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Le droit de vote pour tous les résidents étrangers ?

📋  Le contexte  📋

En France, le vote est lié à la nationalité et non au pays de résidence. Les étrangers résidant sur le territoire national ne votent pas, tandis que les Français établis à l’étranger peuvent, à certaines conditions, voter (ils disposent de représentants au Sénat, et, depuis 2008, à l’Assemblée nationale).

Toutefois, depuis le traité de Maastricht de 1992, la France, comme les autres États de l’Union européenne, autorise les étrangers ressortissants de pays membres de l’Union européenne à voter aux élections municipales et européennes. Le traité a été appliqué en France à partir des élections municipales de 2001. Les étrangers ne sont cependant pas éligibles comme maires ou adjoints, car ce serait leur permettre de participer à la désignation des sénateurs, donc d’une instance dépositaire de la souveraineté nationale.

12 pays de l’Union européenne ont décidé d’accorder un droit de vote, parfois d’éligibilité, aux étrangers non ressortissants de l’UE pour les élections municipales, voire générales ou régionales, à partir d’une certaine durée de séjour sur leur sol. 4 d’entre eux donnent le droit de vote aux ressortissants de pays sous condition de réciprocité.

Depuis 1963, l’Irlande autorise tous les résidents étrangers à voter et à se présenter aux élections municipales, sans durée minimale de résidence, dans les mêmes conditions que les nationaux.

La Suède, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, la Belgique, l’Estonie, la Slovénie, la Lituanie, la Hongrie et la Slovaquie ont octroyé le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis plusieurs années, entre deux et cinq ans selon les pays. Le Danemark accorde le droit de vote et d’éligibilité aux régionales et la Suède à l’équivalent de l’élection des conseils généraux, ainsi qu’aux référendums nationaux.

L’Espagne et le Portugal accordent le droit de vote aux ressortissants de certains pays, en particulier leurs anciennes colonies, sous réserve de réciprocité et de durée de résidence. La République tchèque et Malte se sont octroyés la possibilité de conclure des accords bilatéraux pour y autoriser certains ressortissants, ce qui n’a pas encore eu lieu.

Les étrangers disposant du droit de vote sont éligibles aux conseils municipaux du Danemark, d’Espagne, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal et de Suède sous certaines conditions.

Enfin, 11 pays s’opposent au droit de vote des étrangers hors Union européenne. Il s’agit de l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la France, la Bulgarie, la Croatie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie, la Grèce et Chypre.

 

Source : Toute l’Europe

Ce lien entre droit de vote et nationalité est parfois contestée. Certains mettent en avant le fait que les étrangers résidant sur le territoire paient des impôts, sont usagers du service public et participent de fait à la vie de la cité. Certaines personnalités politiques se sont prononcés pour le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers (François Hollande lors de la campagne pour l’élection présidentielle en 2012, comme François Mitterrand avant lui en 1981), ou s’y étaient déclarés favorables (Nicolas Sarkozy au début des années 2000), sans que cela soit suivi d’effet.

C’est à nouveau le cas en 2022. En effet, plusieurs candidats à l’élection présidentielle on prévu cette mesure dans leur programme.

« Nous voulons que tou.te.s ceux et celles qui résident régulièrement dans notre pays puissent participer aux décisions qui engagent l’avenir des territoires dans lesquels ils et elles vivent. Les étranger.es en situation régulière pourront ainsi participer aux élections locales » peut-on lire dans le programme de Yannick Jadot. On retrouve également cette mesure dans les programmes de Jean-Luc Mélenchon, d’Anne Hidalgo et de Fabien Roussel.

La candidate de Lutte ouvrière va un peu plus loin. En effet, Nathalie Arthaud souhaite que tous les étrangers résidant sur le territoire puissent voter « pour toutes les élections ». Enfin, Philippe Poutou indique dans son programme vouloir élargir le droit de vote à tous les étrangers, sans préciser si cela se limiterait aux élections locales ou non.

 

 

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Le « Pour »
Laurence Dumont
Députée du Calvados
La France, patrie de la déclaration des droits de l’homme, se doit d’ajouter ce droit à la citoyenneté

Peu de français le savent, sans doute, mais la question du droit de vote aux élections locales pour les étrangers résidant dans notre pays est déjà en partie tranchée. Depuis 30 ans, ceux originaires de pays membres de l’Union européenne bénéficient non seulement du droit de vote aux élections locales, mais également du droit d’éligibilité. Une avancée majeure sur le plan de la citoyenneté bien sûr mais qui, à mon sens, ne va pas encore assez loin puisque soumis à l’exigence de réciprocité de ces droits entre pays.

L’ouverture à la vie politique locale et à la possibilité de s’enraciner dans un pays doit s’inscrire dans une démarche universelle, sans tenir compte du pays d’origine d’un individu, ni de la notion de réciprocité. Ceci n’est pas une utopie. Bien au contraire, sur le continent européen, des pays très en avance sur cette question, comme le Luxembourg, la Belgique, la Lituanie, la Slovénie, la Suède, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, ont déjà étendu ce droit, dans des modalités diverses, à tous les résidents étrangers.

