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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Une restauration fidèle avec les matériaux les plus adéquats
Tout d’abord, il n’est pas question de « reconstruction », mais de restauration. Notre-Dame, même sans toit, est toujours debout. Et la cathédrale est classée monument historique, ce qui implique qu’elle a été figée dans un état considéré comme définitif, que la loi française a décidé de protéger pour la transmettre aux générations futures.
Une restauration plutôt qu’une reconstruction
La question de sa restauration à l’identique ne devrait donc pas se poser, et encore moins se poser si tôt, quelques jours à peine après l’incendie, si respecter la loi avait encore un sens.
Mais est-ce vraiment le cas ? Le gouvernement veut faire voter une loi d’exception, en procédure accélérée, qui aboutirait à s’abstraire de toutes les lois existantes, notamment du code du patrimoine, afin de restaurer la cathédrale en cinq ans, ce qui de l’avis de la plupart des spécialistes n’est ni faisable, ni souhaitable.
La flèche, classée monument historique, n’a pas totalement disparu
La restauration de Notre-Dame à l’identique ne signifie pas pour autant qu’elle doive l’être avec les mêmes matériaux que par le passé. Deux éléments peuvent poser question et doivent être débattus. Le premier est la charpente. Quoi que l’on fasse, il est impossible de restaurer à l’identique une charpente faite de bois vieux de plus de huit cents ans. Surtout, une charpente en bois pourrait s’avérer désormais trop lourde sur un monument fragilisé. Enfin, utiliser le bois, dont on a vu les conséquences en cas d’incendie, serait sans doute peu prudent. Beaucoup pensent qu’il serait raisonnable d’utiliser des matériaux plus contemporains, par exemple du titane. Le second est la flèche dont il faut rappeler qu’elle n’a pas totalement disparu puisque les statues des apôtres qui se trouvaient à sa base ont été enlevées pour restauration quelques jours avant le sinistre, et que le coq qui la surplombait a été miraculeusement retrouvé, à peu près intacte. Cette flèche, due à Viollet-le-Duc, un architecte important du XIXe siècle, était également classée.
La déontologie implique une restauration à l’identique des monuments classés
Ceci implique, comme le veut aussi la Charte de Venise qui définit la déontologie de la restauration, qu’elle soit refaite à l’identique. Là encore se pose la question des matériaux, car elle était à l’origine en plomb et en bois, donc très inflammable. La restituer avec d’autres matériaux, tout en redonnant à la cathédrale sa silhouette si familière aux Parisiens est donc l’option qui nous paraît la meilleure.
Mais, encore une fois, tout cela doit être débattu par les spécialistes, en suivant les procédures adaptées. Ce n’est pas au Président de la République de dicter ses volontés, en imposant un délai intenable.
Laissons le droit à Notre Dame de demeurer un lieu intemporel
Pierre ROUSSEL
Architecte DPLG, co-gérant de l’agence GODART + ROUSSEL Architecteshttp://www.godart-roussel.com/
Paris a connu un des épisodes les plus bouleversants de son histoire patrimoniale. Comment un ouvrage qui aura nécessité des centaines d’années de travaux peut-il s’envoler dans le ciel de Paris en quelques heures ? Il nous appartient aujourd’hui de savoir comment faire revivre ce bijou architectural qui fait toute l’identité de la ville la plus visitée au Monde.
Il manquera toujours la légitimité de l’époque
Ce sujet est très sensible pour des raisons que l’on comprend aisément. On imagine mal qu’il existerait une autre option que celle consistant à reconstruire la charpente et la toiture à l’identique en nous appuyant sur tous les documents que nous possédons. D’ici quelques décennies, cet épisode tragique s’effacerait au profit d’une toiture flambant neuve, si vous nous passez l’expression. Mais à bien y réfléchir, serions-nous vraiment satisfaits de cette tentative de pied-de-nez au destin ? Quel autre plaisir y trouverions-nous à part celui de nous conforter dans la certitude que tout est éternel ?
Il nous semble que cette démarche serait certes réconfortante mais catastrophique d’un point de vue intellectuel. Jamais une oeuvre fraichement moulue des meilleurs ouvriers du XXI ème siècle ne portera la même véracité et la même force que celle qui fut construite par les compagnons des siècles derniers car il leur manquera toujours la légitimité de l’époque à laquelle ils appartiennent vraiment. Mais d’ailleurs, l’oeuvre de Viollet-le-Duc n’était-elle pas déjà une transgression de l’architecture gothique sur laquelle son ouvrage s’appuyait ?
Notre projet est donc résolument contemporain
Le projet que nous imaginons pour la restauration de la cathédrale est donc résolument contemporain. Pas au prétexte d’une quelconque fantaisie provocatrice, mais bien parce que nous sommes convaincus qu’il s’agit de l’unique bonne réponse que l’on puisse apporter à un objet patrimonial si important. Nous disposons aujourd’hui de technologies qui nous permettent de proposer une charpente légère et beaucoup plus fine : pourquoi ne pas saisir l’occasion de ce drame pour repenser l’aspect de la toiture tout entière en offrant, par exemple, une toiture entièrement vitrée à la cathédrale ?
Un témoignage d’une nouvelle ère de la construction
Outre la vue que cela offrirait sur la capitale aux visiteurs, cela permettrait de témoigner d’une nouvelle strate de construction du XXIème siècle. Loin d’être une offense au caractère sacré du lieu, cette intervention serait une nouvelle pierre apportée à l’évolution d’un bâtiment qui n’a jamais été pensé comme un objet fini ou figé dans le temps.
Laissons tout simplement à Notre-Dame le droit d’être ce qu’elle a toujours été : un lieu intemporel.
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