Les pays en développement peuvent-ils concilier croissance et environnement ?

📋  Le contexte  📋

Les pays en développement sont des pays moins développés économiquement que les pays développés. Leur produit intérieur brut (PIB) est inférieur à celui des pays développés et leur économie est moins mature et complexe. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) appelle « pays développés » les pays à indice de développement humain (IDH) très élevé, les autres sont des « pays en développement ». Dans les pays en développement, le revenu par habitant est plus faible et l’accès aux soins et à l’éducation est limité.

L’impact de l’activité humaine sur le réchauffement climatique est connu et reconnu. Au rythme actuel, la température augmenterait de 7°C d’ici 2100 selon une centaine de scientifiques français. La conciliation de la croissance économique avec la préservation de l’environnement implique de repenser notre modèle de croissance afin de tendre vers un développement plus durable. Pour « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », il faudrait utiliser les ressources naturelles de manière plus économe et responsable.

Selon une étude de l’Organisation météorologique mondiale publiée lundi 23 novembre, le ralentissement industriel dû à la pandémie de Covid-19 n’a pas freiné l’augmentation record des concentrations de gaz à effet de serre. En mai dernier, les experts du PNUD notaient déjà un « déclin rapide et sans précédent » de l’IDH du fait de la crise sanitaire. Si aucun pays n’est épargné par cette crise, les pays en développement sont ceux qui vont en payer le plus lourd tribut. À titre d’exemple, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) anticipe une contraction du PIB régional de 5,3 % qui plongerait 16 millions de personnes sous le seuil de pauvreté extrême (1,90 dollar par jour).

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Pierre-Samuel Guedj
Président d’Affectio Mutandiet de AfricaMutandi.com
Bien sûr ! Et ce sont les mieux placés pour le faire... si on les laisse faire.

Ils le peuvent déjà parce que l’on parle de développement et non de transition. Et qu’il est plus facile de penser un développement durable plutôt que de mettre en œuvre une transition multi-directionnelle contraignante. D’autant plus facile quand on n’a pas vraiment le choix et que l’on part d’une copie presque blanche…

Ils le peuvent parce que l’innovation et les technologies actuelles permettent justement de concilier l’un et l’autre, ainsi que les instruments financiers internationaux qui flèchent les fonds vers des investissements verts, responsables, à moindre impact sur la biodiversité et le climat. C’est ce qui permet à un certain nombre de pays, notamment au continent africain, de réaliser des « leapfrogs » qui permettent de sauter une étape technologique. Ainsi, inutile de passer par la téléphonie filaire, la téléphonie mobile s’installe directement, développant plus aisément les nouveaux usages et habitudes en matière de désintermédiation comme dans le mobile banking. De la même manière, inutile de penser l’électrification de l’Afrique comme pour l’Europe du XXème siècle, avec de grandes unités de production énergétique toutes inter-connectées entre elles sur une plaque de cuivre géante. D’autant que pour un tel continent, ironie du sort, il n’y a plus assez de cuivre. Place donc aux énergies décentralisées, reposant notamment sur les renouvelables, pour répondre au mieux aux besoins de chaque territoire en fonction également des potentiels de ce dernier : solaire, éolien, hydraulique, etc.

Ils le peuvent parce que ces pays ont conservé un lien fort avec la nature, un sens de la résilience, une conscience de l’équilibre fragile de leurs écosystèmes et de leurs communautés, un sens de l’économie frugale propice au développement de l’économie circulaire et de l’économie symbiotique, autant de notions que les pays dits développés ont perdus au cours de la seconde révolution industrielle puis du libéralisme économique.

Ils le peuvent enfin si on leur permet ce développement en payant le prix juste et responsable des matières premières, si on accepte leur industrialisation verte, le développement de leurs capacités de transformation pour une consommation locale autant que pour l’export et le développement de relations commerciales équilibrées.

Mais pour cela, il faut changer les habitudes du consommateur occidental et que nos gouvernements pensent le principe d’une souveraineté soutenable, équitable et pleinement réciproque.

Le « Contre »
Vincent Liegey
Essayiste, co-auteur d’Un Projet de Décroissance et coordinateur de Cargonomia, centre de recherche et d’expérimentation sur la Décroissance à Budapest
Les pays riches, biberonnés à la croissance, détruisent la planète !

La première des choses à préciser est que le niveau d’impact environnemental est directement lié au niveau de développement économique. Ainsi, plus on est riche, en tant que pays ou qu’individu, plus on participe directement et indirectement à la destruction d’écosystèmes (effondrement de la biodiversité), au tirage sur des ressources finies (pics de production, du pétrole aux métaux) et à la déstabilisation de cycles naturels (changement climatique). C’est ce que nous rappelle, entre autres, l’étude d’Oxfam : le 1% des plus riches émettent deux fois plus de gaz à effet de serre que la moitié la plus pauvre de la population. Donc la question de la préservation de l’environnement est un problème de « riches », là où, pour une large majorité des populations, l’enjeu est autour des inégalités.

L’imposture de la croissance verte, l’impasse du mythe du découplage

En effet, la première des décroissance doit être celle des inégalités. Répondre aux enjeux de justice sociale et environnementale à travers la croissance économique est une impasse. Elle repose sur le mythe du découplage, cette croyance qu’il serait possible de continuer à faire croître de manière exponentielle notre PIB tout en réduisant, grâce à la technique, notre empreinte énergétique et écologique. Toutes les études ont montré qu’un tel découplage n’a jamais eu lieu et qu’il semble totalement impossible. L’enjeu n’est pas la croissance mais le partage, tout en réduisant notre empreinte globale. Mais l’enjeu n’est pas non pas de faire la même chose en moins mais de faire mieux avec moins, en se focalisant sur l’essentiel dans le cadre d’un projet de joie de vivre, de convivialité et de care (prendre soin des unes des autres).

Sortir du développement

La critique au développement est un des piliers de la Décroissance du fait de sa dimension impérialiste culturelle au service d’un système post-colonial d’exploitation. Il faudrait plutôt parler de pays sous-occidentalisés et par là même rompre avec une vision unique des modèles civilisationnels. Ainsi, ce dont nous avons besoin n’est en aucun cas de croissance économique telle que nous la connaissons, mais une rupture radicale avec celle-ci au Nord afin de permettre au pays du Sud de se réapproprier leurs auto-déterminations mais aussi leurs imaginaires. Notre mode de vie est possible car nous exploitons les ressources naturelles du Sud tout en interférant dans leurs vies. C’est l’exemple tragique de l’explosion des besoins en batteries pour une soi-disant mobilité électrique propre. Cela signifie pour les populations andines, l’expropriation des terres, extractivisme et pollution…
Décroître au Nord pour commencer à respirer de nouveau au Sud, tel est l’enjeu.

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