VIème République serait un régime politique qui succéderait à la Vème République. Portée notamment par la France Insoumise, la promesse de Jean-Luc Mélenchon était de « réunir une Assemblée constituante pour passer à la 6ème république », en cas d’élection. Le candidat, arrivé 3ème au premier tour de la Présidentielle, explique qu’il estime que la République actuelle souffre d’une crise démocratique, liée à « une hausse de l’abstention aux élections, “l’irresponsabilité » des élus et le manque de représentation du peuple ». Il évoque également le contexte dans lequel la Vème République a été mise en place, influencée par les guerres coloniales. Jean-Luc Mélenchon souhaiterait également créer une Assemblée constituante, constituée d’élus et d’élues au scrutin de liste et de personnes tirées au sort. La création d’une VIème République, accompagnée d’une Assemblée Constituante découle donc selon le candidat, d’une nécessité de redonner du pouvoir au peuple, et de désacraliser le rôle du président de la République.

Julien Malara, réalisateur de documentaire, explique le fonctionnement d’une éventuelle VIème République

Selon le site de l’Élysée, le rôle majeur de président de la République dans la Vème république « a été accrue en premier lieu par la manière dont Charles de Gaulle a incarné ce rôle, en lui insufflant sa propre aura politique et historique, ainsi que par l’instauration de l’élection du président de la République au suffrage universel direct à partir de 1962 ». Longtemps questionnés, les pouvoirs octroyés au président de la République Française restent aujourd’hui controversés.

Avec son programme et sa communication basée sur cette mesure, Jean-Luc Mélenchon a remis le rôle du Président au cœur du débat des Présidentielles 2022. Le Président a-t-il trop de pouvoir ? Faut-il redonner du pouvoir au peuple ? Faut-il créer une VIème République pour marquer une rupture avec une constitution dépassée ?

Nous avions prévu ce débat pour notre édition papier d’avril dans le cas où Jean-Luc Mélenchon accédait au second tour. Même si ce n’est pas le cas, nous pensons que le débat est d’intérêt public. Deux experts expliquent leurs points de vue !

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faut-il instaurer une VIème République ?
Le « Pour »
Raquel Garrido
Conseillère régionale d’Île-de-France, avocate
Une 6ème République pour un autre monde

“L’Histoire est nôtre, ce sont les peuples qui la font”, déclarait le président chilien Salvador Allende.

Voter pour le candidat de l’Union Populaire Jean-Luc Mélenchon, c’est faire le choix de tourner le dos au vieux monde pour construire un avenir en commun. Notre société est si loin de celle de 1958, en termes de démographie, d’origines, de diplômes, de qualifications et d’aspirations personnelles. Aujourd’hui, devant les enjeux sociaux et environnementaux, qui ne concernent pas seulement la France mais l’humanité entière, nous devons renouveler l’organisation de notre société. La Vème République est à bout de souffle. Elle ne répond plus aux attentes populaires ni aux exigences fondamentales d’une société démocratique. Son présidentialisme à outrance et les dérives autoritaires qui en résultent ont conduit à un recul à la fois social et démocratique. Par conséquent, le peuple est en état de grève civique. Ce dégoût conduit à l’abstention massive qui favorise la concentration du pouvoir et des richesses. L’abstention, le vote blanc et nul sont les signaux puissants d’une insatisfaction populaire et d’un rejet des structures de pouvoir actuelles. C’est pourquoi nous convoquerons une Assemblée constituante afin de rédiger une nouvelle Constitution, qui replacera le peuple au centre des
institutions et réorganisera notre société.

