illu enfant végé

Les enfants peuvent-ils être végétariens?

📋  Le contexte  📋

Différents régimes alimentaires existent en parallèle du régime carné, où sont présents viandes, poissons et aliments d’origine animale (lait, œufs, miel…). Ce dernier est le plus fréquemment adopté dans nos sociétés occidentales, même si on note une légère baisse de la consommation de viande en France. En effet, en 2020 la consommation par habitant était d’environ 84kg par an contre 86kg en 2019. À côté de cela, le régime flexitarien tend à limiter la consommation de viande et de poisson. Le régime pesco-végétarien quant à lui se limite au poisson et exclut la viande. Le régime végétarien inclut des végétaux, des produits d’origine animale comme le lait ou les œufs mais supprime la viande et le poisson. Enfin, le régime végétalien n’intègre aucun produit d’origine animale.

Une personne végétarienne exclut donc de son alimentation la viande, le poisson, mais aussi les fruits de mer. On estime aujourd’hui que 2% de la population française a adopté ce régime alimentaire. Le GIEC a montré dans ses derniers rapports que cette manière de consommer tournée vers le végétal serait la moins nocive pour l’environnement. L’élevage de bétail est en effet responsable à lui seul de 18% des émissions de gaz à effet de serre et de 8% de la consommation mondiale d’eau. Se passer de produits d’origine animale comme la viande ou le poisson nécessite en revanche de faire un peu plus attention au contenu de son assiette pour éviter toute carence. Si de plus en plus de restaurants et commerces proposent des alternatives végétales, le débat entre carnistes et végétariens revient régulièrement dans l’actualité. Dans nos dîners de famille, chez nos politiques et même dans nos écoles.

En 2019, le gouvernement met en place la loi Egalim qui rend un menu végétarien hebdomadaire obligatoire dans les cantines scolaires. Après deux ans, les résultats montrent que 30% des élèves  trouvent cette expérience positive ou très positive. Pourtant, quand la mairie de Lyon a mis en place en 2021 une option végétarienne dans ses cantines, de nombreuses oppositions se sont fait entendre. Pour le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, cette initiative était une “insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français” et venait d’une « idéologie scandaleuse”. Si certains pensent qu’une alimentation végétale encadrée n’est pas dangereuse, d’autres trouvent cette alternative inacceptable. En effet, des chercheurs de l’université de Toronto ont publié des recherches démontrant qu’il n’existait pas de preuve de différence de croissance ou de carences entre les enfants végétariens et les autres. D’autres professionnels mettent néanmoins en doute ces résultats et alertent sur des risques potentiels pour la santé des plus jeunes.

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Les enfants peuvent-ils être végétariens?
Le « Pour »
Marie Gabrielle DOMIZI
Diététicienne. Membre du conseil scientifique de l’ONAV
Le végétarisme apporte bien plus qu’il n’enlève !

Les enfants peuvent tout à fait avoir une alimentation végétarienne et avoir une bonne croissance, la littérature scientifique qui appuie ce fait [1] est aujourd’hui abondante. On précise généralement que cela est possible à condition qu’elle soit bien menée, mais cette recommandation est valable pour tous les types d’alimentation. On stigmatise souvent les alimentations végétales pour le risque de carences qu’elles pourraient engendrer mais ce risque existe tout autant au sein de la population omnivore. Mieux, plusieurs études [2] [3] ont même montré qu’il n’existe pas de preuves formelles de carences chez les enfants végétariens quand on les compare à ceux qui mangent de la viande.

Il est logique d’inclure dans l’éducation des habitudes qui vont dans le sens d’une meilleure santé

Par ailleurs, les principaux résultats de l’étude INCA 3 montrent que les comportements alimentaires de la population française sont assez éloignés des recommandations nutritionnelles. L’étude note que parmi les leviers à actionner, une consommation quotidienne d’une variété de fruits, de légumes et de légumineuses contribue à assurer un apport adéquat en bêta-carotène, vit B9, vit C, fibres, potassium et autres vitamines et minéraux indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Cette notion a été reprise par le PNNS dont le rôle est d’améliorer l’état de santé de la population et d’instaurer un cadre préventif vis à vis d’un grand nombre de pathologies liées à l’alimentation (surpoids, obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, certains cancers, etc.).

Il y est même précisé que l’enfance et l’adolescence sont des phases de croissance et d’apprentissages intenses. Ces périodes fixent des repères qui resteront à l’âge adulte, c’est pourquoi il est logique d’inclure dans l’éducation du plus grand nombre des habitudes qui vont dans le sens d’une meilleure santé tout au long de la vie.

