prise de vue d'une école

[Histoire] Pour ou contre l’école laïque ?

Avertissement !

Ce débat, surtout formulé comme ceci, peut sembler trompeur. Il place sur le même plan deux opinions dont l’Histoire a montré qu’elles n’étaient pas forcément sur le même plan. Néanmoins, à l’époque, elles l’étaient. Nous ressuscitons ces débats historiques dans leur contexte pour montrer que les débats d’hier ont contribué à façonner le monde que nous connaissons, et par extension que les débats d’aujourd’hui contribuent à façonner le monde de demain. Et, qui sait ? Peut-être que dans quelques générations, certains de nos débats actuels ne mériteront plus le pied d’égalité dont ils ont bénéficié aujourd’hui ?

 

📋  Le contexte  📋

C’est un principe qui garantit la liberté de croire, ou ne pas croire.

Le Larousse parle d’une « conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État, et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. » En résumé, la société religieuse est séparée de la société civile.

En France, la laïcité s’applique sur trois principes : l’égalité, la liberté et la neutralité de l’État. Ainsi, chacun peut manifester ses croyances dans les limites du respect de l’ordre public, l’État est neutre, tout le monde est égaux devant la loi et ce, sans distinction de religion ou conviction, chacun peut choisir ou non une religion, la pratiquer librement…

Sources : Gouvernement.fr, Larousse

Une charte de la laïcité a été écrite par l’État. Elle définit l’application de la laïcité à l’école.

Ainsi, la laïcité a pour vocation de protéger les élèves de tout prosélytisme et de toute pression. Elle assure à chacun une culture commune et permet l’exercice de la liberté d’expression dans la liberté d’autrui. L’école laïque rejette aussi toute violence et discrimination, et garantit l’égalité homme et femme. En outre, les personnels se doivent de transmettre aux élèves le sens et les valeurs de la laïcité, mais aussi s’engagent à rester neutres, à n’imposer aucune pression et à ne présenter aucun signe ostentatoire présentant leur religion (il en va de même pour les élèves). Enfin, les enseignements sont laïcs.

Sources : Youtube, Education.gouv.fr

Dès la Révolution, l’idée d’une école obligatoire et gratuite émerge. Il faut toutefois attendre la loi Guizot du 28 juin 1833 qui instaure en France un enseignement public et gratuit pour les enfants des familles pauvres. L’école n’y est toutefois pas obligatoire. Cette loi est complétée en 1867 par la loi du ministre Victor Duruy (obligation pour les communes de plus de 500 habitants d’avoir une école primaire, et gratuite pour certaines familles).

Il faut attendre les lois Ferry sur l’enseignement pour voir l’école devenir gratuite (loi du 16 juin 1881), laïque et obligatoire (loi du 28 mars 1882). La loi Goblet du 30 octobre 1886 finit ses lois, et voit l’enseignement être confié à un personnel exclusivement laïc dans les écoles publiques.

Cette loi a été soumise à nombre de débats, opposant souvent les conservateurs et plus religieux pour qui une « école sans Dieu » n’avait pas de raison d’être, face aux « socialistes » promouvant une société laïque.

Source : Herodote, Wikipédia

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le « Pour »
Jules Ferry
Député des Vosges
Nous ne pouvons remettre qu'à un pouvoir civil, laïque, la surintendance de l'école populaire !

« Je ne crois faire, en aucune façon, preuve d’héroïsme en venant défendre ici l’œuvre scolaire de la République contre une polémique qui pourrait être dangereuse si elle n’était pas réfutée. Cette œuvre, messieurs, elle est aujourd’hui, elle sera assurément aux yeux de l’histoire, avec le rétablissement de nos forces militaires et de notre outillage de guerre, le titre principal de la IIIe République à la reconnaissance de l’histoire et du pays.
[…]

Messieurs, cette œuvre scolaire de la IIIe République n’est pas une œuvre personnelle ; elle n’appartient en propre à qui que ce soit dans le Parti républicain, car elle appartient au pays républicain tout entier.
[…]

Ce système d’éducation nationale qui relie, dans un cadre, à la fois puissant et souple, l’école élémentaire aux plus hautes parties du savoir humain ; ce système d’éducation nationale au frontispice duquel on n’a pas craint d’écrire que, de la part de la société, « l’enseignement est un devoir de justice envers les citoyens, » que la société doit à tous le nécessaire du savoir pratique, et l’avènement aux degrés successifs de la culture intellectuelle de tous ceux qui sont aptes à les franchir, cette mise en valeur du capital intellectuel de la nation, de toutes les capacités latentes de tous les génies qui peuvent être méconnus ou étouffés, dans une grande et féconde démocratie, messieurs, c’était le rêve de nos pères ; et nous avons le droit de déclarer qu’autant qu’il est possible de dire qu’une chose est accomplie, grâce à vous, grâce au pays, votre principal collaborateur dans cette grande œuvre, grâce au pays qui en a été l’âme, ce rêve est devenu une réalité !

Voilà pourquoi nous ne pouvons remettre qu’à un pouvoir civil, laïque, la surintendance de l’école populaire, et pourquoi nous tenons, comme à un article de notre foi démocratique, au principe de la neutralité confessionnelle.
Voilà pourquoi nous tenons fermement à l’école laïque. Voilà pourquoi vous n’obtiendrez de nous sur ce point ni acte de contrition ni retour en arrière.

