souris dans main de chercheur

Pour ou contre l’expérimentation animale ?

📋  Le contexte  📋

Même si des observations à caractère scientifique ont été menées sur les animaux depuis l’Antiquité, l’utilisation d’animaux de laboratoire de manière systématique a été généralisée depuis le début du XXe siècle.

Aujourd’hui, les animaux de laboratoire sont utilisés pour tester des nouvelles molécules, des nouveaux traitements ou médicaments contre différentes maladies. Pour cela, des animaux sont artificiellement contaminés, pour que les scientifiques puissent tester les nouveaux traitements sur d’autres êtres vivants que des êtres humains.

Selon les chiffres de la Commission européenne, environ 9,4 millions d’animaux ont fait l’objet de tests médicaux en Europe en 2017. Ce chiffre est en légère baisse par rapport aux données des années 2015 (environ 9,6 millions) et 2016 (environ 9,8 millions). 

La France est le troisième pays de l’Union européenne en termes de nombre d’animaux utilisés à des fins expérimentales. Selon les rapports publiés chaque année par le Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, le nombre d’animaux utilisés par les établissements français diminue légèrement d’année en année, passant de 1 914 174 animaux en 2017 à 1 865 403 animaux en 2019. Sur les chiffres de 2019, 61% étaient des souris, 9 % des poissons, 9 % des rats, et 7 % des lapins.

Ces expérimentations sont encadrées par des normes européennes, la plus récente étant la directive 2010/63/UE du Parlement européen (septembre 2010), déclinée en droit français par le décret 87-849. 

Nous avons déjà traité ce débat en juin 2015, suite à la réponse de la Commission européenne après l’Initiative citoyenne européenne « Stop Vivisection » qui avait recueilli un million de signatures, et était en mesure d’exiger une réponse des autorités européennes.

Le 3 juin 2015, la Commission européenne avait rendu son avis sur cette pétition, indiquant qu’elle « partage la conviction que l’expérimentation animale doit être progressivement supprimée en Europe, mais son approche pour atteindre cet objectif diffère de celle proposée par l’initiative citoyenne européenne ».

En 2021, la question du droit animal reste d’actualité. L’essor d’organisations comme L214, qui emploie des méthodes chocs pour dénoncer l’exploitation des animaux, est ancré dans une préoccupation sociétale grandissante pour l’avenir de notre planète. D’un autre côté, l’urgence provoquée par la pandémie de Covid-19 et le besoin impérieux de trouver et tester un vaccin sûr pour sortir de la crise a pu faire détourner le regard des préoccupations liées au bien-être animal.

 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pour ou contre l'expérimentation animale ?
Le « Pour »
Kirk Leech
Directeur exécutif du European Animal Research Association
L'expérimentation animale est encore nécessaire aujourd'hui

Bien que les méthodes de recherche sans animaux soient toujours utilisées lorsqu’elles sont efficaces, la valeur scientifique des animaux dans la recherche biomédicale est reconnue depuis longtemps. Et bien que les souris et les rats soient de loin les animaux les plus couramment utilisés, il existe certains domaines de recherche où d’autres espèces, potentiellement controversées, sont tout simplement la seule option disponible pour les scientifiques.

Je veux expliquer pourquoi les singes, dont l’utilisation dans la recherche est difficile à accepter pour certains, ont joué et continuent de jouer un rôle essentiel dans le développement de médicaments et de traitements qui sauvent des vies, comme on l’a vu récemment dans l’effort de recherche mondial pour créer un vaccin contre le Covid-19.

Les deux singes les plus utilisés dans la recherche biomédicale sont les macaques rhésus (Macaca mulatta) et les macaques cynomolgus (Macaca fascicularis), qui ont contribué à des percées décisives dans le domaine des vaccins contre le VIH, la variole et la polio en raison de leurs similitudes anatomiques avec l’homme – ils sont également essentiels dans la recherche fondamentale sur les maladies neurodégénératives, telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Dans le cadre de l’effort accéléré de mise au point d’un vaccin Covid-19, les singes ont joué un rôle essentiel dans les tests visant à garantir la sécurité et l’efficacité des vaccins, avant qu’ils ne puissent être testés sur l’homme. Par exemple, le vaccin Pfizer/BioNTech s’est appuyé sur des données précliniques générées par BioNTech, en Allemagne, sur des macaques rhésus, pour montrer que les personnes ayant reçu le vaccin étaient entièrement protégées contre le virus SRAS-CoV2, et pour garantir son innocuité. D’autres candidats vaccins Covid-19, tels que le vaccin Oxford/AstraZeneca et le vaccin Janssen, se sont également appuyés sur des tests précliniques sur des singes. 

