Ce débat est réalisé en partenariat avec Duel Amical une association étudiante de Sciences Po, qui organise des débats d’idées sur des thématiques européennes. Nous organisons et échangeons avec eux des débats sur le thème de l’Europe.
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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Prévoir le prévisible, ou pourquoi le V4 avait raison sur le système de quota
Le groupe de Visegrad a ses hauts et ses bas depuis la chute du Mur de Berlin. Après 2004, la plupart des experts pensaient que le groupe mourrait à petit feu. Cependant, le V4 faisait partie des priorités du gouvernement polonais en termes de politique étrangère. Par exemple, lorsque Grzegorz Schetyna, l’actuel leader de Platforma Obywatelska, a été nommé ministre des affaires étrangères, il avait déclaré qu’il s’efforcerait de faire revivre et perdurer le groupe. Pourtant, quelques mois plus tard, il soutenait l’idée de la Commission Européenne qui consistait à dispatcher les migrants nord-africains et orientaux arrivés en Grèce et en Italie dans toute l’UE en suivant un système de quotas par États membres. Cette idée constituait un véritable décalage avec les aspirations des autres membres V4 – la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie – et fut révélateur d’un certain paradoxe au sein de la politique étrangère polonaise.
D’ailleurs, en parlant de mauvaises gestions diplomatiques, la décision sur les quotas de migrants n’aurait pas dû être faite par le gouvernement Ewa Kopacz ; il existe une expression en anglais pour décrire parfaitement la situation politique polonaise qui déboucha sur cette mauvaise gestion politique : « lame duck » (littéralement, canard boiteux). Un « lame duck » est un homme politique qui, en fin de mandat, rend des décisions qui peuvent engager l’État sur plus long terme : Kopacz avait décidé d’accepter le système de quotas juste avant les élections parlementaires, sans être certaine de pouvoir briguer un second mandat pour quatre ans. Si le gouvernement Kopacz avait été responsable, il n’aurait certainement pas contraint ses successeurs avec une telle décision.
Comme nous le savons, après les élections, ce fut le parti Droit et Justice qui remporta à lui seul les élections et, par conséquent, le droit de constituer le gouvernement. Et ils ont réussi à ramener le V4 à la vie. La base du V4 était la crise migratoire, étant donné que les États du V4 étaient opposé au quota de migrants and ont tenté de trouver de nouvelles solutions, en s’orientant vers la protection des frontières de l’UE.
Qu’est-ce que la solidarité européenne ?
Il ne fait aucun doute que tous les États membres de l’UE ont bénéficié des avantages de l’UE. Néanmoins, ces avantages ne se font pas sans coût : bien que la solidarité fasse partie des principes européens les plus importants, le terme « solidarité européenne » semble être plus un mythe qu’autre chose.
Au sein de l’UE, de nombreux intérêts particuliers coexistent et n’ont parfois rien à voir avec une quelconque solidarité. Un exemple probant : l’Allemagne a tenté de construit un second Nord Stream, un gazoduc, qui serait allé à l’encontre des intérêts de la moitié Est de l’Union Européenne. D’ailleurs, en même temps, Varsovie et ses voisins du Sud ont été critiqué pour leur manque de solidarité envers les autres États qui faisaient face à la crise des migrants.
Cela est faux ; en effet, le V4 s’est uniquement opposé à une solution apportée à la crise migratoire, et non à la solidarité européenne. Ils ont tenté d’imaginer comment régler le problème sur le long terme, en avançant le fait que les quotas ne serait qu’une solution partielle face à la crise.
Bruxelles recule
Après avoir montré leur position clairement, le V4 a mis sous pression la Commission Européenne, et tenté de la faire changer d’avis. Le temps passa, et il s’avère désormais que le système des quotas était, en plus d’être inefficace, impossible à mettre en place. Maintenant, l’UE rebrousse peu à peu chemin pour revenir sur une décision faite en 2015, puisqu’une grande majorité d’État, sauf Malte, n’ont pas rempli leur part du contrat.
Donald Tusk, Président du Conseil Européen, a récemment avoué qu’il ne voyait aucun avenir aux quotas, expliquant que la sécurité des frontières extérieures de l’UE devenait l’enjeu majeur. Dans son discours devant le Parlement européen en septembre 2017, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne, déclara même : « les gens qui n’ont pas le droit de rester en Europe doivent retourner dans leur pays d’origine ». Après cela, Jacopo Barigazzi, journaliste de Politico, écrivit que JC Juncker avait implicitement donné raison à Viktor Orban et au V4 au sujet de la crise migratoire.
