Un conducteur de voiture à hydrogène la recharge à une borne adaptée.

L’hydrogène est-il l’avenir de la voiture ?

📋  Le contexte  📋

L’hydrogène (H) est l’élément chimique le plus abondant dans l’univers. Présent sous différentes formes atomiques (eau, gaz, hydrocarbure), il est généralement associé à d’autres éléments dans la nature. C’est notamment le cas du méthane (CH4) et de l’eau (H2O). Pour le fabriquer, c’est-à-dire l’isoler des autres éléments, il existe trois types de procédés : 

  • Le vaporeformage qui dissocie les atomes d’une molécule, le plus souvent le méthane (CH4). Plus de 50% de la production mondiale d’hydrogène est réalisée avec cette méthode, fortement émettrice de gaz à effet de serre.
  • L’oxydation partielle du pétrole, sur un procédé similaire au vaporeformage. 
  • La gazéification du charbon de bois permettant de séparer le dihydrogène (H2) du monoxyde de carbone (CO). 

L’électrolyse de l’eau qui, à l’aide d’un courant électrique, décompose l’eau (H2O) en dioxygène (O2) d’un côté, et en dihydrogène (H2) de l’autre. Cette dernière méthode, qui peut être effectuée à base d’énergies renouvelables, représente environ 4% de la production mondiale d’hydrogène.

La voiture à hydrogène est une voiture électrique dont l’énergie est fournie par une pile à combustible alimentée en dihydrogène (H2). Pour que la voiture à hydrogène fonctionne, il faut donc la recharger en hydrogène via une pompe, comme on chargerait une voiture à moteur thermique avec de l’essence ou du diesel. L’électricité est obtenue suite à une réaction chimique appelée oxydation. C’est la rencontre dans la pile à combustible du dihydrogène (H2), stocké sous pression dans un réservoir, et du dioxygène (O2) contenu dans l’air qui va produire l’électricité nécessaire au fonctionnement du véhicule, ainsi que de la vapeur d’eau (H2O) qui sera rejetée.

Le 8 septembre 2020, les Ministres Barbara Pompili et Bruno Lemaire ont présenté le plan stratégique « France Hydrogène » visant à faire de la France le leader européen de l’hydrogène d’ici 2030. L’objectif est de produire de l’hydrogène « vert » rentable et de développer des usages économiquement viables autour de l’hydrogène, au moyen d’un plan de 7,2 milliards d’euros. Concernant la mobilité hydrogène, le gouvernement entend déployer 100 stations de ravitaillement sur le territoire en 2023 et table sur 400 à 1 000 stations pour 2030.

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Le « Pour »
Philippe Rosier
CEO de Symbio
Oui, l'hydrogène est l'avenir de la voiture

Partira-t-on un jour en vacances en voiture électrique hydrogène ? Des berlines, SUV et coupés dotés d’une pile à combustible remplaceront-ils bientôt leurs équivalents thermiques chez les concessionnaires ? Il peut sembler difficile de l’imaginer aujourd’hui.

Dans les plans hydrogène dévoilés par l’Europe, la France et l’Allemagne notamment, ce sont en effet les camions, bus et autres véhicules lourds qui apparaissent comme prioritaires. Cela se comprend : sur ces formats qui doivent se convertir au zéro-émission pour répondre aux impératifs d’amélioration de la qualité de l’air et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, utiliser une batterie seule implique de réduire drastiquement la charge utile (du fait du poids et du volume de ladite batterie).

L’ajout d’un système hydrogène est alors incontournable pour pallier cet inconvénient. Or, ce problème ne se rencontre pas sur les véhicules particuliers, qui pourraient donc, a priori, se contenter d’une batterie. Et puis, ce n’est pas avec la centaine de stations prévues en 2023 en France qu’il sera possible de faire un Paris-Nice en voiture électrique hydrogène…     

Pourtant, d’ici à 2030, l’hydrogène sera incontestablement une solution pertinente pour tous ceux qui utilisent leur voiture au-delà du trajet quotidien maison/lieu de travail. D’abord parce que l’autonomie – équivalente à celle des véhicules thermiques – et surtout la rapidité de la recharge (quelques minutes), deux atouts communs à tous les formats de véhicules hydrogène, valent aussi pour les voitures particulières. Les chauffeurs de taxi Hype, qui roulent aujourd’hui à Paris en berline Toyota Mirai, le savent bien.