Les chercheurs ne peuvent pas encore produire des vaccins à usage humain par simulation informatique, reproduire des maladies complexes dans une culture cellulaire ou évaluer le fonctionnement d’un foie dans une éprouvette.  La réglementation européenne régissant la recherche sur les animaux n’autorise la recherche sur les animaux que dans la mesure où il n’existe pas encore d’alternatives non animales. En outre, si une méthode d’étude non animale efficace et efficiente était disponible, aucun organisme de recherche public ou privé ne négligerait son utilisation, en particulier en période de crise comme la pandémie de Covid-19.

Aucun chercheur n’utilise d’animaux dans ses recherches sans comprendre les réglementations qui régissent la recherche sur les animaux et sans évaluer les coûts et les avantages de l’utilisation des animaux, en particulier lorsqu’il s’agit d’utiliser des singes. Cependant, comme la recherche sur le vaccin Covid-19 l’a clairement montré, nous devons toujours utiliser des animaux pour développer des médicaments et des traitements qui sauvent des vies et améliorent la qualité de vie, et il nous faudra encore plusieurs décennies pour trouver des méthodes de remplacement pour d’énormes domaines de la recherche biomédicale.

Le « Contre »
Tilly Metz
Membre du Parlement Européen (Les Verts)
Il est temps d'éliminer progressivement l'expérimentation animale

Dans l’Union européenne, cette question a reçu une réponse en 2010 ; la directive 2010/63 sur la protection des animaux dans la science énonce clairement l’objectif final de remplacement total de l’expérimentation animale, grâce à l’approche des 3R : Remplacement, Réduction, Raffinement.

Cependant, à ce jour, chaque année, des millions d’animaux sont utilisés et maltraités à des fins scientifiques ou éducatives. La grande quantité de souffrance causée par ces tests est une chose qu’une majorité de citoyens européens refuse de tolérer plus longtemps. Malheureusement, depuis que l’objectif du remplacement total a été énoncé en 2010, il y a eu très peu d’efforts concertés dans ce sens. Contrairement aux États-Unis, nous manquons toujours d’un financement approprié et d’un calendrier précis, ainsi que d’une approche cohérente entre les réglementations et les agences concernées.

Même en l’absence de financement public massif, les dernières décennies nous ont apporté des avancées révolutionnaires et passionnantes concernant les alternatives à l’expérimentation animale. Les chercheurs ont développé et continuent de développer des méthodes non-animales, avec des cellules humaines cultivées, des modèles in silico (informatiques) et même des organoïdes (mini-organes cultivés artificiellement).

Au-delà des questions éthiques évidentes liées à l’expérimentation animale, il existe des raisons très pragmatiques de tourner le dos à cette pratique dépassée. Elle est coûteuse et, franchement, pas très efficace. Des milliards ont été et continuent d’être dépensés pour des recherches qui aboutissent à des résultats non-transposables à l’homme. Un exemple bien connu est celui des millions dépensés en recherche biomédicale pour la chasse à la maladie d’Alzheimer, avec un taux d’échec des médicaments de 99 %. Les humains ne sont pas des souris, ni des rats. Nous devons promouvoir une science humaine et pertinente pour l’Homme.

L’expérimentation animale est une « tradition » de longue date et, comme toutes les traditions, elle résiste au changement. L’utilisation d’animaux dans la recherche et les tests réglementaires est connue et familière à des générations de chercheurs et aux institutions qui les financent. Si l’objectif du remplacement total a été énoncé il y a plus de dix ans, le changement de mentalité n’est pas encore achevé. Dans la pratique, le changement a donc été lent. Si lent en fait que nous risquons de revenir sur les progrès déjà accomplis.

Dans un sondage réalisé en 2020, 74 % des citoyens ont déclaré que l’expérimentation animale pour les cosmétiques était une pratique totalement inacceptable, mais, pas plus tard qu’en 2020, l’Agence européenne des produits chimiques a de facto annulé l’interdiction européenne de 2013 sur l’expérimentation animale pour les cosmétiques, en invoquant la sécurité des travailleurs. Allons-nous vraiment réintroduire des tests cruels sur les animaux pour des ingrédients de crèmes pour le visage jugés potentiellement dangereux pour les travailleurs ? Si ces ingrédients doivent absolument être explorés, testons leur sécurité avec des méthodes non-animales et pertinentes pour l’Homme.

Pour ou contre l'expérimentation animale ?

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