La Pologne devrait-elle rejoindre la Zone Euro ?

Source : JWPhotography2012

Ce débat est réalisé en partenariat avec Duel Amical une association étudiante de Sciences Po, qui organise des débats d’idées sur des thématiques européennes. Nous organisons et échangeons avec eux des débats sur le thème de l’Europe. 

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce que la Zone Euro ?
La Zone Euro, parfois appelée eurozoneest une zone monétaire qui regroupe les Etats membres de l’Union européenne (UE) qui ont adopté l’euro comme monnaie. 

Elle a été créée en 1999 par onze pays : Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal.  Ces 11 pays ont été rejoints par la Grèce en 2001, par la Slovénie en 2007, par Chypre et Malte en 2008, par la Slovaquie en 2009, par l’Estonie en 2011, par la Lettonie en 2014 et par la Lituanie en 2015.

La zone euro compte donc désormais 19 pays membres.

Qui peut en faire partie ?

Plusieurs critères sont nécessaires pour rejoindre la zone euro : un déficit public inférieur à 3 % du PIB, une dette publique ne dépassant pas 60 % du PIB, une inflation maîtrisée, une indépendance de la banque centrale du pays et une devise nationale stable pendant au moins deux ans.

Pourquoi on en parle aujourd'hui ?
Plusieurs États membres n’ont pas encore adopté l’euro, soit parce qu’ils ne répondent pas encore aux critères d’adhésion, soit parce qu’ils ne le souhaitent pas. C’est le cas de la Pologne, première économie d’Europe Centrale, qui préfère toujours son Zloty à l’Euro.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

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LE « POUR »

La Zone Euro – opportunité incontestée ou la Grande Inconnue

Billet rédigé par :

Marcin Dembowski Rafał Kowalczyk

Traduit par: Micaela Holmberg

L’intégration en soi n’est pas une mauvaise chose. L’Union Européenne, considérant tous les facteurs, est une des organisations les plus fortes au monde d’un point de vue économique. Ça vaut la peine de faire partie du groupe de ces pays, intégrés aussi bien économiquement que financièrement.

Ces dernières années, du développement dissymétrique des pays de l’UE et leur dissolution structurelle et institutionnelle, est apparue l’idée d’une Europe à deux vitesses. Ce que nous pouvons observer maintenant est un déséquilibre économique sérieux et un corps à corps politique en Europe. Y-a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour sortir de cette impasse ? Rejoindre la Zone Euro, fait-il encore sens pour la Pologne ?

De notre point de vue, plus d’intégration n’est pas une mauvaise chose en soi. L’UE, tous facteurs considérés, est encore une des organisations les plus puissantes au monde d’un point de vue économique. Afin d’au plus possible éviter les turbulences de marché liées aux crises monétaires, faire partie de la Zone Euro peut valoir la peine.

*Retour aux monnaies nationales?

L’indifférence dans laquelle la communauté de l’UE se trouve pour l’instant bloquée peut être le départ d’une crise sérieuse, menant à la dissolution de la communauté et le retour des monnaies nationales. Les pays d’Europe centrale sont régulièrement en conflit avec les institutions européennes pour défendre leurs intérêts vitaux. Ceci pourrait finir par faire imploser l’UE, et par conséquent, la zone euro.

*Qu’en est-il alors de la Pologne ?

L’économie polonaise s’en est sortie saine et sauve de la crise financière de 2008. A première vue, on penserait que rejoindre la monnaie unique a ses avantages et est dans l’intérêt de tous vu qu’elle minimise les risques liés aux échanges de monnaies et améliore l’image et la crédibilité d’un pays. Mais remplir les critères nécessaires et réussir à implémenter l’euro n’est quelque chose qui ne fonctionne qu’en théorie. Dans la pratique, les gouvernements ont tous leurs propres priorités : ils doivent répondre aux attentes de leurs électeurs qui ne coïncident pas toujours avec un développement durable et stable. Le gouvernement actuel de Droit et Justice augmente les dépenses sociales, ce qui augmente la consommation. Mais de l’autre côté, ces politiques affectent la dette publique et creuse le déficit public. La pression liée à essayer de toujours remplir les critères pour la Zone Euro peut se montrer démotivant pour les différents gouvernements. Il peut se montrer impossible, dans l’environnement économique actuel, de remplir les conditions économiques et juridiques.

*Pensons perspective

La vision stratégique, la vision d’où nous voulons être dans quelques années, est très importante. Nous devons avoir une politique de développement à longue durée. Une Pologne forte, étant un leader régional innovateur, développant des services avec son industrie, peut être un partenaire de valeur pour l’UE. La Pologne à la possibilité de devenir un moteur de développement et une garantie de la stabilisation de la Zone Euro sans laquelle il n’y aura pas de zone de monnaie unique.
Nous savons que la Pologne n’est pas toute seule dans le monde globalisé, pour cela on implémente des bonnes solutions créant un espace pour l’investissement. On a aussi besoin de se concentrer sur la création d’une identité socio-économique basée sur la coopération interétatique, le commerce et la recherche. Ceci protège par ailleurs notre vision de modèle de développement au sein de l’UE. Une plus grande intégration, qui à la fin mènera à l’intégration avec une monnaie commune, ne peut pas résulter en une perte de souveraineté nationale. La perte de souveraineté serait une violation du droit international et serait aussi contraire aux idées sur lesquelles l’UE fut fondée.

