Photo d'une assiette et dedans le logo Nutri-Score

Peut-on se fier au Nutri-Score ?

📋  Le contexte  📋

Le Nutri-Score est une information nutritionnelle qui prend la forme d’un logo. Conçu dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) par Santé publique France suite à la loi de Santé de 2016, il est apposé sur la face avant des emballages alimentaires et contient deux informations principales : une lettre et une couleur. En tout, il y a cinq niveaux (donc cinq couleurs et les lettres du A au E) qui informent sur la qualité nutritionnelle du produit. Le produit le plus “favorable” sur le plan nutritionnel sera classé A avec la couleur verte, et le “moins favorable” sur ce plan sera classé E avec la couleur rouge.

L’idée est d’apporter de la visibilité aux tableaux nutritionnels complexes des aliments pour mettre en lumière leurs caractéristiques nutritionnelles. Pour classer chaque produit, le score prend en compte, sur une base de 100 grammes, la teneur en nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes) et les nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel). Sauf exception, tous les produits transformés sont aujourd’hui concernés par le Nutri-Score, mais son application reste facultative, ce qui explique qu’on ne le retrouve pas partout. En tout cas début 2021, 500 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-Score en France

L’alimentation est très importante pour la santé, et l’un des buts majeurs du Nutri-Score est de participer à l’amélioration de l’accès à une alimentation équilibrée pour toutes et tous (il vise, entre autres, à lutter contre l’obésité et autres maladies). Le Nutri-Score plaît ainsi aux Français, dont 94% déclarent y être favorables. Néanmoins, il ne fait pas l’unanimité et il est parfois critiqué : il synthétise certaines données mais ne va pas assez loin pour certains, ne prenant pas en compte le degré de transformation des produits ou l’utilisation des pesticides par exemple. Aussi, il peut porter à confusion étant donné qu’il se base sur une portion de 100 grammes du produit, ainsi, de l’huile d’olive se retrouve “mal notée” alors qu’elle n’est consommée, au fond, qu’en petite quantité.

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Peut-on se fier au Nutri-Score ?
Le « Pour »

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Serge Hercberg
Professeur Emérite de Nutrition, Médecin épidémiologiste, Université Sorbonne Paris Nord
Le Nutri-Score : un système d’information nutritionnel utile et efficace s’appuyant sur la science

Le Nutri-Score a été développé en France par une équipe de recherche universitaire dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Sa fiabilité est liée aux bases scientifiques très solides sur lequel il repose. Les composantes prises en compte dans le calcul de son algorithme sont reconnues pour leur impact en tant que facteurs de risques (teneur de l’aliment en sucre, acides gras saturés, sel et calories) ou de protection (teneur en fruits et légumes, légumineuses, fruits secs, fibres …) par rapport aux maladies associées à la nutrition. Plus de 45 études ont ainsi permis :

  1. de montrer que consommer des aliments plutôt bien classés par Nutri-Score est associé à un risque plus faible d’obésité, de maladies cardiovasculaires et d’une moindre mortalité, dans le cadre de populations suivies prospectivement pendant de longues années (dont certaines sur plus de 500 000 personnes suivies pendant plus de 15 ans), 
  2. de démontrer l’efficacité et la supériorité du Nutri-Score par rapport aux autres systèmes existants pour aider les consommateurs dans leurs choix alimentaires (notamment les populations les plus défavorisés). Des études réalisées sur plusieurs milliers ou dizaines de milliers de consommateurs ont montré l’efficacité et les meilleures performances du Nutri-Score par rapport aux autres logos nutritionnels, en termes de perception, de facilité d’identification, de rapidité à être compris et d’aide à classer correctement les aliments en fonction de  leur qualité nutritionnelle. Enfin, plusieurs études dont une grandeur nature dans 60 supermarchés ont montré que la présence du Nutri-Score améliore la qualité nutritionnelle globale des paniers d’achats, avec un effet particulièrement net dans les populations défavorisées. 

Certes, comme tous les logos nutritionnels, Nutri-Score n’est pas parfait à 100%. Un comité scientifique européen est d’ailleurs en charge de l’améliorer en fonction des nouvelles connaissances scientifiques. Il faut également accepter qu’il n’intègre pas d’autres dimensions santé, comme la présence d’additifs, le degré d’ultra-transformation, la présence de pesticides,… Cette limite est inhérente à tous les logos nutritionnel car il n’est pas possible de synthétiser l’ensemble des dimensions santé des aliments au travers d’un indicateur unique. C’est pour cela qu’il est recommandé de privilégier les aliments bruts, et pour les aliments transformés ceux avec la plus courte liste possible d’additifs et le meilleur Nutri-Score. Même si le Nutri-Score n’est focalisé que sur l’information nutritionnelle, ceci représente déjà beaucoup en termes de santé publique (comme démontré par les nombreux travaux scientifiques).


Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu trouver de contributeur pour défendre cette thèse. Si vous êtes compétent et légitime ou que vous connaissez quelqu’un qui l’est, n’hésitez pas à nous contacter : contact@ledrenche.fr !

Le « Contre »

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Hélène Wacquier
Nutrithérapeute
Les limites du Nutriscore

Même si le Nutriscore peut globalement aider les consommateurs dans leurs choix, il est à considérer avec réserve. Son principal défaut est d’être axé sur les aspects quantitatifs (somme de nutriments) plutôt que qualitatifs des produits. De ce fait, des critères potentiellement importants pour la santé sont ignorés.

