Les élections législatives allemandes : Comment ça marche ?

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

Dimanche 26 septembre, plus de 46 millions d’Allemands se sont exprimés pour les élections législatives sur les 60 millions inscrits, mettant fin aux 16 ans de mandat de Chancelière d’Angela Merkel. À ce jeu de succession, c’est Olaf Scholz, leader social-démocrate du SPD, qui arrive en tête avec 25,7 % des suffrages [1]. Pourtant, il n’est pas encore chancelier et, sans une coalition, il pourrait bien être dépassé par son dauphin, le démocrate-chrétien Armin Laschet. Retour sur le système électoral Allemand bien particulier.

Comment élire un député en Allemagne ?

Tous les 4 ans, les Allemands et Allemandes sont invités à s’exprimer pour renouveler le Bundestag, équivalent de l’Assemblée nationale. Si on parle parfois d’élections fédérales, il s’agit bien d’une élection législative. Le Bundestag, littéralement « diète fédérale », est la chambre basse du parlement d’Allemagne. Son but est de représenter le peuple, à l’inverse du Bundesrat, la chambre haute du parlement, qui représente les 16 Länder.

Le Bundestag est composé d’au minimum 598 députés mais tous ne sont pas élus de la même façon. 299 députés sont élus via un scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 299 autres le sont par un scrutin de liste par partis et par un scrutin proportionnel. Pour illustrer ce système mixte, le bulletin de vote d’une élection législative allemande est composé en deux parties. Un électeur possède en réalité deux voix pour deux votes. La première est dédiée au candidat de sa circonscription, celui ou celle avec le plus de voix est assuré d’avoir un siège au Bundestag. Le deuxième vote concerne les partis politiques par un calcul à la proportionnelle.

Bulletin de vote allemand, séparé en deux.

Avec ce système, chaque circonscription est sûre d’être représentée. En revanche, pour un parti, il faut atteindre la barre du 5 % des voix pour obtenir un ou plusieurs sièges au Bundestag. Cette deuxième voix sert aussi à permettre à des plus petits partis d’avoir des sièges. En effet, pour les circonscriptions, les électeurs ont tendance à voter pour des candidats des historiques SPD ou CDU.

Equilibre et Mandats surnuméraires

Mais ce n’est pas si simple. Une fois les résultats des deux votes obtenus, il s’agit d’équilibrer le différentiel. Si le nombre de députés élus par la proportionnelle est plus élevé que par la circonscription, des sièges sont accordés à ce surplus. Par exemple, si un parti obtient 70 sièges à la proportionnelle et que 50 députés du même parti ont déjà été élus par la circonscription, 20 sièges sont accordés aux représentants au Bundestag.

Mais, en plus des 598 députés initiaux, il peut y avoir des sièges supplémentaires dans le cas où un parti possède plus de députés élus par la circonscription que par ce qu’il devrait avoir compte tenu de la proportionnelle. Par exemple, si un parti obtient 50 sièges à la proportionnelle et que 55 députés du même parti ont déjà été élus par la circonscription, le parti obtient 5 sièges supplémentaires. Ce qui augmente le nombre de députés à la chambre. Cet excédent est qualifié de « mandat surnuméraire ».

Elections allemandes : comment ça marche ? • Figaro Live

Pour Slate, la journaliste Annabelle Georgen, rappelle que depuis 2013 le système a été revu pour éviter les injustices de ce mode de scrutin [2]. . Les partis mastodontes et historiques, comme la CDU ou la SPD, étant favorisés au détriment des plus modestes. La modification du système électoral introduit un nouveau mode de compensation, qui ne se fait plus au niveau des Länder mais au niveau national. Si la réforme permet une meilleure représentation des partis, et donc des votants, elle a pour conséquence de faire gonfler le nombre de sièges. En 2017, la chambre basse du parlement comptait 709 députés soit 111 sièges supplémentaires. Une situation qui complique la possibilité d’une majorité absolue pour un parti, et qui oblige la formation d’une coalition pour élire un Chancelier.

Quels sont les résultats de l’élection législative de 2021 ?

Un temps annoncés incertains, les résultats sont maintenant bien clairs. Pour la première fois depuis 2005, le parti social-démocrate du SPD arrive en tête des urnes avec 25,7 % des suffrages. Juste derrière, l’alliance démocrate-chrétienne de la CDU et sa filiale bavaroise, la CSU, accueille 24,1% des voix, le plus mauvais résultat de son histoire. Pendant toute la campagne, les partis se sont livrés une guerre d’image, chaque candidat cherchait à se construire comme héritier de Merkel.

Successeur de la Chancelière historique à la tête du parti démocrate-chrétien avec un profil modéré, Armin Laschet avait tout pour incarner ce rôle du changement dans la continuité [3]. Mais c’est bien Olaf Scholz, actuel Vice-chancelier d’Allemagne et tête de liste du PSD, qui remporte la bataille. Sur l’aile droite de son parti, il n’avait pas hésité à faire campagne, non sans humour, sur sa ressemblance avec Merkel. Une de ses affiches titrait Er kann Kanzlerin, littéralement « il peut aussi être chancelière » [4].

