Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pour une meilleure connaissance du sous-sol français
Depuis 2014, le prix du pétrole a connu une très forte baisse sur les marchés internationaux, qui a bénéficié à l’économie des pays consommateurs dépendants de leurs importations. La raison de cette baisse demeure largement ignorée du grand public : elle est due pour l’essentiel au développement significatif de la production de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis, et au « bras de fer » qui s’est ensuivi avec les pays producteurs du Moyen-Orient. Cette nouvelle donne énergétique a contribué à soutenir la croissance économique aux États-Unis, à favoriser le retour d’industries à haut contenu énergétique sur le territoire américain et à développer les créations d’emplois.
Récemment, la France a fait le choix de la « transition énergétique », optant pour une accélération des énergies renouvelables dans le mix énergétique, pour une certaine sobriété énergétique et pour une réduction sensible de sa consommation d’énergies fossiles. Toutefois, quel que soient les efforts qui seront accomplis, notre pays devra continuer d’importer la totalité de ses besoins en pétrole et en gaz naturel, ce dernier demeurant le meilleur allié des énergies renouvelables intermittentes. La France conservera ainsi pendant de nombreuses années encore une contrainte forte pesant sur sa balance commerciale, contrainte susceptible de s’accroître dès que les prix des hydrocarbures connaîtront une hausse prévisible du fait d’une demande mondiale qui restera soutenue.
Peut-elle alléger cette contrainte en valorisant les ressources qu’elle détient sur son territoire ?
Pour être en mesure de le faire en toute connaissance de cause, le France a besoin de connaître avec la meilleure précision possible l’état de toutes ses ressources renouvelables et fossiles. Elle doit notamment progresser dans la connaissance de son sous-sol en matière d’hydrocarbures, y compris d’hydrocarbures de schiste.
Elle pourrait alors procéder en deux phases indépendantes l’une de l’autre.
La première phase concerne l’estimation des ressources potentielles. Pour y parvenir, notre pays dispose d’un cadre législatif et réglementaire ainsi que des ressources académiques et industrielles qui lui permettraient d’effectuer, sous le contrôle des pouvoirs publics, les études géologiques nécessaires à l’établissement d’une évaluation de référence de nos ressources potentielles.
La seconde phase serait celle de la décision de s’engager ou non dans des travaux d’exploration sismique pour l’acquisition de données géophysiques, voire d’expérimentation à des fins scientifiques. Une nouvelle loi votée cet été en Allemagne prévoit ainsi d’autoriser quatre projets « puits-tests » soigneusement choisis, pour parfaire les connaissances sur le procédé technique et les enjeux environnementaux.
La demande française en pétrole et en gaz, aussi maîtrisée soit-elle, continuera d’exister durant de nombreuses années et décider de la satisfaire ou non par des ressources nationales pourrait être alors l’objet d’un nouveau débat, soutenu par de meilleures informations scientifiques et techniques.
Le faux débat de la fracturation hydraulique cache le véritable enjeu de l’interdiction des gaz de schiste : le péril climatique
Laureline Bourit
Chargée de campagne industries extractives et RSEE aux Amis de la Terre France
Les impacts humains et environnementaux de la fracturation hydraulique commencent à être connus.
On connaît les multiples impacts sur l’eau : risque de contamination des nappes phréatiques, concurrence avec des besoins essentiels, problèmes de stockage des eaux usées extrêmement polluées, etc.
On connaît les impacts sur la santé publique : risques d’explosions et risques chroniques via la pollution de l’eau, de l’air et des sols par ses produits toxiques. On commence à étudier le lien entre multiplication des séismes et fracturation hydraulique.
Enfin, on observe une dégradation des paysages : la multiplication des puits s’approche parfois d’une atmosphère de monde industriel post-apocalyptique. C’est d’ailleurs assez ironique que le PDG d’Exxon, Rex Tillerson, grand partisan des gaz de schiste, ait porté plainte contre un projet à côté de son ranch. Bref, les dégâts de la fracturation hydraulique sont incontestables.
Cependant, notre opposition au gaz de schiste ne se limite pas à la technique de la fracturation hydraulique.
L’ensemble des scénarios scientifiques montrent que pour avoir une chance raisonnable de rester sous les 1,5-2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle, il faut laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. Et encore, ce n’est que pour se donner une chance d’éviter un emballement climatique, ce n’est pas une garantie.
Dans ces scénarios, les gaz de schiste n’ont pas leur place. En effet, les émissions de gaz à effet de serre des gaz de schiste sont égales ou supérieures à celles du charbon en raison des fuites de méthane qui ont nécessairement lieu lors de l’extraction.
Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, ces fuites sont généralement comprises entre 3,6 et 7,9 % des gisements concernés alors qu’elles ne devraient pas excéder 2-3 % pour limiter les impacts climatiques. Ce même rapport rappelle que l’impact sur l’effet de serre des gaz de schiste est encore plus important si on les compare aux énergies renouvelables, et pas au charbon, énergie la plus polluante.
C’est pourquoi les Amis de la Terre France demandent que le droit français interdise toute exploration et exploitation des gaz et pétrole de schiste et de couche, peu importe la technique utilisée, et refusent qu’on en importe des États-Unis ou d’Australie.
Ni ici, ni ailleurs, ni aujourd’hui, ni demain.