Aussi bien est-ce l’enjeu de toutes les batailles prochaines,
[…]

Messieurs, nous restons profondément attachés à l’école laïque ; et pourtant, comme j’ai eu l’occasion de le déclarer en diverses circonstances, comme je n’hésite pas à le faire dans cette Assemblée, nous sommes très désireux de voir régner dans ce pays la paix religieuse.

Messieurs, c’est précisément parce que j’ai été mêlé plus que d’autres aux luttes et aux discordes législatives auxquelles on a donné si improprement le nom de guerre religieuse que je tiens à venir ici protester de mon profond attachement à la paix religieuse de mon pays.
[…]

Quant aux écoles laïques, quant à la séparation de l’Église et de l’école, je nie absolument qu’elle ait revêtu, soit dans la loi, soit dans la pratique, le caractère de persécution religieuse que vous lui attribuez.
Vous avez trop d’esprit, messieurs les boulangistes. Voilà sept ans que la loi de 1882 est votée, qu’elle est pratiquée.
Voilà sept ans que le prêtre donne, en toute liberté, deux jours de la semaine, le dimanche et le jeudi, l’éducation religieuse aux enfants qui fréquentent l’école. Voilà sept ans que tous les instituteurs de France, tenus de se conformer au programme rédigé et voté par le Conseil supérieur de l’instruction publique, enseignent aux enfants des écoles une morale dans laquelle il y a un chapitre spécial qui porte ce titre : « Des devoirs envers Dieu. »

On dit, à droite, que c’est très bien…
On dit à droite que c’est très bien. Mais alors, que l’on cesse de dire que nos écoles primaires sont des écoles sans Dieu !
[…]

Et quand une grande société religieuse comme la société catholique jouit, dans un pays comme la France, de libertés aussi étendues que les vôtres quand votre Église, quand votre propagande religieuse est illimitée, quand elle possède plus de 40 000 chaires et plus de 40 000 pasteurs, vaquant librement à l’accomplissement de leur ministère ; quand elle est dotée d’un budget qui dépasse tous les budgets de la Restauration et la monarchie de Juillet, quand des hommes bien intentionnés comme celui qui est à la tribune. Vous offrent de régler, sans porter atteinte aux droits de l’État, la question des associations religieuses ; si les catholiques, qui jouissent de telles libertés – je devrais dire de tels privilèges – prétendent qu’ils sont persécutés, qu’ils sont les victimes d’une guerre religieuse, ils donnent un démenti à l’éclatante vérité des faits ; ils ne sont pas persécutés, ils sont bien près de devenir persécuteurs. »

Le « Contre »
Charles de Montalembert
Député du Doubs
Ce remède, c'est de faire rentrer la religion dans l'éducation.

« Messieurs, j’ai fait pendant vingt ans la guerre à l’enseignement officiel et depuis un an, je négocie avec les anciens défenseurs de cet enseignement un traité de paix qui est en ce moment soumis à votre ratification. J’ai besoin de justifier devant vous, et cette guerre, et cette paix, c’est-à-dire de vous expliquer la nature du mal et la nature du remède.

Le mal, d’abord. Sous la Restauration, le monopole de l’éducation publique a fait des libéraux des révolutionnaires. Sous le régime de Juillet, il a fait des républicains. Sous la République, il a fait des socialistes. Je sais qu’on appelle cela l’esprit de progrès et de vie, moi j’appelle cela l’esprit de ruine, l’esprit de mort et pour lui donner son véritable nom, l’esprit révolutionnaire.

On ne saurait le nier, la jeunesse est élevée contre la société et contre nous. L’éducation publique telle qu’on la donne en France fomente une foule innombrable d’ambition, de vanité et de cupidité dont la pression écrase la société. Elle développe des besoins factices qu’il est impossible de satisfaire. Enfin, le résultat c’est que chaque gouvernement élève des générations qui le renversent lorsqu’elle arrive à maturité.

Et d’où vient cette infirmité cruelle de notre époque ? Elle vient de ce qu’on tue dans l’éducation publique le sentiment du respect, de l’autorité, de l’autorité de Dieu d’abord. On apprend aux jeunes gens de chez nous le savoir et non pas le devoir. On leur apprend à émanciper la raison mais savez-vous ce que l’on émancipe en même temps chez eux ? L’orgueil ! On tue l’humilité, l’humilité qui est la base de toutes les vertus publiques et privées. Et à force d’émanciper cette raison, on est arrivés à un problème que l’on trouve insoluble avant même de le poser, savoir trouver le moyen de faire coexister le maintien de l’autorité sociale avec l’émancipation de l’orgueil.

Nous venons proposer le remède à cet état de choses. Ce remède, c’est de faire rentrer la religion dans l’éducation. Non pas pour tuer la raison, mais pour la régler, pour la discipliner, pour l’éclairer et pour l’épurer.

Savez-vous, savez-vous quel est le grand service que rendra au peuple français l’Église ? Si elle peut y reprendre le rôle qui lui convient par l’éducation et par le catéchisme, le voici. Elle ne nous flattera pas. Elle dira à l’homme : « Tu es poussière et la vie toute entière doit être une série de souffrances et de luttes dont le prix n’est pas ici bas. » Elle lui dira qu’il sort du néant et qu’il doit se défier de ses penchants et de les contenir. Voilà ce qu’elle dira à la société, au peuple. Avec cela, vous pourrez avoir un peuple gouvernable ! »

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

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