Les crypto-monnaies sont-elles les devises du futur ?

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

Le Bitcoin, le Dogecoin, l’Ethereum…on entend de plus en plus parler de crypto-monnaies comme un investissement dans le futur. Mais comment fonctionnent-elles et pourquoi un tel engouement ? On décrypte.

C’est quoi la cryptomonnaie ?

Les crypto-monnaies sont des monnaies virtuelles et décentralisées. Virtuelles car, contrairement aux devises classiques comme le dollar ou l’euro, elles sont entièrement dématérialisées. Il n’existe ni pièces, ni billets et on ne peut pas payer en crypto-monnaie par chèque ou carte bleue. Si vous possédez des Bitcoins, leur existence se résume à une ligne de code sur ordinateur. 

Elles sont décentralisées car contrairement aux devises traditionnelles, il n’existe pas d’organisation centrale qui contrôle son cours ou la validité des transactions. C’est d’ailleurs la genèse des crypto-monnaies. Le Bitcoin, la première crypto-monnaie du marché, a été créée afin de supprimer les intermédiaires lors des échanges et de s’émanciper des institutions bancaires. Les transactions se font donc par un système de paiement de pair-à-pair (ou peer-to-peer), c’est-à-dire qu’elles transitent directement en réseau, d’un ordinateur à un autre, sans passer par un organe central de contrôle. 

En effet, lorsque A transfère 10€ à B, la transaction est contrôlée et validée par la banque d’A, celle de B et par la Banque centrale (dans le cas de l’euro, la Banque Centrale Européenne). Lors d’une transaction en crypto-monnaie, le principe est différent. L’idée est que les transactions ne sont plus validées par un intermédiaire unique et central mais par une multitude d’individus en réseau. C’est le principe de la blockchain.

C’est quoi la blockchain ?

On peut comparer la blockchain à un grand livre de comptes dans lequel sont répertoriées toutes les transactions effectuées avec une crypto-monnaie depuis sa création. Chaque ligne du livre représente une transaction effectuée avec la crypto-monnaie en question et chaque crypto-monnaie possède sa propre blockchain, soit son propre livre de compte. 

Ce grand livre de compte a des règles et un fonctionnement bien spécifiques. Ainsi, la blockchain repose sur deux grands piliers : la transparence et la sécurité.

Le principe de transparence de la blockchain

L’une des caractéristiques d’une blockchain est qu’elle est transparente. Tout le monde peut consulter l’intégralité des échanges de la blockchain et y inscrire ses propres transactions très simplement, à la seule condition d’en être membre. Être membre de la blockchain est donc impératif si l’on souhaite effectuer des échanges avec la crypto-monnaie concernée. Malgré le critère de transparence, chaque membre est anonyme et associé à un numéro, par souci de respect de la vie privée. 

L’importance du principe sécuritaire de la blockchain

C’est ici que les choses se corsent. La blockchain est hautement sécurisée, ce qui peut paraître contre-intuitif étant donné que toutes les transactions sont virtuelles. En effet, comment empêcher le piratage ou les fraudes et autres doubles dépenses ? 

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Une double dépense est un acte frauduleux qui consiste à falsifier de la monnaie numérique en la dupliquant ou la créant de toute pièce. Imaginons que A doit 10€ à B et 10€ à C. Si A paye B en liquide, il lui donne un billet de 10€. Il ne peut donc pas payer C avec ce même billet étant donné que, matériellement, il ne le possède plus. De la même manière, si, originellement, A ne possédait pas les 10€, il ne peut pas prétendre les avoir pour les donner à B puisqu’il ne les possède pas. Une double dépense est donc impossible lors d’un échange en monnaie fiduciaire (la monnaie matérielle, c’est-à-dire les pièces et les billets). 

Mais le problème est tout autre avec des échanges numériques, lorsque vous payez par carte bleue ou par crypto-monnaie par exemple. Etant donné que tout est virtuel, si A doit 10€ à B mais qu’il ne les possède pas, il peut quand même prétendre les avoir pour les donner à B puisque rien n’est matériellement vérifiable. En effet, numériquement, une transaction correspond simplement à l’écriture d’une ligne de code. C’est pour cela que lorsque vous effectuez un virement, la transaction passe par votre banque qui vérifie que vous possédez bien l’argent à virer avant de valider la transaction. Cependant, dans un échange en crypto-monnaie, la transaction ne passe pas par l’intermédiaire d’une banque. Les développeurs de crypto-monnaies ont donc dû trouver un autre moyen de validation des transactions pour empêcher les fraudes. 