Ensuite parce que les stations hydrogène vont se multiplier – 1000 sont prévus en Europe d’ici à 2030. Aucun souci donc pour un Nice-Paris ou un Bordeaux-Milan. Enfin, la baisse des coûts, nécessaire pour que la mobilité hydrogène investisse le marché de masse, est lancée. Côté véhicules, un équipementier comme Symbio, filiale de Michelin et Faurecia, accélère ainsi sa montée en puissance industrielle : l’entreprise prévoit d’inaugurer sa première usine dès 2023 et de produire 200 000 systèmes hydrogène par an en 2030 (plus précisément des StackPack, c’est-à-dire des piles à hydrogène avec les composants clefs associés pré-validés). De quoi tirer à la baisse le prix des véhicules.

Côté énergie, le plan Européen annoncé en juillet prévoit quant à lui d’accroître considérablement les capacités de production d’hydrogène vert, pour atteindre rapidement un prix acceptable pour tous en station. L’hydrogène est-il une solution crédible pour les voitures ? Bien sûr. Il demande juste… un peu de patience.

Le « Contre »
Nicolas Meilhan
Conseiller scientifique chez France Stratégie
L’Hydrogène : énergie d’avenir et qui risque de le rester

L’hydrogène est une technologie utilisée depuis plus de 40 ans. Elle se présente comme une solution pour remplacer les moteurs à combustion, notamment sur les trajets longue distance. La mobilité électrique ne permet pas encore aujourd’hui de couvrir ces trajets du fait de la taille de sa batterie et du réseau d’infrastructure – à ce jour, il n’existe plus de borne de recharge rapide sur les autoroutes.  

Pour autant, l’hydrogène ne convient pas aux véhicules particuliers et ce pour trois raisons : 

Actuellement, 95% de l’hydrogène est fabriqué à partir d’énergie fossile (gaz naturel, pétrole et charbon) en France et dans le monde. Pour que l’hydrogène devienne « vert », il faudrait se tourner vers l’éolien ou l’énergie solaire qui sont certes plus propres mais malheureusement encore trop chers pour produire l’hydrogène. Pour ce qui est du nucléaire, le craquage à haute température ne peut s’effectuer qu’avec une centrale nucléaire de quatrième génération, que nous n’avons plus depuis la fin des années 90. 

En ce qui concerne l’infrastructure de recharge, le prix d’une pompe à hydrogène équivaut à 1 million d’euros, soit 10 fois plus qu’une borne de recharge rapide et 100 fois plus qu’une pompe à essence. Au total, il faudrait investir 10 milliards d’euros pour couvrir le réseau français de pompes à hydrogène.

L’année dernière, il s’est vendu 211 voitures à hydrogène sur les 1,6 millions de voitures neuves en France, soit 0,01% des ventes. L’accident d’une station de recharge à hydrogène en Norvège avait stoppé les ventes, en particulier là-bas. En plus de ne pas être fiable, l’hydrogène n’est pas efficace énergétiquement puisqu’en consommation d’énergie primaire on consomme deux fois plus d’énergie avec une voiture électrique à hydrogène qu’avec une voiture électrique à batterie.

Pour autant, si l’utilisation de l’hydrogène n’est pas adaptée aux véhicules particuliers, elle peut faire sens pour d’autres véhicules. C’est par exemple le cas des flottes de taxi ou de bus, ou encore des véhicules utilitaires. Plus le véhicule est lourd et plus il est difficile de l’électrifier avec des batteries, d’où le déploiement de l’hydrogène pour ces véhicules. Mais dans son application, l’hydrogène est encore concurrencé par le gaz naturel liquéfié qui est déjà utilisé pour de nombreux camions et bateaux. 

Si certains envisagent l’utilisation de l’hydrogène pour décarboner les avions, ce n’est pas non plus une solution envisageable à court terme. Avec les moyens actuels, il faudrait entre 10 000 et 18 000 éoliennes ou 16 réacteurs nucléaires pour produire la puissance électrique nécessaire pour que les avions qui décollent et atterrissent chaque année au seul aéroport de Roissy fonctionnent à l’hydrogène.

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