*La force réside dans le groupe

En conclusion, le mieux serait de rejoindre la zone euro. Les bénéfices potentiels l’emportent sur les coûts. Pour l’économie croissante polonaise, le risque des fluctuations des taux d’échanges disparaitra. Les compagnies polonaises pourront se développer plus vite et l’économie se stabilisera. En plus, nous deviendrions membres d’un club élitiste de nations, intégrés tant financièrement qu’économiquement.

LE « CONTRE »

Rejoindre l’Euro : pas avant de savoir dans quoi nous nous engageons

Billet rédigé par :

Marcin Surowiec

Traduit par: Micaela Holmberg

Les avantages de l’adhésion à la zone euro sont au mieux hypothétiques et ambigus. Ses dangers sont réels et bien connus. Il serait sage de ne pas monter à bord d’un train avant d’être non seulement certain qu’il va dans la bonne direction, mais aussi qu’il pourra atteindre sa destination.

Pour l’instant, la Pologne bénéficie du meilleur de deux mondes : elle fait partie du marché unique et bénéficie ainsi de l’économie européenne tout en évitant de courir le risque d’être tirée vers le fond dans le cas où la Zone Euro succombe à un autre bouleversement. Faire partie de la zone euro est un investissement – on sacrifierait une partie de notre puissance économique en échange d’une promesse vague d’un peu plus de pouvoir politique. Ce serait un marché risqué en soi, même si les bases de la Zone Euro étaient complètement saines. Malheureusement, nous n’avons aucune raison de penser qu’elles le sont.

*Des conditions économiques inappropriées
Robert Alexander Mundell, connu comme le « Père de l’Euro », était pionnier de la théorie de la Zone Monétaire Optimale (ZMO), qui est à la base de l’idée d’établir la Zone Euro. La théorie stipule que si une région donnée a certaines caractéristiques, avoir une monnaie unique maximiserait son efficacité économique. Il y a quatre critères principaux pour une union monétaire réussie : (1) la mobilité des facteurs de production (dont la main-d’œuvre) ; (2) mobilité des capitaux et une flexibilité des prix et salaires à travers la région ; (3) un système de partage de risques tel un mécanisme automatique de transfert fiscal pour redistribuer les fonds vers les régions/secteurs affectées défavorablement par les deux premières caractéristiques ; (4) les états participants doivent avoir des cycles économiques semblables.

Il n’y a pas besoin d’avoir un doctorat en économie pour réaliser que la zone euro n’est pas un très bon exemple d’une ZMO. La mobilité des capitaux est plutôt bonne, mais la mobilité de la main d’œuvre (surtout à cause de différences culturelles et linguistiques), pas autant. Il n’y a évidemment aucun système de transferts fiscaux et, à cause du scepticisme de l’Allemagne vis-à-vis de de telles idées, il n’y en aura pas dans un avenir prévisible. Enfin et surtout, les cycles économiques des pays de la zone euro ne sont pas coordonnés. C’est-à-dire que lorsqu’une économie (l’Allemagne par exemple) se bat contre l’inflation, une autre (la France par exemple) pourrait être en train de lutter contre une croissance stagnante. Non seulement ces deux économies ont des problèmes différents et nécessitent des solutions différentes, mais les solutions implémentées par l’une est nuisible à l’autre, exacerbant ses problèmes.

*Des conditions politiques indésirables
Bien sur, tout le monde n’est pas d’accord avec les implications de la théorie des ZMO. Certains affirment que les problèmes de certaines nations ne sont qu’un sous-produit de leur propre inaptitude, gaspillage ou même paresse. Ceux-ci affirmeraient que tant que discipline budgétaire stricte est maintenue et que nous freinons l’inflation, tout ira bien et nous n’aurons pas à nous soucier de quoi que ce soit. Supposons que c’est vrai et que les allemands ne doivent leur pouvoir de croissance dans l’UE qu’aux vertus de caractère national, et si nous les imitions nous n’aurions à nous soucier de rien après avoir rejoint la Zone Euro. Cela voudrait tout de même dire qu’à la venue d’une autre crise financière nous devrions, tout comme le reste des nations économes que sont les nations nordiques, participer à payer les dettes de ces sudistes négligents. Le seul problème est alors que les nations nordiques tendent à posséder les banques vis-à-vis desquelles le Sud est endetté, donc elles se payent elles-mêmes et ont donc peu de motivation à changer cette situation pathologique.

Les politiciens de la Zone Euro ne sont pas inconscients de ces pièges. De plus en plus d’entre eux font part de leurs critiques, notamment autour du fait que les politiques d’austérité, forcées à des pays comme la Grèce, font plus de mal que de bien et exacerbent en fait les déséquilibres économiques entre le Nord et le Sud. Ils soutiennent l’idée que des transferts fiscaux entre les États de la Zone Euro avec des économies fortes et ceux faisant face à de sérieux problèmes aideraient à stabiliser la situation. Le feront-ils ? Nous pourrions avoir à attendre un certain temps pour le savoir. L’Allemagne à le plus à dire en la matière de réforme de la zone euro et est notablement sceptique à des transferts fiscaux. Les politiciens allemands seraient en difficulté au moment d’expliquer cette nouvelle direction à leurs électeurs qui sont encore convaincus qu’ils ne devraient pas subventionner les sudistes « moins industrieux et frugaux ». Si les dernières élections de Bundestag doivent-être une indication, l’euroscepticisme n’est pas prêt perdre son emprise sur le Rhin de sitôt.

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