L’argent peut-il sauver la planète ?

Ce débat a été réalisé en partenariat avec Le Parlement des Entrepreneurs d’avenir :

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📋  Le contexte  📋

Devant la nécessité de « sauver la planète », c’est à dire préserver notre environnement et les conditions de vie humaines et animales sur Terre, la question des moyens divisent.

Certains disent que l’argent, principal moyen d’échange entre humains, doit être le principal vecteur de cette transition écologique.

D’autres avancent qu’au contraire, c’est principalement l’argent qui est à l’origine de la dégradation de l’environnement, et que la solution ne peut venir de là.

Des expressions ont fleuri récemment dans le domaine de la finance : épargne verte, finance verte, finance responsable.

Des initiatives ont vu le jour pour aller dans ce sens : lire à ce sujet notre débat sur une banque européenne pour le climat.

Bref, un mouvement pour un plus grand respect de l’environnement est à l’oeuvre dans les initiatives financières. Mais ces initiatives vont-elles dans la bonne direction ?

Ce débat a été réalisé en partenariat avec le Parlement des Entrepreneurs d’avenir, qui se tiendra les 22 et 23 janvier à Paris.

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🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Christine Kolb 
Associée Fondatrice, Directrice du Développement / Sycomore Asset Management
L’argent, outil de résilience au service de l’humanité

La prospérité des générations futures, d’un point de vue matériel, mais aussi à l’aune des enjeux sociétaux et environnementaux, impliquera des investissements majeurs dans les années à venir.

Un futur durable coûte cher

En effet, selon les estimations de l’ONU, 5 000 à 7 000 milliards de dollars seraient nécessaires chaque année pour parvenir, d’ici à 2030, aux 18 Objectifs de Développement Durable que l’institution a fixés en 2015. A titre de comparaison, le PIB mondial s’élève aujourd’hui à environ 80 000 milliards de dollars. Dans les pays en développement, entre 2 500 et 3 000 milliards de dollars (1) par an viennent creuser le  déficit de financement nécessaire pour effectivement atteindre ces objectifs.

L’entreprise constitue un puissant levier de transformation de la société

Si les besoins futurs en infrastructures sont colossaux, une gestion efficace des ressources est, quant à elle, vitale à la survie de notre planète. Cette équation complexe ne pourra pas être résolue uniquement en s’appuyant sur les pouvoirs publics. Aussi la question du rôle de l’entreprise prend-elle plus d’ampleur. Et pour cause ! De par ses ressources, ses savoir-faire, ses expertises et l’étendue de son empreinte, l’entreprise constitue un puissant levier de transformation de la société. Les plus grandes d’entre elles ont une portée qui impacte notre planète ainsi que la vie de millions d’êtres humains. Le rôle de l’entreprise – et par voie de conséquence, celui de l’économie de marché qui la finance – ne doit pas se restreindre à la génération de profits pour le bénéfice exclusif des actionnaires, mais revêt également des engagements sociétaux et environnementaux.

Non à la financiarisation mais oui à une répartition plus responsable des profits

Pourtant, l’économie mondiale est aujourd’hui marquée par un phénomène de financiarisation accrue. Devenue une fin en soi, l’industrie financière s’est perdue, accentuant les inégalités jusqu’à atteindre des niveaux insoutenables et poussant notre planète à l’épuisement.

Malgré tout, l’argent est et restera omniprésent et indispensable. Devant cette réalité, il est impératif d’aménager une « tuyauterie » pour canaliser l’épargne phénoménale accumulée par une partie de l’humanité et la mettre ainsi au service de la création d’un avenir souhaitable pour les générations futures.

Cette mission est de taille : l’argent sauvera la planète en soutenant les entreprises et une finance durables qui recherchent des impacts sur la société et la planète. L’argent n’est-il pas, si ce n’est un mauvais maître, un excellent serviteur à condition de redevenir un outil de résilience au service des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux de l’humanité ?

Le « Contre »
Vincent Liegey
Essayiste et co-auteur d’Un Projet de Décroissance et coordinateur de Cargonomia, centre de recherche et d’expérimentation sur la Décroissance à Budapest
Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, mais nous, de cette folie de l’argent

L’argent ne se mange pas

Commençons par une évidence, toujours bonne à rappeler, avec cette prophétie d’un Amérindien Cree : « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas ». Et nous y sommes, nous dépassons allègrement les limites écologiques comme nous le rappelle les incendies en Australie. Et l’argent continue à couler à flot, plus que jamais, avec un nouveau record de dividendes versés aux actionnaires. Alors peut-elle nous aider à « sauver la planète » ?

La réponse est non. Tout d’abord, la planète se sauvera toute seule, sans nous. La question se pose plus pour notre modèle civilisationnel toxico-dépendant au toujours plus, calculé avec la croissance du PIB, donc en argent. Serons-nous capable d’arrêter cette fuite en avant destructrice avant qu’il ne soit trop tard ?

L’argent est une construction sociale fétichisée, toxique et dangereuse pour l’environnement et la justice sociale

En ce sens l’argent, construction sociale fétichisée et centrale dans nos imaginaires et organisations sociales semble être plus toxique que salvateur. Il ne mesure en aucun cas les destructions irréversibles faites aux écosystèmes. Il ne calcule pas et ne peut pas calculer le gâchis de ressources limitées et finies, en premier lieu les énergies fossiles dont nous dépendons à 80%. Enfin, faute d’être capable de mesurer le bien-être, il participe plutôt à le remettre en cause en cassant les solidarités, le vivre ensemble et en exacerbant les inégalités.

Une dotation inconditionnelle d’autonomie, pour toutes et tous, de la naissance à la mort

Ainsi, l’enjeu est de sortir d’une vision réductionniste de nos perceptions -la vie ne se comptant ni en dollars ni en euros- et de reposer la question du sens de nos besoin fondamentaux et de comment y répondre de manière soutenable et juste.

C’est pourquoi nous proposons une dotation inconditionnelle d’autonomie, pour toutes et tous, de la naissance à la mort, couplée à à revenu maximum acceptable. Une dotation pour créer un plancher au dessous duquel on abandonne personne : logement, nourriture, eau et énergie, santé, école, service funéraire, transport de proximité gratuits en posant la question de l’usage. Plancher bas avec un Revenu maximum pour se reposer la question des limites et sortir de l’hybris.

Il y a trop d’argent dans le système, donc trop de pouvoir spéculatif de perversion au service de toujours plus de destruction. Il est grand temps de relire Karl Polanyi et de ré-encastrer l’économie, c’est-à-dire de remettre l’argent à sa place afin de s’en libérer. Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, mais c’est à nous de nous sauver de la folie de l’argent.

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