Palais du Reichstag, à Berlin, qui abrite le Bundestag.

Derrière le duo SPD-CDU, les Verts arrivent en troisième position avec 14,8 % des voix. Le parti libéral du FDP atteint 11,5 % des suffrages. Aux extrémités du spectre politique allemand, le parti nationalisme de l’AfD ferme la marche des élus par liste avec 10,35 %, Die Linke, à l’extrême gauche, n’est pas assuré d’être représenté au Bundestag avec 4,9 % des voix. Le seuil de la représentativité étant fixé à 5 %. Le parti doit alors se contenter des 3 députés élus par le premier scrutin, celui des circonscriptions.

Sans surprises, c’est encore le duo SPD-CDU (en alliance avec la CSU) qui remportent le plus de sièges via le vote par circonscription (respectivement 121 et 143). Mais la tendance est clairement à la baisse pour ce dernier. Les partis-frères de l’Union Chrétienne ont perdu 50 sièges, ramenant leur total à 196. Le SPD, lui, devient le plus grand groupe parlementaire du nouveau Bundestag avec 206 sièges (en hausse de 53 par rapport à 2017 [5]). Les Verts avec 118 sièges (+ 51) et le SPD avec 92 (+12) sortent grandi de l’élection. De l’autre côté les 83 sièges de l’ AfD (- 11) et les 39 de Die Linke (- 30) seront sûrement insuffisants pour s’installer dans le gouvernement.

À noter, pour la première fois au Bundestag, la présence d’un siège pour la Fédération des électeurs du Schleswig du Sud (SSW), le parti de la minorité danoise en Allemagne. Cette minorité, qui représente entre 50 000 et 100 000 personnes, prend majoritairement place dans le Schleswig-Holstein, un Land tout au Nord de l’Allemagne et qui a été annexé par la Prusse en 1867 [6]. Le parti du SSW, fondé en 1948 et historiquement proche du SPD, se dote pour mission de représenter politiquement la minorité danoise allemande [7].

Une culture de la coalition

Ces deux partis sont ceux qui ont attiré le plus les votes des jeunes. Troisième et quatrième formation politique d’Allemagne, les Verts et le SPD sont les nouveaux « faiseurs de chancelier ». Compte tenu des résultats, le SPD et la CDU devront négocier avec les deux partis pour espérer la chancellerie. Cette coalition à trois, c’est une première depuis les années 50 [8] ! Le « ménage à 3 » risque de faire durer les discussions. En moyenne, la mise en place d’un nouveau gouvernement allemand prend quarante-trois jours [9].

Une seule fois, un parti n’a pas eu besoin de former une coalition, il s’agissait de la CDU en 1957. Pour Thomas Legrand, ce système politique atténue la teneur des débats politiques. Au micro de France Inter, ce dernier attribue à l’Allemagne une « culture du compromis » là où la France aurait « une culture de l’affrontement » [10]. Ce principe explique, entre autres, la longévité et la popularité d’Angela Merkel, la chancelière du compromis.

Des formes de coalitions, il y en a des dizaines. À part la « Grande coalition » qui rassemble les deux principales forces politiques du pays, la SPD et la CDU, leurs noms font référence aux couleurs du parti. Il existe, entre autre, la « coalition en feu tricolore » qui rassemble le SPD (rouge), le parti libéral du FDP (jaune) et les Verts (ai-je besoin de préciser ?). La coalition jamaïcaine, du nom du drapeau du pays, associe le groupe commun de la CDU/CSU (noir), des Verts et du FDP. La « coalition kényane », ou noire-rouge-verte, est composée des démocrates-chrétiens, des sociaux-démocrates et des Verts [11] .

« Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il est désormais logique de continuer à discuter avec le SPD et le FDP, avec une recherche plus approfondie d’un terrain d’entente »

Annalena Baerbock, coprésidente du parti Allemand die Grünen (Les Verts) – 6 octobre 2021.

Selon toute vraisemblance, on peut s’attendre à une coalition SPD-Verts-FDP – ou celle du « feu tricolore » – mais rien n’indique dans la constitution que la coalition est réservée au chef du parti arrivé en tête au soir du scrutin. Dans les faits, Armin Laschet, président la CDU, est bien mal embarqué pour mener à bien et est de plus en plus discuté au sein de son parti [12]. D’autant que le trio SPD-Verts-FDP a annoncé, vendredi 15 octobre, un accord préliminaire pour former un gouvernement sous la figure d’Olaf Scholz [13]. Si des points majeurs sont encore à définir, un vent nouveau souffle sur l’Allemagne. La nouvelle présidente du Bundestag, Bärbel Bas (SPD), jusqu’à lors inconnue du grand public, en est l’exemple [14]. En attendant, Angela Merkel est toujours aux commandes. Mais pour combien de temps ?

Sources :

 

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