Ce débat a été réalisé avec le soutien de la Commission Européenne
Pourquoi ?
Les initiatives citoyennes européennes sont un mécanisme permettant la participation des citoyens européens. Avec la Commission européenne, nous nous sommes engagés à animer le débat autour de ces ICE.
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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
État des lieux sur une substance controversée
En 2013, une enquête portant sur 18 pays européens identifiait des traces de glyphosate dans les urines de plus de deux testés sur cinq [1]. Par ailleurs, il est désormais attesté que la biodégradabilité de cet herbicide est très limitée, contrairement à ce qu’affirme Monsanto, et que sa présence est observable en quantités considérables dans les sols, dans l’air et dans les eaux [2].
Quant à la toxicité, et la cancérogénicité de cette molécule, l’établissement de résultats scientifiques alarmants devrait suffire à remettre en question la confiance aveugle que nous lui accordons depuis des décennies. Ces résultats se multiplient, et font d’abord état de doses journalières admissibles bien trop élevées [2,3]. En outre, le fameux produit actif semble se profiler comme un perturbateur endocrinien, catégorie de molécules altérant le système hormonal à des doses très faibles [2,4]. La notion de dose admissible elle-même est ainsi appelée à être repensée. Mieux encore, la dangerosité des produits finis (comme le RoundUp), associant des adjuvants au glyphosate, se trouve décuplée [2,5]. Ceci alors que la législation n’impose d’étudier que les impacts du produit actif…
Certes, la recherche sur ces sujets est encore jeune et en voie de structurer ses méthodologies. Ceci explique d’ailleurs une partie des controverses soulevées (outre celles inhérentes à l’inquiétant pouvoir des intérêts privés). Toutefois, il reste intenable de négliger de telles études. Rappelons que le Centre Internationale de Recherche sur le Cancer (CIRC), agence de l’OMS, classifie le glyphosate comme « cancérogène probable » [6].
Pour autant, rien ne sert de culpabiliser les agriculteurs, puisque c’est dans un modèle sociétal global que s’inscrivent les pratiques interrogées. Après l’industrialisation croissante de la production alimentaire depuis les années 50, nous soutenons le besoin de revaloriser l’agriculture, et de lui donner les moyens de privilégier la qualité à l’optimisation des rendements. C’est dans cette logique que doit prendre place la sortie du glyphosate : en proposant des alternatives de production plus durables et vertueuses, toujours associées aux moyens qu’elles nécessitent.
Une étude sur ces alternatives a été présentée cette année au parlement européen [7], et le centre du CNRS de Chizé publie dans ce sens des résultats encourageants sur des expérimentations à grande échelle [8]. Enfin, il nous apparaît essentiel de cesser de prendre des décisions compulsives et isolées : l’interdiction du glyphosate doit s’inscrire dans une vision politique plus large et cohérente, intégrant notamment une réflexion sur les importations de produits traités.
Références :
[1] http://www.amisdelaterre.org/L-herbicide.html [2] Peterson Myers et al., Concerns over use of glyphosate-based herbicides and risks associated with exposures: a consensus statement, Environmental Health (2016) [3] Mesnage et al., Multiomics reveal non-alcoholic fatty liver disease in rats following chronic exposure to an ultra-low dose of Roundup herbicide, Scientific Reports 7, 39328 (2017) [4] Defarge et al., Co-Formulants in Glyphosate-Based Herbicides Disrupt Aromatase Activity in Human Cells below Toxic Levels, International Journal of Environmental Research and Public Health (2016) [5] Mesnage et al., Major Pesticides Are More Toxic to Human Cells Than Their Declared Active Principles, BioMed Research International (2014) [6] http://www.iarc.fr/en/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf [7] http://www.pan-europe.info/sites/pan-europe.info/files/public/resources/reports/Alternative%20methods%20in%20weed%20managment%20to%20glyphosate_PAN%20Europe_171018.pdf [8] Gaba et al., Herbicides do not ensure for higher wheat yield, but eliminate rare plant species, Scientific Reports, 6:30112 (2016)Pourquoi l’interdiction du glyphosate est une erreur
Philippe Pinta
Président de l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales à paille (AGPB)http://www.agpb.com
Il convient de rappeler en préambule que les débats concernant l’interdiction du glyphosate ont été menés sans concertation avec le monde agricole, alors même qu’aucune alternative crédible n’est disponible à l’heure actuelle. Cette interdiction représente un non-sens environnemental, économique et politique.
Aujourd’hui, la seule alternative au glyphosate serait de revenir à un travail du sol plus important et plus impactant sur le plan environnemental. Ce retour au travail du sol aurait un effet équivalent à la mise en service de 60 000 voitures chaque année. Au-delà de l’impact sur l’émission des gaz à effet de serre, les passages répétés des tracteurs occasionneraient de plus le tassement des sols et l’érosion hydrique, tous deux néfastes pour la fertilité et la vie de nos sols.
Au niveau économique, sur le seul secteur des Grandes Cultures (céréales, légumes, oléagineux, protéagineux), les instituts techniques ont chiffré à un milliard d’euros par an l’impact d’un arrêt du glyphosate. Si on ajoute le secteur de la viticulture, c’est un milliard d’euros de pertes supplémentaires. Déjà mis à mal dans leur compétitivité face aux autres pays producteurs dans le monde, les agriculteurs verraient leur charge à l’hectare exploser de 70 € /ha et leur revenu baisser d’autant.
Nous déplorons que le débat sur le glyphosate soit placé sur le plan émotionnel et politique. Il faut rappeler que, mise à part le CIRC (qui juge le risque et non le danger), le Programme International pour la Sécurité Chimique, le Guide pour la Qualité de l’eau potable, le Groupe principal d’Evaluation des Pesticides, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, l’EPA, L’Agence américaine pour la Protection de l’Environnement … et bien d’autres, ont toutes conclu que le glyphosate n’était pas cancérigène. Il est dommageable de remettre en cause l’avis de centaines de scientifiques à travers le monde, travaillant pour de multiples organisations scientifiques
indépendantes.
Enfin, au niveau européen, l’interdiction du glyphosate poursuivrait la logique de sur-transposition des règlementations. De surcroit, en incohérence totale avec le CETA (accord de libre-échange entre le Canada et l’UE), l’Europe et la France importeraient des produits alimentaires de qualité sanitaire et environnementale bien plus dégradés que ceux produits sur notre propre territoire …
Alors, faisons confiance aux scientifiques et surtout à nos agriculteurs, les premiers concernés par cette mesure, qui ont à cœur de nourrir les hommes.