Initions un changement global dans l’organisation des sociétés humaines

Nous sommes attachés au principe qu’énonce l’article 28 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 : “Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.” Nous porterons ce principe devant l’Assemblée constituante afin de l’intégrer à la nouvelle Constitution. Avec Jean-Luc Mélenchon comme président de la République, les citoyen.ne.s seront appelé.e.s en juillet, à se prononcer par référendum pour convoquer une Assemblée constituante. En cas de réponse positive, des élections pour désigner les délégué.e.s constituants seront organisées en novembre, au cours desquelles le tirage au sort sera proposé en complément des candidatures. La parité sera garantie et il sera interdit à tout parlementaire de la Vème République de s’y présenter. Durant toute la durée du processus constituant, les citoyen.ne.s seront consultés afin de recueillir leurs doléances. Des outils de participation en ligne seront créés pour assurer la participation de toutes et tous. Orchestré autour de la commune, le processus constituant s’appuiera sur des forums citoyens, adossés à la diffusion publique des débats. Au bout du processus, le peuple sera appelé à se prononcer par référendum sur l’adoption de la nouvelle Constitution.

C’est ainsi que nous dessinons le cadre d’un nouveau monde, fondé sur l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Initions un changement global dans l’organisation des sociétés humaines. La souveraineté populaire est le cœur de la démocratie et nous devons nous la réapproprier.

Un autre monde est possible !

Le « Contre »
Emilie Marcovici
Maître de conférences en droit public, Université Jean Moulin Lyon 3
La 6ème République, objet mercatique

L’élection présidentielle a toujours été une période propice à la réflexion institutionnelle, les différents partis politiques s’accordant sur la nécessité de procéder à certaines réformes afin de moderniser nos institutions. Mais, si ce besoin de réformes est partagé, la question de leur cadre reste plus controversée ; faut-il faire évoluer la 5e République ou est-il temps d’instaurer une 6e République ?

Les partisans de la 6e République se situent traditionnellement à gauche, le premier d’entre eux ayant été, en 1959, Pierre Mendès France qui dénonçait les institutions mises en place par le général de Gaulle. Cette volonté d’un passage à une nouvelle République s’est ensuite développée, pour être portée, durant cette campagne présidentielle de 2022, par une partie de la gauche ralliée notamment à Jean-Luc Mélenchon.

Un changement de République est un acte de rupture avec les institutions en vigueur ; autrement dit un changement de Constitution ne saurait être justifié que si la nouvelle Constitution vient instaurer un régime radicalement différent de celui existant jusqu’alors. La 5e République repose principalement sur un président de la République fort, disposant de pouvoirs particulièrement étendus, légitimés par son mode d’élection (en vigueur depuis l’élection de 1965) : le suffrage universel direct. Une véritable rupture institutionnelle, et donc, une véritable transition vers une nouvelle République, supposent donc, aujourd’hui, de revenir sur ce mécanisme fondant la 5e République.

Derrière ce nom, n’existe aucun projet bien défini et partagé par l’ensemble de ses partisans

Or l’on constate que les projets de 6e République ne proposent pas tous de réviser ce mode de scrutin pour le remplacer par une élection au suffrage universel indirect, qui permettrait de réduire les pouvoirs du président de la République. Il est alors difficile d’apprécier l’apport de ces projets qui, en ne remettant pas en cause les fondements de la 5e République, ne semblent avoir d’une « 6e République » que le nom.

En effet, derrière ce nom, n’existe aucun projet bien défini et partagé par l’ensemble de ses partisans mais une grande diversité de propositions de réformes. Concernant tant certaines modalités électorales que les procédures parlementaires ou l’organisation territoriale, ces modifications proposées ne nécessitent pas, pour la plupart, d’élaborer une nouvelle Constitution, mais peuvent être adoptées dans le cadre de la République actuelle, en
révisant la Constitution de 1958.

Les appels à un passage à cette 6e République s’apparentent donc à un « mot d’ordre fourre-tout » motivé par des contestations de diverse nature manifestées à l’encontre de la 5e République. Au fil du temps, la notion de 6e République est devenue un « objet mercatique », un leitmotiv dans lequel se reconnaissent les détracteurs de la 5e République pour exprimer leurs revendications et désapprobations. En raison de ses dérives et insuffisances, « cette 6e République » ne saurait emporter l’adhésion des partisans d’une véritable transition institutionnelle.

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