La Corse peut-elle être indépendante ?

1. Le contexte

  • -4000/-2000 av. J-C : Des mégalithes et des menhirs sont disséminés sur le territoire insulaire. Ces pierres imposantes, datant du Néolithique, célèbrent les défunts et témoignent d’une occupation très ancienne de la Corse par les Hommes.
  • Vème-XIème siècle : Les Vandales, les pirates Maures et les Ostrogoths pillent les réserves des villages corses, capturent les populations et les réduisent en esclavage. Des légendes racontent que les Corses décapitaient leurs ennemis et arboraient leurs têtes sur des piques, d’où l’origine du célèbre drapeau corse et sa tête de Maure.
  • 1077 : La Corse passe sous la domination pisane (de la ville de Pise).
  • 1284 : Bataille navale de la Meloria ; les Génois (de la ville de Gênes) prennent possession de l’île, ouvrant cinq siècles d’occupation continue.
  • 1755 : Pascal Paoli tente de reprendre l’île aux Génois. Élu « Général de la Nation », il offre alors à la Corse 14 années d’indépendance. Il crée, à Corte, un gouvernement de la nation corse et fonde une constitution républicaine, ce qui lui vaut le surnom de « Père de la Patrie » (“Babbu di a Patria”). La Tête de Maure devient l’emblème officiel de l’île.
  • 1768 : Signature du Traité de Versailles ; la France rachète la Corse aux Génois.
  • 1769 : Naissance de Napoléon Bonaparte à Ajaccio. Futur empereur, il est en faveur du ralliement de l’île à l’État français.
  • 1943 : La Corse est le premier territoire français à être libéré des Forces de l’Axe, suite à l’arrestation de Mussolini et la signature d’un armistice avec l’Italie. L’île passe alors du côté des alliés et repousse les troupes allemandes.
  • 1975 : Début du combat nationaliste à Aleria, lancé par Edmond Simeoni à l’encontre des pieds-noirs, soupçonnés d’escroqueries.
  • 1976 : Naissance du Front de Libération Nationale de la Corse (FLNC) qui revendique entre autres l’autonomie et la défense de la langue et de la culture corses. Des symboles de l’État, les postes, perceptions, gendarmeries, sautent régulièrement. De même que les constructions sauvages du littoral, et sans jamais faire de morts. À l’époque, les plasticages oscillent entre 400 et 800 par an.
  • 1998 : Assassinat du préfet Erignac
  • 2003 : Arrestation d’Yvan Colonna (« le berger de Cargèse ») pour le meurtre du préfet.

Depuis 1976, 10 500 attentats ont été commis sur l’île (moins de la moitié revendiqués).

Sur le plan politique :

L’indépendance correspond à une situation d’autogouvernance, et de souveraineté totale d’un territoire.

L’autonomie permet à un territoire, de bénéficier de certaines lois particulières, sans posséder une indépendance totale.

Aujourd’hui, l’opinion autonomiste prédomine chez les nationalistes corses.

Depuis les années 1970, la question corse est toujours sensible pour l’État français.

Les rencontres de Corte, en août 2007, marquent une nette fracture entre « indépendantistes » et « autonomistes ». A tel point qu’en 2014, le FNLC annonce qu’il dépose les armes. L’organisation décline face à une nouvelle génération d’autonomistes, menés par Gilles Simeoni (fils d’Edmond) et qui refusent la violence des « encagoulés ».

En 2018, après qu’Emmanuel Macron ait annoncée une possible inscription de la Corse dans la Constitution, l’Assemblée Nationale a rejeté le statut d’autonomie demandé par les députés corses.

Aujourd’hui, la Corse plaide toujours pour une considération exceptionnelle de sa situation par le gouvernement.

2. Le débat des experts

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Thierry Dominici
Docteur en science politique, chargé de cours à l’Université de Bordeaux
L’Etat régional comme voie d’émancipation ?

« Le courant nationaliste est devenu la première force politique de l’île »

Le 17 décembre 2015, avec la victoire historique à l’élection territoriale, le courant nationaliste est devenu la première force politique de l’île. Cette victoire électorale est le résultat d’un rapprochement entre deux formations distinctes sur le plan idéologique (les autonomistes et les indépendantistes) et pourtant proches sur le plan programmatique. Ce phénomène électoral sera renforcé avec plus de 56% aux élections régionales de décembre 2017, la victoire aux législatives de 2016 (trois députés sur quatre) et enfin aux Européennes de 2018 (un député).

L’indépendance est à la racine de l’Histoire corse

L’objectif nodal de cette contribution est de montrer que le pouvoir de représentation sociale et populaire du courant nationaliste actuellement aux commandes de la région permet de poser clairement la question de l’autodétermination des Corses en termes de conscience nationale par « le bas ».

