Casier judiciaire vierge

Municipales 2020 : faut-il imposer un casier judiciaire vierge aux élus ?

📋  Le contexte  📋

En France, un citoyen dont le casier judiciaire n’est pas vierge ne peut pas exercer certains métiers tels que chauffeur de taxi, pompier, fonctionnaire, ambulancier ou encore éducateur. Au total, 396 métiers requièrent l’obligation d’un casier judiciaire vierge.

Toutefois, ni la prison, ni aucun casier judiciaire ne prive un citoyen de ses droits civiques et politiques. Ainsi, aucun casier judiciaire vierge n’est requis pour voter ou se présenter à une élection.

Source : La Croix 

En 2017, dans le cadre de sa loi sur la moralisation politique, Emmanuel Macron désirait imposer un casier judiciaire vierge (bulletin B2*) pour tous les candidats aux élections.

Si la mesure avait été adoptée par les députés, le gouvernement a rapidement fait marche arrière en optant pour une «peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité» (article 131-26-2 du Code pénal) et surtout par crainte de voir la mesure déclarée anticonstitutionnelle.

*il contient toutes les condamnations, pénales ou civiles, à l’exception des contraventions de police et des peines en tant que mineur.

Source : Legifrance

Certains cas posent la question de l’exemplarité des élu.e.s : les époux Balkany, condamnés pour fraude fiscale et blanchiment, briguaient un nouveau mandat avant d’être frappés de dix ans d’inéligibilité. Alain Carignon, quant à lui, est candidat à la mairie de Grenoble malgré son incarcération de 29 mois en 1994 pour abus de biens sociaux.

Cependant, l’ensemble de ces cas plus ou moins médiatiques nous amènent à poser le débat.

Source : Le Monde

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »

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Eric Alt
Président de l'association anticorruption Anticor
L’obligation d’avoir un casier judiciaire vierge pour être candidat à une élection politique : une revendication toujours d’actualité.

A l’unanimité des voix l’Assemblée nationale a adopté, le 1er février 2017, une proposition de loi visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection. Votée en fin de législature, elle a été transmise au Sénat,
qui ne l’a jamais examinée.

Moraliser la vie politique

Dans son programme, Emmanuel Macron était clair : la loi de moralisation de la vie publique comprendra (…) l’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire (niveau B2) de se présenter à une élection. Il suggérait même qu’il était le seul à
promettre une telle mesure -ce qui était inexact, car beaucoup d’autres candidats étaient sur la même ligne.

Le Président et la ministre de la justice ont affirmé avoir tenu cette promesse lors de la signature en grande pompe de la loi dans le bureau de l’Elysée. Mais celle loi prévoit un mécanisme très différent : l’obligation pour le juge de motiver un jugement
s’il ne prononce pas l’inéligibilité pour des infractions à la probité.

Une revendication de longue date

La promesse d’imposer aux candidats un casier judiciaire vierge correspondait à une revendication de longue date des ONG luttant contre la corruption. C’est une proposition du plaidoyer d’Anticor et aussi une demande de Transparency International. La pétition pour l’interdiction aux détenteurs d’un casier judiciaire d’effectuer un mandat électoral a recueilli 250000 signatures au 1er octobre 2019.

La fonction politique incombent une exemplarité aux élus

L’obligation de présenter un casier judiciaire vierge n’est qu’une modalité d’application de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : « tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Le législateur serait donc parfaitement fondé à considérer que des condamnations pour atteinte à la probité ou pour des faits criminels rendent inadmissibles l’accès à certaines fonctions.

Le risque jurisprudentiel a servi de prétexte pour écarter cette proposition. Étrange, car ce gouvernement ne craint ni le Conseil constitutionnel ni le Conseil d’Etat quand il s’agit de défendre des projets qui lui importent vraiment. Juridiquement, le texte
voté en 2017 est en attente au Sénat , et pourrait être inscrit à l’ordre du jour sans délai…


Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas trouvé de deuxième personne pour défendre ce point de vue.
Si vous êtes légitimes et compétents sur le sujet, n’hésitez pas à nous contacter pour défendre cette opinion !

Le « Contre »

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Benoît Le Dévédec
Doctorant à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), juriste et fondateur du site HabeasCorpus.blog
Un nouveau pavé pour joncher l'Enfer

Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Macron avait promis l’inéligibilité totale à un mandat électif, pour toute personne n’ayant pas un casier judiciaire vierge. Si cette bonne intention visait à redonner aux citoyens confiances dans leurs femmes et hommes politiques, il ne s’agissait rien de moins qu’un nouveau pavé pour joncher l’Enfer. 

Contraire au principe de légalité criminelle

Tout d’abord, cette nouvelle mesure aurait été inconstitutionnelle, car se serait appliquée à des personnes condamnées antérieurement à cette loi, ce qui est contraire à ce qu’on appelle le principe de légalité criminelle. En d’autres termes, on ne peut pas condamner quelqu’un à une peine qu’il ne connaissait pas quand il a commis l’infraction. 

