Avertissement !
Ce débat, surtout formulé comme ceci, est trompeur. Il place sur le même plan deux opinions dont l’Histoire a montré qu’elles n’étaient pas dignes d’être sur le même plan. Néanmoins, à l’époque, elles l’étaient. Nous ressuscitons ces débats historiques dans leur contexte pour montrer que les débats d’hier ont contribuer à façonner le monde que nous connaissons, et par extension que les débats d’aujourd’hui contribuent à façonner le monde de demain. Et, qui sait ? Peut-être que dans quelques générations, certains de nos débats actuels ne mériteront plus le pied d’égalité dont ils ont bénéficié aujourd’hui ?
📋 Le contexte 📋
En 1939 éclate la Seconde guerre mondiale. Le détonateur du conflit est l’invasion de la Pologne par les armées allemandes d’Adolf Hitler, le 1er septembre. Deux jours plus tard, la France entre en guerre.
Alors que le Troisième Reich déclenche le Blitzkrieg (« guerre éclair »), l’armée française reste passive. Outre une timide offensive dans la Sarre ennemie, l’Etat-major français adopte essentiellement pour une position défensive grâce aux fortifications de la ligne Maginot. Cet épisode est nommé la « drôle de guerre« par le journaliste Roland Dorgelès, du fait de l’absence d’affrontements majeurs entre les armées françaises et allemandes.
A partir du 10 mai 1940, la Wehrmart lance la bataille de France en envahissant les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et en prenant Sedan, Calais et Dunkerque en moins d’un mois. Le 14 juin, Paris, désertée par le gouvernement français, tombe aux mains de l’armée allemande sans l’usage de la force.
La débâcle de l’armée française contraint le maréchal Pétain à signer l’armistice avec le Troisième Reich, le 22 juin 1940. C’est le début de l’Occupation.
Cet armistice est sévère pour la France. Il impose la scission du territoire français en deux zones distinctes : la zone nord (ou dite “zone occupée”) est administrée par la Wehrmacht alors que la zone sud (dite “zone libre”) reste sous la gouvernance de l’Etat français.
En juillet 1940, le maréchal Pétain s’arroge les pleins pouvoirs et inaugure le Régime de Vichy en zone libre.
Mais ce n’est que le 24 octobre 1940, lors de l’entrevue de Montoire (du nom de la gare de Montoire-sur-le-Loir dans le Loir-et-Cher) et d’une poignée de main symbolique entre le maréchal Pétain et Adolf Hitler que la “Collaboration” est officialisée.
Le collaborationnisme entre Vichy et l’Allemagne nazie revêt plusieurs formes : coopération économique, arrestations de résistants et d’opposants politiques (dont les communistes), rafles de Juifs sur tout le territoire et remis aux Allemands pour la déportation ou encore contribution à l’effort de guerre nazi au moyen de son industrie militaire.
A Londres, sur les ondes de la BBC, le général De Gaulle proclame son « appel du 18 juin » dans lequel il refuse l’armistice et appelle les Français à résister face à l’Allemagne nazie : c’est la naissance de la France libre (ou “France combattante”).
A la libération de Paris, le 25 août 1945, la France entame une vague d’épurations visant les collaborationnistes.
Quelques chiffres laissent mesurer l’ampleur du phénomène :
- environ 1500 condamnations à morts
- plus de 8500 exécutions sommaires
- quasiment 10 000 condamnations pour indignité nationale (dont le maréchal Pétain)
D’autres épurations sont pratiquées comme celles des femmes (tondues pour “collaboration horizontale”), des intellectuels, des journalistes (George Suarez et Robert Brasillach sont fusillés) mais aussi de l’administration, du clergé et même de l’économie (Louis Renault meurt en prison).
🕵 Le débat des experts 🕵
Message radiodiffusé du 30 octobre 1940
Français,
J’ai rencontré, jeudi dernier, le chancelier du Reich.
Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes.
Je vous dois à ce sujet quelques explications.
Une telle entrevue n’a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l’épreuve […]. La France s’est ressaisie. Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays.
C’est librement que je me suis rendu à l’invitation du Führer. Je n’ai subi, de sa part, aucun diktat, aucune pression.
Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J’en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement.
A tous ceux qui attendent aujourd’hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d’abord entre nos mains.
A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tous les Français est d’avoir confiance. […]
C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française – une unité de dix siècles – dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen que j’entre, aujourd’hui, dans la voie de la collaboration.
Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d’occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilitée l’administration et le ravitaillement du territoire.
Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d’agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant.
L’armistice, au demeurant, n’est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d’éteindre les divergences de l’opinion, de réduire les dissidences de ses colonies.
Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi.
C’est moi seul que l’Histoire jugera.
Je vous ai tenu jusqu’ici le langage d’un père. Je vous tiens aujourd’hui le langage du chef.
Suivez-moi. Gardez votre confiance en la France éternelle. »
L’appel du 18 juin 1940 retransmis par la BBC
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire de notre malheureux pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres.