Peut-on organiser un vin d’honneur à une mise en bière ?

Un double hommage à la vie

Le vin, c’est le fruit de la terre et de la vigne. C’est notre chair et notre sang.

Alors, je sais ce que vous allez me dire, la bière aussi vient de la terre… mais du houblon et des céréales. Je vous parle coteaux de Provence, vous me répondez Chocapic. Soyons sérieux.

Le vin, c’est la célébration de la vie, de toutes ses grandes étapes. Une naissance, un mariage. Une vie qui commence, deux qui se rejoignent. Alors, pourquoi pas pour une vie qui s’éteint ? C’est alors un double hommage, un hommage à la vie qui s’achève, et à celle qui nous reste, à nous autres, à vivre.

Pour une naissance, préférez un Laurent Perrier millésimé (pour les amateurs de bière : c’est un champagne, pas une eau gazeuse).

Pour un mariage choisissez un Château d’Yquem 2006, rien de mieux qu’un sauternes pour des noces de velours.

Et, pour ce qui nous intéresse, un Château l’Angelus me semble tout à fait à propos ; il est bien plus agréable de sentir les cloches résonner dans un Saint-Emilion que dans la nef d’une église.

Certes, dans un enterrement comme dans une naissance, le principal intéressé ne profitera pas de la bouteille. Mais ceux qui le connaîtrons, ou ceux qui l’on connut, célébrerons ensemble la joie de ce qui va être, ou de ce qui a été.

Ainsi va la vie, elle se termine comme elle a commencée, dans le « pop » d’une bouteille qu’on débouche et dans l’ivresse de la nuit.

Parce qu’au fond, c’est ça qui compte. L’ivresse. Ce tendre sursaut qui suspend la course inexorable du temps.

Même dans le deuil, quand vous aurez envie de balayer les étoiles, de vider l’océan, d’arracher la forêt… Le vin vous rappellera que malgré tout, il est bon d’exister.

Le vin ne peut rivaliser contre une bière

Navrant est l’ivrogne qui, une bouteille de rouge à la main, lampée après lampée se perd dans la vacuité.

Le sacre de la mise en bière constitue le jalon final d’une vie par sa fin réussie. En cet instant tenez loin vos verres ballons, ballonnés aux cépages fruités et sortez vos chopes. Pour cet événement glorieux, faites les tinter les unes contre les autres dans une allégresse partagée. Car c’est dans la jovialité du liquide malté qu’il faut fêter, c’est dans le flot houblonné qu’il faut se conforter. Valsez entre les souvenirs dorés d’antan, et rattrapez ces valses effrénées qui vous feront perdre pied. Longtemps et pour toujours gardez en tête cette douce euphorie qui assurément la sagesse vous garantit.

La bière nous intronise et pardonne tous nos pêchés.

Mais venir tout gâcher, tremper ses lèvres dans le poison pourpré, telle Juliette se donnant malgré elle à la Mort, voilà tout ce que vous seriez : jeune fille naïve et désespérée, pleurant votre dignité comme dans ses soupirs elle pleure son Roméo regretté.

Ces raisins, qu’ils soient tempête, colère ou mensonge, ou le vin, dans toutes ses robes, ne peuvent rivaliser contre une bière qui même nue, par sa force, vous portera jusqu’aux plus hauts sommets.

La bière rassemble et ce jusqu’à la fin les peuples de tous horizons. Brune, blonde, rousse, honneur de la nation, célébration de tous temps, rangez vos piquettes et laissez cette hérésie aux pauvres hères qui l’esprit obscurci, se perdent dans une vie sans joie, sans amour, sans mousse. Une vie plate faite de vin, d’âpreté et d’ennui.

Permettez au moins qu’une fois dans une vie, celui-ci soit banni.

Vin d’honneur mais quelle erreur !