📋 Le contexte 📋
Le terme de pêche industrielle, au même titre que la pêche artisanale, est soumis au débat. On peut toutefois la définir comme une activité économique capturant de grandes quantités de poissons. Cette pêche se fait sur de grands navires et nécessite des infrastructures portuaires conséquentes pour débarquer et distribuer des poissons.
La pêche artisanale, quant à elle, semble être plus locale et se caractérise par des bateaux plus petits (entre 12 et 16 mètres), le patron en est d’ailleurs le propriétaire.
Sources : Les définitions, Bloom Association, Ifremer
La pêche industrielle est loin de faire des émules. Elle exploite environ 55% de la surface des mers du globe, soit plus que l’agriculture. Or, alors qu’elle s’étend dans des espaces plus éloignés et vastes, cette pêche est de moins en moins fructueuse (moins 22% de poissons pêchés par km² depuis 1990). Elle menace ainsi les écosystèmes aquatiques mais aussi les oiseaux marins. En effet, la pêche industrielle se doit d’être rentable, ce qui inciterait à la surpêche. Avec l’aide des nouvelles technologies, les quantités pêchées sont plus importantes et ce de manière régulière, ce qui réduit et fragilise le renouvellement des populations de poissons.
Sources : Sciences et vie, Mr Mondialisation
Quand on parle de pêche durable, on entend des méthodes de pêche plus respectueuses des écosystèmes : limitation des capacités de capture, de l’utilisation de produits chimiques et des déchets produits, suppression des pratiques de pêche destructrices, etc. Les acteurs du secteur sont aussi invités à mettre en place des politiques, contrôles et sanctions en accord avec des pratiques vertueuses. En somme, la pêche durable est socialement économiquement équitable et responsable. Certaines organisations se sont déjà engagées dans cette direction, la plupart du temps en se regroupant sous des labels communs.
🕵 Le débat des experts 🕵
Le Collectif Pêche et Développement défend prioritairement la pêche artisanale et pour cela il est important de définir la place de la pêche industrielle pour qu’elle ne soit pas en contradiction avec les intérêts des artisans, mais il faut s’entendre sur ce qu’est la pêche industrielle. En Europe, elle concerne tous les bateaux de plus de 12 m, car la définition limite le secteur artisanal à la petite pêche, excluant de plus les arts traînants (drague, chalut). Une telle définition est trop restrictive et ne correspond pas à la réalité de la pêche artisanale sur la côte atlantique car elle exclut la pêche côtière et la pêche hauturière – cette dernière est également partiellement artisanale, quoique le niveau d’investissement la rende de plus en plus inaccessible aux patrons pêcheurs embarqués.
Pour être durable, la pêche industrielle doit être fortement encadrée pour éviter les désastres que sa puissance peut engendrer comme dans les années 1960-2000, en Europe et ailleurs. C’est encore malheureusement le cas avec la pêche illégale, principalement asiatique. Il faut encadrer et contrôler l’effort de pêche, les captures, les conditions de travail et de rémunérations des marins, limiter les subventions, mais cela ne garantit pas la durabilité. Il faut éviter les accaparements de certaines ressources quand elles sont partagées avec les artisans comme c’est le cas pour le thon, les maquereaux et d’autres espèces, en donnant la priorité aux artisans, en interdisant l’accès de certaines zones aux industriels. Par exemple, il est anormal que des chalutiers géants de 100 m et plus accaparent les maquereaux en Manche alors qu’ils sont accessibles aux artisans.
Certaines pêches industrielles comme la pêche minotière pour la farine et l’huile doivent être soit interdites ou fortement réduites. En effet, les captures concernées peuvent souvent être consommées directement, ce qui suppose de créer les conditions de leur commercialisation pour l’alimentation humaine. Les autres espèces non consommables directement constituent la nourriture des espèces consommables.
La pêche industrielle pour être durable doit aussi s’engager à respecter les droits sociaux des marins. Si cela se faisait partout, bien des pêches lointaines illégales ne seraient pas rentables et seraient réduites. Si toutes ces conditions sont respectées, certaines pêches industrielles peuvent être durables et contribuer à nourrir la population à des prix raisonnables. Elles peuvent même être indispensables, au moins temporairement, pour certains pays incapables jusqu’à présent d’exploiter par eux-mêmes leurs ressources du large, faute de capacités humaines et financières. C’est le cas de nombreuses îles du Pacifique qui assurent une bonne part de leur budget en vendant des droits de pêche. Certaines ressources importantes se trouvent dans des zones peu habitées et ne sont accessibles qu’à des bateaux industriels.
La surpêche n’est pas durable qu’elle soit industrielle ou artisanale. Chez Sea Shepherd, on ne fait pas de différence. Par exemple, la mer Méditerranée est la mer la plus surpêchée au monde alors que la plupart des bateaux de pêche (92 %) mesurent moins de 12 mètres et pêchent localement. Il n’y a donc pas « besoin » de faire de la pêche industrielle pour surpêcher.
Aujourd’hui, ce qui est important, c’est d’outrepasser cette image de la petite pêche forcément vertueuse et surtout de déterminer la nécessité de la pêche. La pêche de subsistance existe et répond à des besoins essentiels. Elle ne représente que 2 % de l’ensemble de la pêche, la question se pose donc sur l’écrasante majorité.
Bien que l’essentiel de la vie marine soit regroupée dans les zones côtières, la haute mer connaît une situation d’impunité totale. Il existe en effet un vide juridique. Sans contrôle et juridiction, tous les ingrédients sont réunis pour un carnage. De plus, les espèces de grand fonds marins sont particulièrement vulnérables à la pression de la pêche du fait d’une grande longévité et d’une maturité sexuelle tardive. Elles pourraient donc être exterminées très rapidement.
Aujourd’hui, le problème, c’est la politique des pêches, la vision de l’écosystème marin qui ne correspond pas à la réalité. On compartimente l’océan alors que tout est mélangé. Par exemple, des dauphins sont capturés – alors que c’est illégal – parce que des méthodes de pêches non sélectives sont autorisées pour obtenir de meilleurs rendements. Ce devrait être interdit. Les chalutiers pélagiques pêchent des quantités pharaoniques de poissons, les congèlent ou en font de la farine animale pour des débouchées non vitales.
Il faudrait réduire drastiquement notre consommation de poisson. La pêche est ce qui pèse le plus sur les océans. Aujourd’hui, même l’OMS produit un discours contradictoire. Elle préconise deux portions de poissons par semaine par habitant alors que c’est le double que ce que l’océan peut donner.
Il n’y a pas 36 solutions pour préserver les océans. Il faut se rappeler que l’être humain n’est qu’une pièce rapportée. On ne fait pas partie du cycle des océans. Dans l’inconscient collectif, cette dimension n’est pas intégrée du fait que ce qui se passe en mer est loin des yeux et des consciences. Les poissons ne sont donc pas considérés comme des animaux et les océans sont perçus comme un espace de marchandises. De cette vision découle cette surexploitation.
L’océan, c’est le premier organe régulateur du climat. Si l’océan meurt nous aussi. Il faut changer drastiquement nos habitudes. Les poissons ont plus de valeur dans l’océan à faire fonctionner la machinerie du climat, que dans l’assiette de 98% de la population mondiale.