Podium olympique

Faut-il plafonner les salaires des sportifs ?

📋  Le contexte  📋

Le plafonnement des salaires, ou salaire maximum, est une idée visant à fixer un plafond de revenu ne pouvant être dépassé. Cette volonté de redistribution des richesses est portée par plusieurs mouvements de gauche et veut s’appliquer aux fonctions les plus privilégiées : hommes politiques, grands patrons, sportifs…

Au-delà de transferts de joueurs (notamment au football) chiffrés à plusieurs dizaines de millions d’euros, la question des salaires revient régulièrement sur le devant de la table. Dans une carrière particulièrement courte (quinze à vingt ans selon les disciplines), les inégalités sont en effet au cœur du problème, entre des millionnaires et des athlètes parfois précarisés. 40% des footballeurs professionnels gagnent par exemple moins de 1.000 euros par mois. Loin des Neymar et autres Messi ou Ronaldo.

Aucune. Le salary-cap est l’application américaine du plafonnement des salaires, limitant et encadrant les contrats des joueurs de NBA (la ligue professionnelle de basket états-unienne). Ce point de règlement empêche ainsi l’accumulation et favorise l’homogénéité. Faut-il généraliser à tous les sportifs européens ce que certains considèrent comme une clé de voûte du succès du basket américain ? Venez en débattre avec nous.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Jean-Pascal Gayant
Professeur de Sciences Economiques à l'Université du Mans
Le souhaitable mais inapplicable plafonnement du salaire des sportifs en Europe

Depuis l’arrêt Bosman (1995), l’industrie du sport professionnel, dopée par la progression exponentielle des droits de diffusion audiovisuelle, a été le théâtre d’une inflation salariale inédite. En Ligue 1 de football, le salaire annuel brut moyen dépasse maintenant le million d’euros. Même si cette moyenne est considérablement boostée par les rémunérations des « stars » du Paris Saint Germain, on peut faire le constat qu’un joueur « de milieu de tableau » gagne beaucoup plus qu’un cadre dirigeant d’entreprise.

Dans le même temps, les clubs de football demeurent globalement déficitaires : toute nouvelle progression des ressources des clubs se voit mécaniquement convertie en rémunérations supplémentaires pour les joueurs qui profitent pleinement de la concurrence que se livrent les clubs européens pour attirer les meilleurs talents.

L’idée de l’instauration d’un plafond salarial (salary cap), semblable à celui mis en place dans les ligues nord américaines est évoquée depuis plusieurs années. Cette solution pourrait semble-t-il, ralentir la progression des rémunérations (sans la stopper puisque les syndicats de joueurs négocient chaque année le relèvement des plafonds salariaux) mais surtout garantir la restauration d’un meilleur équilibre compétitif. En effet, l’objectif des plafonds salariaux d’équipes (assortis de planchers et plafonds salariaux individuels) est avant tout de restaurer l’égalité des chances entre les compétiteurs et rendre à nouveau effective la « glorieuse incertitude du sport ».

Un tel plafonnement salarial d’équipe ne serait envisageable que si l’ensemble des grandes ligues européennes de football se coordonnaient (à défaut de quoi, les meilleurs joueurs rejoindraient immédiatement les ligues déplafonnées). Cette coordination, que l’Union Européenne aurait dû mettre en place après 1995 en raison de la spécificité du spectacle sportif, n’a pas été impulsée. A l’heure du Brexit, il semble désormais très peu probable que cette régulation puisse être instaurée puisque la Premier League anglaise est la plus lucrative des ligues européennes. L’incapacité des pays européens à adopter une attitude commune sur la question de la reprise des compétitions après la crise du coronavirus renforce ce diagnostic.

Le « Contre »
Richard Duhautois
Économiste, chercheur au conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Plafonnement salarial des footballeurs : un mythe idéologique !

Dans un premier temps, rappelons que si une toute petite partie des joueurs de football gagne « des millions », ce n’est pas le cas de la plupart des footballeurs, dans les championnats les plus côtés (le big 5) mais aussi surtout dans les championnats mineurs dont on n’entend jamais parler. Savez-vous qu’en France 10 % des footballeurs les mieux payés se répartissent près de 60 % des salaires et que 45 % des footballeurs professionnels dans le monde gagnent moins de 1 000 dollars (soit environ 900 euros) par mois ? On est très loin des clichés véhiculés par les média et les politiques. Sans compter la durée de carrière moyenne très courte des sportifs de haut niveau dans les ligues majeures (pour tous les sports collectifs, elle se situe entre 3 et 6 ans).

L’idée du plafonnement salarial vient de l’organisation des sports en Amérique du nord, en ligues fermées, non pyramidales, sans promotion et relégation. Un des moyens pour éviter que les mêmes équipes gagnent systématiquement les championnats dépend de ce qu’on appelle le « salary cap », un plafond de masse salariale à ne pas dépasser pour les équipes. Les joueurs et les propriétaires des franchises négocient le pourcentage du chiffre d’affaires de la Ligue qui revient aux joueurs. Ensuite, le montant est réparti entre les équipes pour éviter que les plus riches n’achètent les meilleurs joueurs.

En dehors de ce rééquilibrage sportif, l’enjeu principal concerne le montant que se partagent les joueurs et les clubs : la part des profits est beaucoup plus faible pour les joueurs dans les sports américains, les clubs négociant une part plus importante. L’introduction d’un salaire « plafond » dans le football aurait pour conséquence de réduire la part pour les joueurs au détriment des propriétaires de clubs. Le football est l’une des rares activités dans lesquelles des individus d’origine populaire ont un certain « pouvoir » sur les propriétaires, grâce justement au non-plafonnement des salaires.

Mais les difficultés les plus insurmontables concernent le fait que les championnats de football ne sont ni des ligues fermées ni des compétitions transnationales : comment fixer un plafond commun alors que la masse salariale des clubs est très différente d’un pays à l’autre ? Le marché du travail des meilleurs footballeurs étant complètement internationalisé, il est impensable d’envisager une mesure mise en œuvre par un seul pays.

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".