Ensuite, il a été question de proposer une « condition d’aptitude », comme cela s’applique dans de nombreuses professions. Seulement, un élu n’est pas un fonctionnaire ni un salarié, et même dans les professions concernées, un casier judiciaire non-vierge n’est pas automatiquement une fin de non recevoir. Le dossier est étudié et tout dépend s’il y a un lien plus ou moins direct entre l’infraction commise et le métier envisagé. 

Sur la peine automatique accessoire d’inéligibilité

Finalement, la loi du 15 septembre 2017 « pour la confiance dans la vie politique » qui a été votée dispose qu’une peine automatique accessoire d’inéligibilité sera prononcée pour tous les crimes ainsi que pour certains délits, notamment à caractère financier, mais aussi les faits de discrimination, d’injure publique, de diffamation publique, de provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l’orientation sexuelle. Ce recul a alors l’avantage de se focaliser sur les délits qui portent effectivement atteinte à la probité et dont on peut exiger d’un élu qu’il n’en ait pas été reconnu coupable. Aussi et surtout, il est prévu que le juge pourra, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer l’inéligibilité, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. 

C’est aux électeurs de disqualifier les candidats et non à la justice

Imposer purement et simplement un casier judiciaire vierge aux candidats est donc impossible, mais aussi contre-productif. Notre droit actuel permet déjà d’interdire de briguer tout mandat électif, pour l’avenir, mais seulement dans certains cas précis. C’est à un juge d’en décider la pertinence . Plus généralement, plutôt que de réclamer à la loi ou à la justice d’empêcher les politiques condamnés de se présenter, les électeurs devraient faire en sorte, par leurs votes, qu’ils ne soient pas élus, ni réélus. 


Olivier Vagneux
Candidat DVD aux élections municipales à Savigny-sur-Orge (Essonne)
Laisser au Peuple sa liberté d’élire des criminels et des délinquants

Votre tribune : 83 % des Français seraient favorables à exiger un casier judiciaire vierge obligatoire pour tout candidat à une élection, selon un sondage Ipsos d’avril 2017.  J’ai longtemps fait partie de ces 83 %, jusqu’à ma condamnation en diffamation pour avoir essayé de dénoncer un détournement de fonds publics et une prise illégale d’intérêts d’un élu ; des faits qui n’ont finalement pas été établis à l’issue de la seule enquête préliminaire.

Mon délit de diffamation est-il aussi grave qu’un élu qui aurait tapé dans la caisse, ou qu’un criminel meurtrier ? J’ai payé ma faute en étant condamné à 300 euros d’amende. Est-ce que je mérite en plus cinq ans, voire quarante ans, d’inéligibilité ? Accompli dans ma vie privée, ce délit préjuge-t-il que je serais forcément un salaud dans ma vie publique d’élu ? Dois-je donc arrêter mon activité
professionnelle qui m’expose à de nombreuses poursuites, ou pire refuser d’informer, pour préserver mon casier et espérer un jour être élu ?

Casier judiciaire vierge, de quoi parle-t-on ?

Si forcément on pense à de lourdes condamnations qui tombent à l’issue de procès médiatiques qui se sont étalés sur des années, le casier judiciaire est en réalité composé de trois bulletins, dont un premier qui recense toutes les condamnations pénales, y compris certaines contraventions de police. Les projets de loi les plus avancés n’ont jamais proposé que d’obliger hypocritement à la virginité des bulletins n°2 et 3.

Une double-peine, inconstitutionnelle et contraire au contrat social

Imposer le casier vierge aux élus, c’est finalement rendre automatiquement inéligible toutes les personnes qui ont été pénalement condamnées quelque soit le délit ou le crime commis, ce qui s’oppose au principe d’individualisation des peines, donc qui est inconstitutionnel. De plus, quelle réinsertion possible ou quel sens donné à la peine, si celle-ci, même payée, se prolonge d’une autre ?

Une idée démago qui ne rétablira pas la confiance entre élus et citoyens

Le casier vierge obligatoire pour les élus revient régulièrement dans le débat à chaque nouvelle loi de moralisation de la vie publique. Mais alors que la vie politique n’a jamais été aussi encadrée, il n’y a jamais eu autant d’élus condamnés dans le cadre de leurs mandats. Ils seraient 672, certes sur 560 000, sous la mandature 2014 – 2020, selon le Baromètre 2019 du risque pénal public local, soit deux
fois plus qu’il y a quinze ans.

Si donc dans une démocratie avancée, il serait normal de pouvoir connaître le casier de ceux qui prétendent au suffrage, faisons plutôt toujours confiance à l’intelligence de l’électeur qui devrait logiquement choisir le plus honnête des candidats.

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