Une alimentation saine doit être à la fois bonne pour la santé et l’environnement

À la lumière des recommandations officielles, il est évident que nous devons encourager une alimentation plus saine, diversifiée et durable, et donc avec une part de protéines végétales plus importante. À noter qu’aujourd’hui il existe une prise de conscience concernant l’impact de notre consommation sur le dérèglement climatique (en France, un quart de nos émissions de gaz à effet de serre provient de notre alimentation). Une alimentation saine doit être à la fois bonne pour la santé et l’environnement. Aussi, l’alimentation végétarienne ne représente sans doute pas la seule solution, mais elle permet de répondre favorablement à des considérations écologiques, économiques et sociales, et cela sans ôter le plaisir de manger. Chaque individu a ses propres orientations, sa conception de la société dans laquelle il souhaite vivre et pour laquelle il souhaite œuvrer. Les personnes ayant décidé de végétaliser davantage leur alimentation ne font pas exception à la règle et ne souhaitent que partager avec leurs proches leur vécu quotidien et les avantages qu’une telle alimentation peut apporter. Finalement, le seul reproche qui peut être fait au sujet du végétarisme, c’est le vide actuel de recommandations officielles françaises alors qu’elles existent dans de nombreux pays et qui permettraient un meilleur accompagnement et une meilleure information des personnes, et cela quel que soit l’âge. Il faut améliorer les prises en charge et cela passe par l’orientation vers des spécialistes ayant accès à des informations fiables, car les carences qui pourraient survenir sont évitables.

Le « Contre »
Patrick TOUNIAN
Chef du service de nutrition pédiatrique, Hôpital Trousseau, Professeur de Pédiatrie, Sorbonne Université, Paris
Végétarisme chez l’enfant : un comportement contre-nature

Des publications médicales scientifiquement discutables, certaines recommandations institutionnelles françaises et une large pression médiatique générée par des mouvements idéologiques, promeuvent le remplacement des produits d’origine animale (viandes et/ou produits laitiers) par des végétaux. Les experts pédiatriques français recommandent au contraire la consommation quotidienne de 2 produits carnés et 3-4 produits laitiers pour respectivement assurer les importants besoins en fer et en calcium des enfants et des adolescents et dénoncent les dangers du végétarisme à cet âge.

Le végétarisme augmente considérablement les risques de carences en fer

La Société Française de Pédiatrie recommande la consommation de 2 portions carnées par jour pour assurer les importants besoins en fer chez l’enfant et l’adolescent. Il faut en effet ingérer environ 225 g par jour de produits carnés pour assurer les besoins moyens en fer à cet âge, alors que 1,6 kg d’épinards ou 2,5 kg de légumineuses par jour seraient nécessaires pour absorber la même quantité de fer. Même si certains enfants ayant probablement une absorption génétiquement accrue du fer végétal y échappent, le végétarisme augmente considérablement les risques de carences en fer avec son cortège de conséquences (anémie, diminution des performances cognitives, troubles psychologiques, hyperactivité, troubles de l’attention, susceptibilité accrue aux infections). Rappelons que la carence en fer est déjà la plus fréquente des maladies nutritionnelles pédiatriques de la planète.

Toutes les sociétés savantes pédiatriques françaises concernées recommandent la consommation de 3-4 produits laitiers par jour pour assurer les besoins en calcium chez l’enfant et l’adolescent. Comme pour le fer, les quantités de végétaux à ingérer seraient inaccessibles pour permettre des apports suffisants en calcium. Il en faudrait en effet plusieurs kilogrammes par jour chez l’adolescent. En revanche, la consommation d’environ 2 litres par jour d’eaux minérales riches en calcium (environ 500 mg/l) peut remplacer les produits laitiers. La carence en calcium durant l’enfance augmente le risque de fractures osseuses pour tout le restant de l’existence.

Ce n’est pas un hasard si les enfants ont été sélectionnés pour aimer les produits carnés et laitiers et ne pas apprécier les végétaux

Certains mettent en avant l’effet bénéfique pour la santé du végétarisme chez l’enfant, notamment dans la prévention du risque cardiovasculaire ou de cancer. Rappelons qu’aucun travail sérieux n’a montré de lien direct, indépendant du comportement alimentaire à l’âge adulte, entre la consommation de végétaux durant l’enfance et la diminution du risque cardiovasculaire ou de cancer à l’âge adulte.

Comme le précisent les sociétés savantes françaises et européennes de nutrition pédiatrique (GFHGNP et ESPGHAN), le végétarisme chez l’enfant n’apporte pas de bénéfice et demande presque toujours des compléments alimentaires pour éviter les carences nutritionnelles auxquelles il expose. La portée symbolique et éducationnelle des repas végétariens imposés dans les cantines scolaires est en ce sens dramatique. Ce n’est pas un hasard si les enfants ont été sélectionnés pour aimer les produits carnés et laitiers et ne pas apprécier les végétaux. Il est regrettable que certains cherchent à détruire ce que la Nature a mis des millénaires à construire.

Poll not found

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".