L’UE change son discours et son approche, en suivant la voie du V4. Si cela ne s’appelle pas un succès éclatant…
Faiblesse dans l’unité, ou la victoire à la Pyrrhus du V4
Magdalena Smenda
Rédactrice à Duel Amical (Pologne)La Pologne a été la Présidente du V4 pendant un an, jusqu’au 30 Juin 2017. Quelques jours après, la Pologne a organisé une rencontre à Varsovie qui vient résumer l’année passée.
Le principal sujet des discussions fut les sanctions de la Commission Européenne à l’égard des États membres qui ont refusé de prendre leur quota de réfugiés. Mariusz Blaszczak, le ministre de l’Intérieur, a expliqué que ces actions décidées par la Commission européenne étaient infondées. Cette position est l’emblème même de la position du V4. En même temps, il a pointé du doigt le fait que ce serait plutôt au Conseil Européen, et non au Conseil de l’Union Européenne, d’organiser le système de quotas. Baszczak a d’ailleurs ajouté à ce titre : « la politique de sécurité de l’Union européenne devrait être calqué sur celles des États plutôt que créer à part entière dans l’Union Européenne ».
Les États du V4 sont opposés à prendre des quotas de migrants décidés par l’Union Européenne, et s’opposent aussi aux sanctions. La Hongrie et la République Tchèque ont voté contre le mécanisme de relocalisation des réfugiés au sein de l’UE et ont même déposé plainte à la CJUE. La Pologne a suivi cette plainte après ses élections parlementaires, puisque le gouvernement de Kopacz avait dans un premier temps accepté le système de quotas. La CJUE a débouté ces plaintes dans une décision de septembre 2017.
Le club exclusif du V4
La position commune des membres du V4 a permis de rapprocher la Pologne, la Slovaquie, le République Tchèque et la Hongrie. Cependant, ce bloc se place en opposition aux autres membres de l’UE. De plus, les gouvernements du V4 ne font même semblant de rechercher des alliés politiques, créant ainsi l’impression que ce groupe ‘’exclusif’’ est suffisant.
Créer des alliances et des groupes d’intérêts au sein de l’UE est normal, et permet de compléter la politique étrangère nationale. Par exemple, la Pologne est gagnante avec un V4 fort, en protégeant ses intérêts et ceux de ses alliés. Ce qui est davantage inquiétant est que ces pays d’Europe centrale et de l’Est sont désormais perçus comme une opposition à tous les autres États membres. Plus important encore, l’opposition du V4 n’est pas vraiment une opposition constructive. Ainsi apparaît un paradoxe : le groupe du V4 divise plus qu’il rassemble.
Mariusz Blszczak n’a pas tort lorsqu’il explique que la politique de sécurité est avant tout du ressort de l’État. Cependant, il oublie que la politique migratoire est un sujet que les États membres doivent traiter de manière conjointe. Nous avons besoin d’analyser quel impact la crise migratoire a sur la sécurité des États et si cela peut être considérer comme relevant uniquement de la politique de sécurité. Suivant le chemin de l’actuel gouvernement polonais, nous pouvons aussi dire que la sécurité alimentaire, énergétique et économique peuvent être rangé aussi sur le plan de l’action d’État, ce qui amènent inévitablement un questionnement autour du rôle de l’Union Européenne.
Cependant, le transfert de souveraineté est incontestable et, plus important encore, émanait d’une volonté des États ! Parler d’une dictature bruxelloise est donc clairement une exagération.
Les quatre problématiques
La question de l’accueil des migrants, ainsi que d’autres questions juridiques relevant des migrations, sont des problèmes majeurs. Dans une telle situation, il est préférable d’introduire des mécanismes capables de régler différentes crises. Nous pouvons avoir différents avis et positions sur la question de la politique de l’UE, mais le groupe de Visegrad crée un axe problématique au sein de l’UE.
Leur position actuelle, qui consiste à simplement s’opposer à l’UE, ne peut être considéré comme un succès ! Un signal fort du V4 serait de proposer une solution réelle, plausible et commune, qui pourrait prendre en compte leurs intérêts nationaux. Si une telle solution existe, elle n’est certainement pas l’objectif du V4.
Néanmoins, imaginer une solution « gagnant-gagnant » est une nécessité absolue si nous voulons faire de la coopération au sein de l’UE un processus réel et non simplement théorique. L’outil que représente le V4 devrait être utilisé à bon escient, pour régler des problèmes d’intégration par exemple. En considérant le fait que tous les membres du V4 ont rejoint l’UE en même temps, ce serait un bon départ pour ce groupe de davantage penser, objectivement, aux intérêts de leurs partenaires dans l’UE. Suivant ce chemin, leur intégration connaîtrait indubitablement un coup d’accélération.