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La voiture électrique, presque parfaite ?
Jean-Pierre Corniou
Partenaire du cabinet de conseil Sia PartnersSi l’électricité a su tout au long du XXe siècle remplacer les combustibles fossiles dans la plupart des usages domestiques, comme dans les transports ferroviaire et l’industrie, c’est que sa souplesse et sa discrétion à l’usage présentent des avantages majeurs. Seule l’automobile a résisté à cette expansion constante de l’électricité car le pétrole a su, sur le long terme, exploiter ses avantages : compacité, puissance, stockage à bord, autonomie et disponibilité.
Néanmoins les avantages de l’électricité sont, là comme ailleurs, patents.
La solution tout-électrique est séduisante car elle résout beaucoup de problèmes et réduit l’empreinte environnementale de l’automobile sur la plupart des composants. La simplification des véhicules est draconienne car il n’y a plus de combustion d’hydrocarbures dans le véhicule supprimant toutes les contraintes techniques et d’architecture que cela implique car la gestion de la combustion et des émissions se révèle de plus en plus complexe et coûteuse, et malgré tout largement inefficace.
Véhicule plus léger, vif à conduire, car disposant immédiatement de toute la puissance, totalement silencieux, sans émission à l’usage, avec un « plein électrique » de quelques euros, permettant des innovations de structure et de carrosserie, la voiture électrique est attractive à l’usage et offre un nouvel art de conduire.
La spécificité du véhicule électrique va au-delà de l’aspect énergétique : c’est la totalité de chaine de valeur automobile qui est rationalisée. La simplification du véhicule et l’allégement considérable de la mécanique, limitée à la base roulante, renforcent la liberté de conception, et le choix des matériaux. L’électronique embarquée facilite les échanges entre le véhicule électrique et son environnement, répondant aux nouveaux besoins comme la mobilité partagée et l’insertion urbaine en autonomie. Le véhicule électrique a un impact sur l’environnement infiniment plus faible que son homologue thermique.
Ce plaisir serait total s’il n’y avait pas une sérieuse limitation. L’électricité se stocke mal ! Et pour avoir une autonomie suffisante, il faut installer à bord un pack de batteries lourdes et coûteuses qui doublent le prix des véhicules d’entrée de gamme et surtout, aujourd’hui, ne procurent qu’une modeste autonomie réelle de l’ordre de 250 km et annoncée supérieure à 400 km. De plus la production d’électricité n’est pas sans problème, qu’elle soit nucléaire, ou thermique. Seul les énergies renouvelables apportent une solution satisfaisante. Pour être totalement vertueuse, la voiture électrique doit s’appuyer sur une production d’énergie électrique innovante. Dès lors, elle représentera la solution optimale pour apporter une dimension individuelle à un système de transports global efficient et frugal.
La voiture électrique, calamité environnementale
Contrairement à ce que l’on croit généralement, la voiture électrique est aussi nuisible que la voiture thermique (essence ou diesel), qu’il ne s’agit d’ailleurs pas de réhabiliter : l’une comme l’autre sont des calamités environnementales.
Notons d’abord que la fabrication des batteries d’une voiture électrique émet en CO2 l’équivalent de 50 000 à 100 000 km parcourus en voiture essence (*) : il faut 10 à 15 ans avant que la voiture électrique commence à devenir moins émettrice, or peu de gens gardent une voiture aussi longtemps. Pire : tout ce CO2 étant envoyé dans l’atmosphère avant même que la voiture électrique n’ait parcouru le moindre mètre, il fait son effet (de serre) de façon encore plus active.
Par ailleurs, près de la moitié des particules fines émises par une voiture provient des plaquettes de frein, des pneus, et du goudron (**) : bien que non dotée d’un pot d’échappement, la voiture électrique est donc, elle aussi, coupable d’émettre ces particules si nocives pour la santé.
De plus, les batteries des voitures électriques contiennent de grandes quantités de lithium et de graphite et deux documentaires (***) ont montré que l’extraction et la préparation de ces matières est cause de déplacements de populations (des indiens du Chili et de Bolivie ont le malheur de vivre sur les plus grands gisements mondiaux de lithium), de graves pollutions, et d’exploitation dans des conditions dignes de Germinal, en particulier en Chine.
Notons enfin que, en France, les batteries des voitures électriques sont rechargées par une électricité qui est majoritairement nucléaire – ce qui n’a rien d’écolo ! – et, en hiver, assez fortement émettrice de co2.
La voiture électrique n’est donc pas plus « propre » que la voiture thermique et, de fait, les subventions publiques insensées dont elle fait l’objet sont totalement injustifiées. Elles sont aussi profondément injustes socialement : ce sont quasi exclusivement des gens aisés qui achètent des voitures électriques.
Ces dernières permettent donc principalement à des urbains occidentaux privilégiés de prétendre rouler « écolo » tout en polluant autant qu’avec une voiture thermique… mais en toute bonne conscience !
La moindre des choses est de reconnaître que l’on pollue lorsqu’on roule en voiture (électrique ou thermique), et de privilégier des déplacements propres ou collectifs chaque fois que possible.
(*) AFP, 4 décembre 2013 : http://bit.ly/2rjQxGd
(**) Science et Vie, 23 janvier 2015 : http://bit.ly/2ssJ8bb
(***) France5 : http://bit.ly/1RnzpJT et France2 (Envoyé spécial) : http://bit.ly/1uuzdOI.