Notre devise républicaine ne peut souffrir d’un droit à minima et à géométrie variable

Le triptyque sur lequel repose notre République « Liberté, Egalité, Fraternité » constitue un socle solide qui doit permettre de s’engager, comme ces pays, sur le chemin du droit de vote pour tous les étrangers aux élections locales. Notre devise républicaine ne peut souffrir d’un droit a minima et à géométrie variable en fonction de l’origine géographique d’un individu.

Dès lors que l’on respecte les lois de la République, que la spécificité de son caractère laïque est reconnue, il n’existe aucune raison pour qu’une personne travaillant dans une communauté, payant ses impôts et cotisant aux systèmes de protection sociale et de santé ne soit pas un membre à part entière de cette communauté. Lui donner le droit de vote aux élections locales, c’est lui donner un outil puissant pour se sentir intégré à cette communauté.

Il en va de la cohésion de notre société

Alors que la tentation du repli communautariste grandit et que celle du nationalisme est de plus en plus prégnante, il faut que notre vieille démocratie envoie un signe fort aux étrangers qui résident dans notre pays. Il ne doit pas perdurer en France un statut de citoyen de « seconde zone ».

Il en va de la cohésion de notre société où le droit à l’expression publique doit être aussi reconnu que le droit à l’éducation ou à la santé. Il faut continuer à faire entendre cette voix ; parce qu’elle permettra aux étrangers d’adhérer à l’ensemble des valeurs de la société au sein de laquelle ils évoluent.

C’est bien de cette adhésion à ses valeurs, aux principes qui régissent notre pays, avec ses droits et ses devoirs que peut naître le sentiment d’appartenance à une même nation.
Alors, prenons nos responsabilités, dépassons le stade de la discussion engagée depuis trop longtemps, ayons le courage de dire que le vote des étrangers aux élections locales est aussi une chance pour notre pays.

La France, patrie de la déclaration des droits de l’homme, se doit d’ajouter ce droit à la citoyenneté.

Le « Contre »
Nicolas Bay
Député européen
Accorder le droit de vote aux étrangers reviendrait à défaire la nation française

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens… »

C’est par ces mots que s’ouvre l’article premier de notre constitution. Dans « égalité devant la loi de tous les citoyens » est contenue la réponse à la question du droit de vote des étrangers. Car de ces mots, deux grands principes découlent.

Tout d’abord, évidemment, l’égalité devant la loi. Les Français, tous les Français, ont le droit inaliénable de voter dans les scrutins qui les concernent, et ceux-ci ne peuvent être que locaux ou nationaux. Même l’élection européenne est un scrutin national : les élus, dont je fais partie, sont des « députés français au Parlement européen ». À Strasbourg, ils sont détenteurs d’un mandat national confié par le peuple français. C’est donc bien, même au sein de la construction européenne et d’un ensemble civilisationnel commun, la nation qui reste la forme indépassable de l’expression démocratique et politique.

Deuxièmement, et conséquemment, ce sont les « citoyens » qui votent. Ce sont les Français, et uniquement les Français, qui disposent de ce droit. Car l’on est forcément citoyen d’un pays, d’une nation particulière. Et c’est justement le cadre légal d’une part, devant lequel les compatriotes qui sont aussi des concitoyens sont égaux, et le cadre constitutionnel d’autre part, c’est-à-dire celui de la loi fondamentale de notre État, qui ensemble déterminent, en France, la citoyenneté.

Il est à la fois naturel et évident que c’est aux Français, à eux seuls, de décider pour eux-mêmes

Plus généralement, le citoyen est étymologiquement celui qui appartient à la Cité, à la Polis au sens grec. Nous savons depuis Aristote que l’homme est un animal politique (« zôon politikon »), un être vivant qui ne peut exister de façon accomplie qu’à travers son appartenance à une société. La première de ces sociétés, la plus immédiate, est la famille nucléaire et, à travers elle, la lignée ; la dernière de ces sociétés, la plus vaste, est la nation conçue comme une « famille de familles ». 

Le mot même de nation véhicule cette idée de grande famille puisque le mot vient du latin natio, « né de ». C’est en tant que membre d’une Polis, d’une nation, d’une grande famille, que l’on est fondé à participer au débat politique qui la concerne. Notre Cité est la nation française. Cette nation est une expression humaine, un ensemble socio-culturel organique consubstantiel à la France. 

Accorder le droit de vote aux étrangers reviendrait à défaire la nation française

La France est le pays dans lequel vit le peuple français, qu’il a bâti à son image sur le temps long, une sédimentation politique et culturelle à travers des régimes successifs. La République française est le cadre institutionnel dans lequel les Français s’expriment démocratiquement, se prononcent sur les grands et les petits enjeux qui les concernent, qui engagent l’avenir de leurs familles, de leurs villes, de leurs départements, de leurs régions et de leur pays. Il est à la fois naturel et évident que c’est aux Français, à eux seuls, de décider pour eux-mêmes.

Accorder le droit de vote aux étrangers reviendrait à défaire la nation française, à diluer l’appartenance à cette nation et l’importance de la citoyenneté. Ce n’est qu’entre ressortissants d’un même État, entre pairs, en membres égaux d’une communauté nationale « indivisible » que peut s’exprimer le débat démocratique. C’est l’essence même de la citoyenneté. 

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