Qualité des nutriments

Le Nutri-Score ne distingue pas les glucides à haute valeur nutritionnelle de ceux qui n’apportent que des calories « vides ». 

Les graisses, hormis leur caractère saturé ou non, sont également appréhendées sans discernement. La présence éventuelle d’acide gras trans, très délétères, est ignorée.

De même, aucune distinction n’est faite entre les protéines animales et végétales, ni entre des protéines de qualité et des protéines possiblement dénaturées par les processus de fabrication.

Par ailleurs, la teneur en vitamines, minéraux, polyphénols n’intervient pas dans l’équation, malgré leur importance pour la santé.

Transformation des produits

Le degré de transformation des produits n’est pas considéré, ni la présence éventuelle d’additifs, d’allergènes, d’arômes et d’édulcorants artificiels. Or, la consommation habituelle de produits ultra-transformés joue un rôle majeur dans l’épidémie actuelle d’obésité et de diabète.

La présence éventuelle de contaminants tels que des pesticides ou des perturbateurs endocriniens est aussi ignorée.

Equilibre alimentaire

Le système ne rend pas compte du nécessaire équilibre alimentaire global. Nous avons besoin, au quotidien, de nutriments naturels de tous types. Tout est une question d’équilibre. Des produits comme l’huile d’olive ou le chocolat, bien que très riches en graisses, s’inscrivent parfaitement dans une alimentation équilibrée s’ils sont consommés dans de justes proportions. La pyramide alimentaire reste le meilleur guide pour savoir quels aliments consommer en priorité pour une santé optimale.

A mon sens, aucun outil ne pourra jamais remplacer l’intelligence et le discernement humains. Pour se donner les meilleures chances d’être en bonne santé, il est nécessaire de s’informer et de garder un esprit critique acéré par rapport aux produits sur le marché. Il faut continuer à éplucher les étiquettes et éviter les produits qui sont faits de multiples ingrédients qu’on ne pourrait pas trouver dans sa propre cuisine.

Cela demande un investissement personnel, mais c’est en devenant des consom’acteurs et en faisant des choix judicieux qu’on pourra influencer peu à peu l’offre de produits dans le sens d’une meilleure qualité nutritionnelle globale.


Anthony Fardet
Ingénieur Agro-alimentaire, Chercheur en alimentation préventive, durable et holistique / INRAE, Unité de Nutrition Humaine
La matrice alimentaire gouverne, les nutriments obéissent

Le Nutri-score s’inscrit dans l’approche privilégiée au niveau mondiale de guider le choix alimentaire des consommateurs par des scores de composition agrégeant un nombre restreint de nutriments à limiter et/ou à encourager. Ils participent d’une approche réductionniste réduisant le potentiel santé de l’aliment à quelques nutriments. En face de l’augmentation des maladies chroniques, un autre logiciel devra être proposé pour une recommandation nutritionnelle avec une vision holistique de l’aliment.

Notamment, les maladies chroniques et la mortalité précoce ont été associées à une consommation excessive d’aliments ultra-transformés selon classification NOVA. En outre, des résultats expérimentaux montrent que les effet métaboliques, physiologiques et santé des nutriments dépendent de la matrice alimentaire. Si l’effet matrice est dégradé, notamment par un fort degré de transformation, les nutriments vectorisés par cette matrice peuvent devenir délétères, comme observé avec le sucre ou les acides gras saturés. Or, les scores de composition ignorent cet effet matrice, et donc le degré de transformation.

Ainsi, plus de 50% des produits étiquetés-emballés Nutri-score A/B en GMS sont ultra-transformés, et donc néfastes pour la santé à long terme, comme révélés par les études prospectives. Donc, les scores de composition ne sont pas fiables pour manger de qualité, et peuvent contribuer encore plus à l’ultra-
transformation, comme on l’observe déjà aujourd’hui avec de nombreux aliments industriels reformulés.
Aujourd’hui, ces scores valorisent de la chimie comestible et contribuent à l’éloignement de « vrais » aliments traditionnels qui ne sont pas associé à des maladies chroniques comme les fromages, riches en acides gras saturés mais pas néfastes pour la santé en raison de leur matrice fermentée.

Par ailleurs, l’équilibre nutritionnel se fait au niveau du régime alimentaire sur une semaine, et n’a donc pas de sens au niveau d’un seul aliment, à part d'essayer de conserver, au mieux, via la transformation, le plus possible sa densité nutritionnelle initiale en micronutriments et fibres. Ainsi, ces scores ne soutiennent pas réellement la santé des populations, notamment les plus défavorisées, en faisant le jeu des aliments ultra-transformés, associés à une santé globale dégradée (humaine et planétaire), et ils nivellent la qualité des aliments selon un étalon réducteur, menaçant ainsi certains plats traditionnels dans différent pays.

Aujourd’hui, le seul critère d’intérêt pour caractériser le potentiel santé d’un aliment est son degré de transformation (lié avec la santé globale). Rappelons que l’on mange des matrices alimentaires complexes, pas des nutriments, d’où les dents et la salive en amont de la digestion. Le Nutri-score, se focalisant sur quelques nutriments, est donc insuffisant car on peut remplir tous ses besoins nutritionnels et tomber malade chronique si l’environnement matriciel des nutriments est dégradé par un fort degré de transformation.


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