La France doit-elle livrer les Mistrals à la Russie ?

Un navire de la classe Mistral, ici en mouillage à Brest

Numéro 1

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Le Mistral : De quoi s’agit-il exactement ?
Il évoque habituellement un vent bien connu dans le sud de la France. C’est devenu aujourd’hui l’objet de la discorde entre le France et la Russie : Le Mistral.
Mais au fait, de quoi s’agit-il ? Assemblé par STX à St Nazaire, Le Mistral est un BPC : un Bâtiment de Projection et de Commandement. En clair, c’est un couteau suisse flottant. En effet, le Mistral est à la fois un porte-hélicoptères d’assaut pouvant embarquer jusqu’à 16 hélicoptères d’attaque. Mais c’est aussi un navire amphibie, capable d’effectuer le transport et le débarquement d’un escadron de 40 chars. C’est également un navire hôpital de plus de 50 lits. Enfin, il peut servir de bâtiment de commandement pour un état-major de force armée.

Pourquoi la France refuse de livrer ces navires à la Russie ?
A la suite de la crise ukrainienne et après le soutien de la Russie aux indépendantistes de l’Est de l’Ukraine, les Etats-Unis et certains de leurs alliés ont imposé des sanctions contre Moscou. C’est cette situation qui a amené la France à s’abstenir d’honorer son contrat de vente des 2 porte-hélicoptères Mistral à la Russie.
Francois Hollande a déclaré jeudi que La France ne livrera le navire de guerre Mistral à la Russie que sous certaines conditions. Quelles sont ces conditions ? Un cessez-le-feu et un règlement politique. « Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies. Comment pourrais-je autoriser la livraison d’un bateau qui peut demain être un bateau de guerre alors même qu’il y a la crise en Ukraine ? », a indiqué François Hollande après avoir rencontré son homologue ukrainien Petro Porochenko cette semaine.

Quel seront les conséquences d’une telle décision ?
Signé en juin 2011, le contrat d’un montant de 1,2 milliards de dollars porte sur la construction de deux navires : le Vladivostok et le Sébastopol. En cas d’annulation, il prévoit le remboursement des sommes versées et des sanctions pour non-respect des engagements. Mais ni les Russes, ni les Français n’ont détaillé le montant des indemnités.

Numéro 2

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LE « POUR »

L’Etat doit honorer son contrat

Billet rédigé par :

F. Migier

spécialiste du droit international

La pression commence à se faire lourdement sentir. Ces derniers mois de nombreuses grandes puissances comme les Etats-Unis et l’Allemagne font pression sur la France pour qu’elle rompe son contrat pour la livraison des 2 navires de type Mistral à la Russie. Mais les conséquences pour la France d’une telle décision seraient absolument considérables.

Conséquences politiques déjà.

En effet, comment prétendre à une réelle souveraineté nationale quand notre conduite est directement dictée par Berlin, Londres et Washington ?

Conséquences financières ensuite et surtout : en cas d’annulation du contrat, la France devra rembourser 1,2 milliards d’euros mais aussi payer une pénalité importante. Les plus optimistes évoquent un montant de l’ordre d’1 milliards de dollars quand les Russes affirment que la compensation pourra atteindre 3 à 5 milliards de dollars. Et ce n’est ni Bruxelles ni la Maison Blanche qui devront mettre la main à la poche mais bien le contribuable Français à qui on demande déjà tant d’efforts.

Et enfin ne l’oublions pas : l’industrie de l’armement est un des rares secteurs qui se porte bien aujourd’hui en France. Sans les exportations d’armement, le déficit de la balance commerciale serait supérieur d’au moins 5%. Au moins 40.000 emplois en dépendent, dans tout le territoire.

Il s’agit donc de ne pas pénaliser cette filière en effrayant les potentiels clients.

La Pologne et la Géorgie ont récemment lancé des appels d’offres militaires où la concurrence américaine, italienne et israélienne est déjà très forte. De plus, les négociations continuent avec l’Inde et le Brésil pour la vente du Rafale. La décision de la France va être scrutée avec beaucoup d’attention par tous ces pays qui ne voudront pas prendre le risque de voir leurs contrats annulés si leur politique ne plait plus à la France.

Et ce qui vaut pour la Défense vaudra aussi pour d’autres domaines…

Pensez-y bien : un rétropédalage sur le dossier du Mistral provoquerait à coup sûr des remous, bien au-delà de la seule sphère diplomatique.

LE « CONTRE »

La France doit faire preuve d'éthique

Billet rédigé par :

Philippe G.



Les forces ukrainiennes viennent de vivre une journée particulièrement sanglante. En effet, sept militaires ukrainiens ont été tués dans des combats avec les rebelles pro-russes de l’Est de l’Ukraine le jeudi 30 Octobre, et ce en dépit d’un cessez-le-feu instauré le 5 septembre. Et il est maintenant avéré que Moscou apporte un soutien logistique aux séparatistes. Dans ce contexte extrêmement tendu, où le gouvernement de Vladimir Poutine bafoue la souveraineté national d’un état allié de la France, où des Européens sont tués pour défendre leur pays, comment imaginer la livraison de navires de guerre à la Russie ?

La France peut-elle moralement accepter de fournir des armes à un pays ouvertement en guerre contre nos alliés et qui à nouveau tente d’annexer de nouveaux territoires par la force ?

La réponse est non ! Nous ne pouvons pas accepter de fournir à la Russie une arme puissante pour attaquer un pays voisin. En effet, les navires Mistrals ne sont certes pas des cuirassés. Cependant, ils constituent des bateaux de guerre redoutables capables de déployer rapidement d’importantes forces militaires terrestres et aériennes. Moscou a indiqué qu’elle comptait baser dans le Pacifique les deux BPC livrés par la France. Mais une fois livrés, rien n’empêchera la Russie de les déployer comme elle l’entendra, quitte à les utiliser de manière offensive contre nos alliés et nos intérêts dans la Baltique ou en mer Noire.

Bien évidement, la rupture du contrat imposera à la France le paiement à la Russie d’une compensation financière. Mais doit-on renoncer à nos principes les plus chers pour de l’argent ? Sommes-nous arrivés au point de vouloir piétiner toutes les valeurs de la France par soucis d’économie ? Je veux croire que non.

Bien sûr, le montant est significatif mais l’ensemble de la vente représente moins de 1,2 milliard d’euros, un chiffre relativement modeste au regard de l’amende de 6,6 milliards d’euros que paiera BNP Paribas aux États-Unis…
Et il existe d’autres alternatives. Avec le concours des Etats-Unis, il est tout à fait envisageable pour la France d’obtenir de ses partenaires de l’Otan, le rachat des BPC par l’Alliance atlantique, fût-ce pour un montant largement symbolique. Ce serait en plus l’occasion de prouver qu’il existe une réelle coopération diplomatique avec nos partenaires Européens et Américains.

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