C’est là que le principe de la blockchain est révolutionnaire. Revenons à notre métaphore du livre de compte. Du fait du principe de transparence, tout le monde peut inscrire ses transactions dans le livre de compte et tout le monde a accès aux transactions des autres. Mais cela signifie également qu’il est impossible de falsifier ou d’effacer une ligne du livre de compte. Premièrement parce qu’une fois qu’une transaction y est inscrite, le processus est irréversible. Deuxièmement, car chaque ligne inscrite dans le livre de compte doit être en accord avec les lignes précédentes pour être validée. 

En effet, une blockchain est composée de blocs, comparables aux pages d’un livre de compte. Dans chaque bloc est inscrit un certain nombre de transactions effectuées au moyen de la crypto-monnaie concernée. Chaque bloc est lié à la blockchain, c’est-à-dire aux autres blocs la composant. Cela signifie qu’il est impossible de falsifier un bloc sans invalider les blocs précédents, et par conséquent, l’intégralité de la blockchain. 

Pourquoi la vérification des transactions est-elle si sûre ?

Prenons l’exemple du Bitcoin. Afin que chaque bloc de transaction soit validé, ils doivent d’abord être vérifiés, afin d’empêcher les doubles dépenses et les fraudes. Toutefois, cette vérification n’est pas effectuée par les banques, mais directement par des membres de la blockchain qui se sont portés volontaires pour cette tâche. Ces membres volontaires sont appelés des mineurs. Chaque bloc de transactions en Bitcoin est ainsi miné, c’est-à-dire vérifié puis validé par les mineurs. En échange, à chaque bloc qu’un mineur valide, il gagne un certain montant de Bitcoins. 

La grosse différence avec les transactions en devises classiques réside ainsi dans le fait que n’importe qui peut se porter volontaire pour être mineur. Avec la technologie de la blockchain, l’intermédiaire des banques est ainsi remplacé par qui veut, à condition de posséder un ordinateur et une carte graphique assez puissants.

Lorsqu’un bloc est miné, il est lié à la blockchain et connecté au bloc suivant (un peu comme une chaîne) ce qui le rend indestructible. De plus, l’interdépendance des blocs les rend infalsifiables.

Par ailleurs, la blockchain se complexifie et se construit très rapidement. Tenter de hacker un bloc de la blockchain reviendrait d’une part à invalider et donc à devoir reconstruire tous les blocs précédents, alors même que la chaîne continuerait de se construire en même temps, chaque bloc étant, comme nous l’avons dit, connecté au suivant. Cela serait donc très probablement une course perdue d’avance. Par ailleurs, la quantité d’énergie nécessaire pour une opération pareille serait telle qu’elle rend le processus très improbable voire impossible.

Comment fonctionne le processus de minage du Bitcoin ? 

Pour miner un bloc de transaction en Bitcoins, le mineur doit fournir une preuve de travail, ou proof of work (poW). Cette preuve de travail repose sur la résolution de problèmes et de calculs cryptographiques hyper complexes et compétitifs. En fait, c’est comparable à un concours de résolution de Rubik’s Cube. Tous les mineurs doivent résoudre le même Rubik’s Cube et dès que l’un d’entre eux y parvient, le Rubik’s Cube change. Le premier mineur à avoir résolu le Rubik’s Cube remporte quant à lui un prix, dans le cas présent, des bitcoins nouvellement créés.

Autre caractéristique, le minage est le seul moyen de créer des bitcoins. Or, à la création du bitcoin en 2009, il a été stipulé qu’il ne pourrait jamais être créé plus de 21 millions de bitcoins. Le but est de créer une rareté intrinsèque au Bitcoin afin de faire augmenter sa valeur, au même titre qu’un métal précieux. Par exemple, il n’existe sur Terre qu’une certaine quantité d’or. Sa rareté le rend précieux et donc cher. Pour le Bitcoin, c’est la même chose. Son nombre limité garantit sa valeur.

