une personne tient trois courgettes entre ses mains

Faut-il rendre obligatoire les circuits courts ?

📋  Le contexte  📋

Les circuits courts désignent une forme de commercialisation des produits agricoles avec peu d’intermédiaires. Cette vente se fait soit directement du producteur au client (vente à la ferme, sur les marchés…), soit la vente est indirecte : le producteur passe par un intermédiaire ou par un point de vente collectif.

 

Sources : économie.gouv, france culture

Les circuits courts existent depuis très longtemps. En effet, l’agriculture fonctionnait principalement en local et avec peu d’intermédiaires. Puis, au cours du XXe siècle, des évolutions technologiques et logistiques ont éloigné consommateurs et agriculteurs (développement des trains, des transports routiers et frigorifiques, arrivée des grandes surfaces…). Selon Radio France, en 1979, il y avait 400 000 exploitations en vente directe ou en circuits courts, contre 107 000 en 2010.

 

Sources : INRAE, France culture

La prise de conscience du public aux problématiques environnementales tend à valoriser les circuits courts aux dépens des grandes surfaces. Le gouvernement travaille d’ailleurs sur cette question et vise un plus large recours aux circuits courts : il a par exemple annoncé que au moins 50 % de la restauration scolaire devrait fonctionner en circuits courts pour 2022.

Pendant le confinement, les Français ont changé leurs habitudes de consommation (les bars, restaurants et boutiques étant fermés). Les ventes directes ont ainsi été plus plébiscités qu’en temps normal (+ 30% de nouveaux clients, pour la fédération Terres de Liens).

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Clémence Fernet
Chargée des relations presse, partenariats, événementiel at La Ruche qui dit Oui !
Pour des circuits courts justes et durables 

Lors de la crise du Covid-19, les circuits courts ont été plébiscités. À la Ruche qui dit Oui !, réseau d’achats directs aux producteurs, nous avons connu une forte demande (plus de 50 000 nouveaux clients ont rejoint nos 700 Ruches). Ce n’est pas anodin, la crise du Covid-19 a révélé quelque chose de la résilience des systèmes alimentaires et de la volonté de changement des consommateurs. 

Le circuit court s’avère être la meilleure façon de s’approvisionner, puisqu’il permet : 

Plus de proximité avec le producteur et plus de traçabilité – à la Ruche nos produits parcourent en moyenne 49 km. 

De la transparence sur les conditions de production – à la Ruche, chaque produit vendu est accompagné d’une description claire : label, origine, modes de production, ou conditions d’élevage des animaux. 

Une juste rémunération des producteurs – à la Ruche, c’est 80% du prix de vente qui leur revient. 

Des produits bons et sains, qui respectent la saisonnalité et l’environnement, puisqu’à la Ruche, ils sont majoritairement cultivés en agriculture bio ou raisonnée. 

Et s’il fallait rendre obligatoire les circuits courts pour que notre agriculture aille mieux ? Eureka ! 

Un produit est dit vendu en circuit court, quand il y a 0 ou 1 intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur. Dans la grande distribution, c’est plus compliqué. Des dizaines d’intermédiaires s’interposent entre vous et le producteur : le grossiste, le distributeur, la centrale d’achat etc. 

Or, plus il y a d’intermédiaires, moins le producteur est justement rémunéré et plus la pression sur les prix est forte. 

Rendre obligatoire les circuits courts, cela permettrait de rémunérer justement ceux qui sont en première ligne pour nous nourrir. Mieux rémunérés, ils peuvent ainsi s’orienter vers des pratiques agricoles plus vertueuses et se transformer durablement. 

Les citoyens-mangeurs ont aussi un rôle à jouer en consommant autrement. Manger local et de saison, c’est possible grâce à de nombreuses initiatives : La Ruche qui dit oui !, les AMAP, le réseau Bienvenue à la ferme, les magasins de producteurs… 

Les circuits courts profitent à tous : le producteur y trouve son compte avec des débouchés économiques justes, le consommateur mange mieux et sait comment est produit ce qu’il achète, l’agriculture dans son ensemble devient plus résiliente, solidaire et écologique. 

C’est le pari que nous avons lancé à la Ruche, il y a bientôt 10 ans : celui de dire un grand OUI ! à des circuits courts justes et durables. 

Le « Contre »
Yuna Chiffoleau
Directrice de recherche à INRAE (Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement), co-animatrice du Réseau national d’experts sur l’alimentation locale (RMT Alimentation locale)
Rendre les circuits courts obligatoires serait contre-productif

Les circuits courts alimentaires sont définis officiellement en France depuis 2009, en tant que modes de vente mobilisant au plus un intermédiaire entre producteurs et consommateurs. Ni la distance géographique ni les modes de production ou de transformation ne sont inclus dans cette définition.

Les rendre obligatoires conduirait alors à renforcer le rôle des intermédiaires, au risque de laisser les plus puissants organiser et contrôler ces marchés.

Les rendre obligatoires pourrait aussi amener à compléter leur définition avec d’autres critères, au risque, là aussi, de permettre aux acteurs les plus influents d’imposer leur vision.

La richesse des circuits courts, pourtant, c’est leur diversité et la diversité des enjeux auxquels ils s’adressent (meilleure rémunération du producteur, lien social, préservation de l’environnement, développement de l’économie locale…). Sans être obligatoires, déjà, ils progressent, touchant, à chaque crise sanitaire ou économique, de nouveaux consommateurs mais aussi de nouveaux producteurs, comme l’a montré à nouveau la crise du coronavirus. Ces producteurs, au contact des consommateurs, mais aussi à travers des relations réactivées avec leurs collègues, font souvent évoluer leurs pratiques vers des pratiques plus durables. Les circuits courts tirent ainsi l’agriculture vers le haut. Idem du côté de la consommation, de par les apprentissages, surtout, qu’ils favorisent, entre producteurs et consommateurs, mais aussi entre consommateurs (Chiffoleau, 2019).

Tous les circuits ne se valent pas de ce point de vue, néanmoins, mais les rendre obligatoires n’offre aucune garantie que les « bons » chassent les « mauvais ».

La piste est alors plutôt de donner les moyens, à tous, de construire leur avenir : un avenir participant activement à la transition des systèmes agricoles et alimentaires, mais aussi à leur résilience face aux prochaines crises qui ne manqueront pas de survenir. La piste est de faire de ces circuits un vecteur de transparence et de démocratie alimentaire, dans laquelle les citoyens, au-delà des consommateurs, reprennent la main sur leur alimentation.

Le RMT Alimentation locale, qui réunit des experts issus de la recherche, du développement et de la formation, a justement pour mission de produire des connaissances sur ces circuits pour éclairer les décisions, ainsi que des outils pour aider à construire un tel avenir.

 

Pour en savoir plus : Chiffoleau Y., 2019. Les circuits courts alimentaires, entre marché et innovation sociale. Editions Erès.

Quelle est votre opinion maintenant ?

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".