Premièrement, en raison du poids de l’histoire, en Corse le sentiment d’appartenance à une communauté nationale est prégnant chez les insulaires, il puise son originalité dans le monde du XVIIIème siècle et plus précisément, en 1755, où les Corses déclarèrent leur indépendance et feront du peuplement de l’île une nation basée sur la souveraineté populaire : « la souveraineté du peuple légitimement maître de lui-même ».

Deuxièmement, toutes les revendications du nationalisme corse que rencontre la République française renforcent leur discours idéologique par l’utilisation de cette sédimentation historique. Aussi, dès 1976 le nationalisme corse propose deux actions : légale et clandestine marque clairement l’émergence puis l’installation d’une force capable de concurrencer les partis traditionnels. Cette politisation du nationalisme est passée en quarante ans d’un autonomisme politique, à l’affirmation d’une lutte de libération nationale et enfin depuis 2015 à un nationalisme démocratique.

« Le projet d’autodétermination redonne vie au discours d’indépendance »

Car si les nationalistes ont réussi le tour de force de remporter la victoire à l’élection régionale de 2015 et de briguer ainsi l’ensemble des postes clés de l’Exécutif régional, ils ont su renforcer leur hégémonie sur le système partisan local en obtenant trois députés nationaux et 57% des suffrages à l’élection régionale de 2017. Ces deux dernières victoires renforcent dans l’imaginaire collectif l’idée d’un processus d’autodétermination des Corses et redonne vie au discours d’indépendance. Ce projet d’autodétermination est devenu auprès d’une grande majorité de l’opinion publique le seul viable car permettant de sortir de la crise.

Face à une telle massification populaire du nationalisme corse, l’Etat pour garder son unité, doit proposer à la Corse plus de liberté qui à l’image de la Nouvelle Calédonie passera par plus d’autonomie (constitutionnelle).

Le « Contre »
Christelle Combette
Conseillère à l’Assemblée de Corse(groupe Per l’Avvene – 1er groupe d’opposition, droite régionaliste)
Illusion et repli : Contre l’indépendance de la Corse

Les turbulences qui ont agité l’histoire de la Corse et sa situation devenue progressivement périphérique à partir du 15ème siècle avec la découverte du Nouveau Monde se sont traduites par un sous-développement de notre île, marqué par un déficit d’infrastructures, une faible économie et une émigration constante jusqu’au 20ème siècle.

Forcément, les rattrapages opérés depuis l’après-guerre ont changé la donne, bouleversé les équilibres sociaux, économiques et territoriaux. La société corse a changé. Le mouvement nationaliste, dans ses différentes versions, s’est développé dans une logique de mise en cause de l’Etat, d’abord pour fustiger le sous-développement de l’île, puis pour regretter son développement avec tout ce qu’il implique.

Être corse c’est être français

La Corse s’est vu transférer un certain nombre de compétences élargies qui lui permettent de gérer des dossiers cruciaux comme les transports, l’économie, la gestion des déchets, l’eau, la langue, la culture, etc… Et pourtant, l’État est toujours pointé du doigt par les nationalistes comme responsable de tous les maux. Le but étant de se fonder sur les spécificités culturelles de la Corse pour faire apparaître comme « anormale » l’ancrage de l’île au sein de l’ensemble républicain. Une logique manichéenne jacobine selon laquelle on est soit français, soit corse. Une logique qui n’a pas de sens. Bien sûr que la Corse, comme d’autres régions, a des spécificités culturelles, une identité qui lui est propre. Pour autant, après des siècles d’appartenance à la République française, quel serait l’intérêt de nous engager dans une aventure indépendantiste ? Aucun.

L’indépendance serait un suicide économique

Bien sûr que la Corse doit s’épanouir au sein de la République, y préserver son identité sa langue, son environnement d’exception, son patrimoine culturel… Tout en poursuivant son essor, notamment économique. Dans un monde qui tend à se structurer en ensembles continentaux, quel serait le sens d’une Corse indépendante de 330 000 habitants qui serait plus que jamais affaiblie et à la merci d’intérêts prédateurs internationaux ? Sur un PIB de 8 milliards d’euros dont 60% sont générés par le secteur public (santé, éducation nationale, administration, etc…) et ses retombées, quel intérêt de nous appauvrir ? Après tant de siècles d’histoire commune, dont un début assez grandiose autour de la figure napoléonienne, la rupture ou à la distanciation, promues par la frange séparatiste, est clairement irresponsable et relève de la manipulation.

« On peut être soi-même tout en étant ensemble »

Bon nombre de corses s’assument tout en se sentant français ! On peut être soi-même tout en étant ensemble. L’assumer et l’acter de façon pérenne serait la meilleure façon d’en finir avec une question qui non seulement ne devrait plus se poser mais dont l’évocation même compromet notre avenir et notre jeunesse insulaire que l’on veut pousser à choisir entre deux réalités qui ne s’opposent pas mais, bien au contraire, se complètent.

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