Selon les règles fixées à la création du Bitcoin, le montant reçu par un mineur lorsqu’il mine un bloc, et donc le nombre de bitcoins créé à chaque minage, diminue au fil du temps. Il s’agit du halving. Ainsi, tous les 4 ans, la valeur est divisée par 2. En 2009, miner un bloc valait 50 bitcoins, en 2013 cela en valait 25, en 2017, 12,5, etc.  

Pourtant, du fait de sa rareté et d’une intense spéculation sur le Bitcoin, la valeur d’un bitcoin a explosé ces dernières années. Ainsi, si en 2009 un bitcoin valait 0,001 dollar américain, il valait à la mi-avril plus de 60 000 dollars. Par conséquent, aujourd’hui, le minage vaut moins de bitcoins qu’auparavant mais un bitcoin vaut beaucoup plus en devises classiques et se revend à prix d’or. 

Taux de change du Bitcoin en dollars USD de sa création à 2020.

Les difficultés inhérentes au minage

Aujourd’hui, les calculs à résoudre pour miner un bloc sont devenus si complexes du fait de l’essor des crypto-monnaies qu’il est devenu quasiment impossible pour un particulier de miner de la crypto-monnaie. En effet, cela nécessite des serveurs et une carte graphique extrêmement puissants et, par conséquent, très énergivores. Ainsi, le minage du Bitcoin n’est plus du tout une activité rentable pour les particuliers.

A titre d’exemple, en 2016, il a été estimé que si Google engageait tous ses serveurs dans la course au minage du Bitcoin, ils ne représenteraient qu’1% de la puissance totale du réseau. On vous laisse imaginer la quantité d’énergie que cela représente aujourd’hui. 

Face à ce problème, de nouvelles crypto-monnaies bien moins énergivores et au minage bien plus rentable se développent comme par exemple le Pi Network, qui propose aux particuliers de miner directement depuis un smartphone.

Pourquoi tant d’engouement pour les crypto-monnaies ?

Il existerait aujourd’hui environ 3000 crypto-monnaies, bien que seul un nombre restreint soit réellement connu et utilisé du grand public. On peut citer le fameux Bitcoin, Ethereum, le DogeCoin ou encore le Litecoin. 

Crypto-monnaies les plus utilisées en 2020.

Les crypto-monnaies sont considérées comme une révolution du fait de la technologie de la blockchain. Tout d’abord, le fait de pouvoir se passer de l’intermédiaire central que sont les banques mais également des sociétés de paiement (Visa, Mastercard…) constitue un avantage en termes de frais et de transparence. Par ailleurs, le système de blockchain assure une certaine liberté puisque personne ne peut contrôler vos dépenses. Pas d’appel à votre banquier pour remonter votre plafond, donc. Enfin, l’absence d’autorité centrale empêche toute manipulation de marché, par exemple lorsque la Banque Centrale décide d’imprimer de la monnaie ou à l’inverse d’en acheter pour réguler la masse monétaire. Avec le processus de minage, la création monétaire devient stable et prévisible. 

D’autre part, il est facile d’imaginer le principe de la blockchain appliqué à un champ bien plus large dans un futur plus ou moins proche. 

On assiste aujourd’hui à l’essor des NFT, ou “non-fungible token”. Un bien non-fongible est un bien qui est unique, qui ne peut être dupliqué, comme une œuvre d’art. Par exemple, la Joconde ne peut être remplacée par une réplique. En revanche, par opposition, si j’échange un billet de 5€ contre un autre, je possède in fine la même chose. La plupart des monnaies sont donc fongibles, crypto-monnaies comprises. 

Mais revenons à nos moutons. Un NFT est donc un bien numérique certifié comme étant unique, ce qui est rendu possible grâce à la technologie de la blockchain. Celle-ci garantit que le bien ne pourra être reproduit, puisque toutes les transactions concernant le NFT en question y sont inscrites de manière transparente, indestructible et infalsifiable. Il est donc très facile de tracer les transactions ayant l’œuvre pour objet à travers le temps et d’identifier son réel propriétaire. Par conséquent, on assiste aujourd’hui à la vente d’un nombre croissant d’œuvres numériques, leur authenticité étant aisément vérifiable.

En mars 2021, le premier tweet de l’Histoire a été vendu aux enchères sous forme de NFT pour un montant de 2,9 millions de dollars.

Crypto-monnaies : un désastre écologique ?

Malgré l’innovation que représente la blockchain, la crypto-monnaie est encore loin de devenir une monnaie universelle. De nombreux inconvénients lui font encore obstacle.

