L’œil de l’expert sur… le commerce équitable

L’Œil de l’expert·e

Ce contenu vous est proposé par Le Drenche avec le soutien financier de l’AFD

Entretien avec

Mathieu Boche

Responsable équipe projet Agriculture et Développement rural à l’AFD

Je travaille au sein de la division Agriculture et Développement Rural comme responsable d’équipe projet. J’assure l’identification, l’instruction et ensuite la supervision des projets financés par l’AFD dans ces secteurs. Je travaille plus particulièrement sur les pays lusophones (Mozambique, Angola, Brésil), la Côte d’Ivoire, le Sénégal et les pays du bassin amazonien, et je suis expert sur les questions foncières. 

Qu’est-ce que le commerce équitable ?

Dans les grands principes, cela consiste à mettre en place des mécanismes de commercialisation des produits agricoles qui permettent une juste rémunération des producteurs. Il y a plusieurs mécanismes pour y parvenir. Cela peut, entre autres, passer par des labels qui garantissent un surplus de rémunérations aux producteurs en contrepartie d’un certain nombre d’engagements pour les organisations de producteurs comme par exemple, sur les conditions de travail, l’égalité femmes-hommes ou encore le respect de l’environnement. Ces engagements vont dépendre plus précisément du cahier des charges défini par chaque label. Mais il peut également y avoir des engagements sur les pratiques sociales, les conditions de travail ou encore le respect de l’environnement. Si on prend l’exemple du cacao en Côte d’Ivoire, la plupart des labels vérifient que les producteurs et les coopératives n’ont absolument pas recours au travail des enfants, ou qu’ils ont recours à des pratiques agroécologiques

Les indications géographiques, bien que relevant d’une logique différente car faisant partie des instruments de de protection de la propriété intellectuelle, contribuent de façon indirecte à améliorer les revenus des producteurs et le caractère équitable des relations commerciales.

S’applique-t-il uniquement au commerce international Nord – Sud ? 

Originellement, le commerce équitable est apparu en réaction à l’iniquité croissante dans les rapports commerciaux internationaux, notamment dans les filières d’exportation du Sud vers le Nord. C’est sur ces filières que les producteurs semblaient le plus vulnérables aux variations de prix, et c’est aussi là qu’il y avait une propension des acheteurs, de par leur niveau de vie, à payer davantage. 

Mais le sujet de l’équité dans les relations commerciales et plus largement de l’amélioration des revenus pour les producteurs est aussi un sujet concernant les échanges Sud-Sud. Il concerne plutôt les IG. En côte d’ivoire par exemple, un travail d’enregistrement de l’Attieké des lagunes (semoule de manioc) comme IG est en cours.

Pour des échanges Nord-Nord, des initiatives comme “C’est qui le patron ?” rentrent également dans la définition large du commerce équitable. Ce n’est pas toujours lié à une indication protégée ou une certification. Si on a une vision plus large du commerce équitable en tant que juste rémunération des producteurs, cela peut s’appliquer potentiellement à la commercialisation de tous les produits agricoles.

Est-ce que c’est assez équitable ? Est-ce que ça a augmenté la part payée au producteur ? De combien ?

Ce qui est certain, c’est que le prix d’achat aux producteurs a augmenté. Cet aspect est documenté, prouvé, et efficace. La proportion dépend fortement des produits et des mécanismes. Sur le cacao en Côte d’Ivoire ou au Pérou, une étude du BASIC (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne) a démontré que le commerce équitable a permis des réductions très fortes des coûts cachés des filières (environnementaux et sociaux). En Côte d’Ivoire, on observe une réduction des coûts sociétaux de l’ordre de 18 % lorsque la filière est équitable, en grande partie grâce à l’augmentation moyenne du revenu des producteurs. Au Pérou, ces coûts sociétaux sont même réduits de 80 % dans la filière cacao équitable : non seulement le revenu versé aux producteurs leur permet de sortir de la grande pauvreté, mais les primes collectives sont aussi régulièrement investies dans des services essentiels. Par ailleurs, le commerce équitable a fortement contribué au renforcement des coopératives de producteurs qui, aujourd’hui, savent mieux défendre les intérêts de leurs membres, tant au niveau commercial que politique.

Est-ce que le commerce équitable pourrait à terme représenter 50 % voire 100 % du commerce agricole mondial ?

Cela paraît compliqué sur certains secteurs, comme les céréales, qui sont déjà dans des schémas de commercialisation mondialisés. Cela s’applique plutôt aux produits qui nécessitent une transformation avec une valeur ajoutée importante, ou pour lesquels il existe une demande suffisamment importante pour augmenter sensiblement les prix. Donc cela ne peut pas être appliqué à toutes les productions. 

De plus, cela implique de mettre en place des canaux de distribution spécifiques, ce qui n’est pas simple. Si on reprend l’exemple du cacao, il a fallu développer des circuits de transport équitablement, pour éviter que le cacao cultivé différemment se retrouve dans les mêmes containers que celui cultivé sans label. 

Comment peut évoluer le commerce équitable ?

Le commerce équitable est né pour améliorer la rémunération des producteurs, puis s’est étendu à d’autres enjeux, environnementaux ou sociaux. Il n’est donc pas figé dans le temps, et continue à évoluer. Les dispositifs qui permettent d’améliorer les revenus des producteurs comme les IG, peuvent également être des éléments forts permettant de reconnaître et de conserver un patrimoine historique et culturel. Cette logique, très développée en France, est en réalité encore très peu développée à l’échelle internationale.

Les labels environnementaux comme ceux portant sur l’agriculture biologique participent également d’une logique d’une meilleure équité dans les échanges commerciaux, dans le sens où ils permettent d’augmenter la rémunération des agriculteurs en valorisant des pratiques plus vertueuses et respectueuses de la biodiversité et de l’environnement.

Que fait l’AFD sur ce sujet ?

Le commerce équitable et les IGP font partie des instruments que l’AFD juge pertinents et à mobiliser pour augmenter la rémunération des producteurs dans de nombreux pays. L’AFD s’engage donc à soutenir les pays et les gouvernements qui mettent en place ces dispositifs. Plusieurs projets sur le commerce équitable (Equité 1 et Equité 2) et sur les IG (Pampig 1 et pampig 2) sont soutenus. L’AFD a également lancé une Facilité pour le développement des indications géographiques en Afrique, Caraïbes et Pacifiques.

L’AFD s’inscrit aussi dans des activités plus larges d’appui aux filières agricoles avec la mise en place de mécanismes qui permettent aux producteurs et productrices de disposer d’informations et d’augmenter leur pouvoir de négociation pour assurer une répartition plus juste de la valeur ajoutée.

L’Agence française de développement finance et accompagne plus de 4 000 projets destinés à améliorer concrètement le quotidien des populations d’Outre-mer et des pays en développement et émergents.
En France, elle sensibilise les citoyens aux grands enjeux mondiaux, à travers Tilt, un écosystème digital destiné aux jeunes Français, pour s’informer, se former et se mobiliser sur les questions d’inégalités, de climat, de préservation de la planète, de droit des femmes … Cet écosystème propose des contenus de décryptage et d’inspiration sous la forme de vidéos, d’articles, de BDs ou de podcasts, et suggère des pistes très concrètes pour passer à l’action ici et là-bas.

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