D’une part, les crypto-monnaies sont extrêmement polluantes. Le minage nécessite des serveurs très puissants et surtout très énergivores. En février 2021, une étude de l’université de Cambridge montrait ainsi que la consommation annuelle d’électricité pour le minage des bitcoins était similaire à celle de l’Argentine, et que la cryptomonnaie émettait autant de gaz à effet de serre que la métropole de Londres. 

L’emballement autour des crypto-monnaies est également à l’origine d’une pénurie inédite de cartes graphiques. Face à la complexification des équations à résoudre lors du minage des transactions, les mineurs se regroupent désormais en “fermes” de minage, des hangars où sont entreposées des centaines de cartes graphiques dans le seul but de miner de la crypto-monnaie. Or la fabrication des cartes graphiques est très polluante et nécessite beaucoup d’eau. De quoi s’interroger sur la compatibilité des crypto-monnaies avec les préoccupations environnementales actuelles et futures. 

Les crypto-monnaies peuvent-elles réellement remplacer les monnaies actuelles ?

Les préoccupations environnementales ne constituent pas le seul problème s’opposant à la généralisation des crypto-monnaies comme monnaie d’échange dans le monde. 

Une première difficulté réside dans la volatilité du cours des crypto-monnaies du fait de la spéculation massive des investisseurs mondiaux. Le 12 mai, un simple tweet d’Elon Musk annonçant ne plus accepter le Bitcoin comme moyen de paiement de ses véhicules en raison de son bilan carbone catastrophique, a fait plonger le marché de 12% en moins de deux heures. Bien que le milliardaire et PDG de Tesla se soit ravisé depuis, la valeur d’un bitcoin est passée de plus de 56 000 $ à 34 000 $ en 15 jours, entraînant de nombreuses autres crypto-monnaies dans sa chute. 

Parallèlement, la monnaie possède des critères qui la déterminent en tant que telle, auxquels les crypto-monnaies ne répondent pas aujourd’hui. Comme l’explique Jean-Marc Daniel, économiste et professeur à l’ESCP Business School, la monnaie a 3 fonctions. Elle sert tout d’abord d’intermédiaire des échanges. “Dans une économie monétaire, l’acquisition d’un bien se fait en échange d’une certaine quantité de monnaie, tandis que la détention de monnaie assure la possibilité d’acquérir les biens mis en vente sur le marché”, explique le professeur Daniel. Or, malgré l’élargissement des points de vente acceptant les crypto-monnaies en France, payer votre baguette en Bitcoin n’est pas encore possible. 

La monnaie sert également d’unité de compte, c’est-à-dire qu’elle permet d’associer un prix relativement fixe à chaque bien. Face à l’instabilité du cours des crypto-monnaies, il est difficile d’imaginer les crypto-monnaies remplir ce critère. Enfin, la monnaie doit servir de réserve de valeur. C’est-à-dire que si vous possédez un billet de 20€ et que vous le conservez, un an, cinq ans ou dix ans plus tard, vous posséderez toujours 20€. Cela signifie qu’une monnaie doit permettre l’épargne. Là encore, les crypto-monnaies présentent des limites du fait de la volatilité de leur cours. De plus, elles n’ont cours légal dans aucun pays, vous devrez donc nécessairement les convertir. Or, à titre d’exemple, si vous aviez décidé d’épargner un Bitcoin le 10 mai dernier, vous possédiez l’équivalent de 46 700€, mais aujourd’hui, sans y avoir touché, vous ne possédez plus “que” 29 200€. Eh oui, c’est légèrement problématique. 

En conclusion ?

Le futur des crypto-monnaies reste imprévisible. Si cela représente une percée technologique importante, ses travers demeurent conséquents et constituent un frein à son développement. Par ailleurs, alors qu’elles sont le fruit d’une dangereuse spéculation, les crypto-monnaies, originellement créées pour échapper au système, semblent désormais être devenues un rouage même dudit système. 

Sources : La finance pour tous, BFM Bourse, Blockchain France, Capital.com, Investing.com, Zonebourse.com, Les Echos, Ouest-France, Le Monde, Alternatives Economiques, Reporterre, Boursier.com, Café de la Bourse, Science & Vie, Le Figaro, Bitcoin.com, Journal du Net, BBC, University of Cambridge, Heu?reka.

 

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