Ce débat a initialement été publié sur The Rift, le site anglophone du Drenche, et il a été traduit en français par la Rédaction.
📋 Le contexte 📋
Une taxe carbone est une taxe ou une redevance mise en place par un gouvernement et imposée aux utilisateurs d’énergies fossiles, comme le charbon, le pétrole, les gaz naturels ou le gasoil.
Cette taxe carbone est utilisée à la fois pour compenser les émissions de CO2 dans l’atmosphère, c’est-à-dire compenser les externalités négatives engendrées par ces émissions, et également pour rendre les énergies fossiles plus chères, et donc moins attractives à la consommation.
Source : The Balance
Une taxe carbone est une taxe qui s’applique à un public ou un secteur particuliers ; les entreprises, les transports, etc.
Une taxe carbone universelle est une proposition qui étend cette taxe carbone à tout produit qui implique des émissions de CO2 lors de sa production ou son utilisation. Cette proposition est critiquée principalement à cause des augmentations de prix de transports et de l’énergie auxquelles elle conduirait.
Sources : UNSW, The Balance
Aujourd’hui, nous observons une augmentation de sensibilisation à l’impact environnemental de nos actions et de notre consommation. Nous observons également une augmentation des mobilisations populaires en faveur de la protection de l’environnement, et cela dans le monde entier. En réponse à ce mouvement populaire, les économistes et les chercheurs essaient de trouver des solutions économiques alternatives pour lutter contre le changement climatique.
🕵 Le débat des experts 🕵
Il est difficile de trouver une personne sérieuse qui n’a pas accepté la réalité anthropique du réchauffement climatique. Ce qui est débattu, c’est ce qu’il faut faire. Bannir les combustibles fossiles ? A quelle vitesse peut-on passer à une économie sans émissions ? Quel est le meilleur plan ?
La solution serait une « dividende carbone » : une répartition uniforme des recettes de la taxe carbone
Au coeur de cette dispute se situe un choix inconfortable. Alors que les émissions de CO2 sont mauvaises (elles contribuent à l’augmentation des températures, du niveau de la mer et aux phénomènes météorologiques extrêmes), elles sont aussi positives (elles contribuent au bien-être économique et à la sortie de la pauvreté des gens).
Un équilibre entre les bonnes et mauvaises émissions des gaz à effet de serre sont au coeur d’une approche efficace et économiquement juste du changement climatique.
Depuis les années 1970, les économistes comme William Nordhaus, prix Nobel de l’économie en 2018, ont proposé d’instaurer une taxe carbone qui inclurait le coût social des émissions des GES au mécanisme de prix du marché. C’est la meilleure façon d’équilibrer les externalités positives et négatives des émissions.
Il y a un inconvénient : cela rend les choses que nous consommons plus chères. Cela représente une charge importante pour les moins aisés, qui peuvent voir leurs dépenses de gasoil et de chauffage exploser à cause d’une taxe carbone. Le mouvement des gilets jaunes est facile à comprendre dans ce contexte.
Offrir une compensation directe peut néanmoins mettre à mal tout l’objectif de la taxe carbone, qui est d’envoyer un signal de prix pour modifier les comportements individuels. La solution serait un « dividende carbone » : une répartition uniforme des recettes de la taxe carbone. Cela encourage les gens à réduire leurs émissions, et compense également l’augmentation des prix liée à la taxe.
Cette idée a été formulée pour la première fois par le Climate Leadership Council (CLC), incluant les pionniers des différentes propositions politiques, comme Larry Summers, George Schultz, James Baker ou Janet Yellen. 27 prix Nobel, 4 présidents de la Réserve fédérale, et des milliers d’économistes ont approuvé ce plan. Des leaders de la production d’énergie (qui sont les plus grands émetteurs d’émissions carbone) soutiennent aussi le projet.
Une approche de marché pour répondre à la problématique du changement climatique
L’année dernière, nous avons lancé le Australian Carbon Dividend Plan. Nous estimons qu’un foyer australien moyen gagnerait $585 de plus par an, et un foyer faisant partie des 20% des foyers les moins aisés gagnerait environ $1300 de plus par an. Si les foyers baissent leur consommation énergétique, ils seraient encore plus gagnants.
Il s’agit d’une approche de marché pour répondre à la problématique du changement climatique, qui apporte des incitations pour un accès efficace à une énergie faiblement carbonée, et propose une compensation progressive et directe aux foyers.
Aucun outil politique n’est suffisant pour lutter contre le changement climatique. Le changement climatique est un phénomène global qui nécessite une mise en perspective globale. En adoptant cette perspective globale, on peut voir qu’une taxe carbone serait au mieux futile dans la lutte contre le changement climatique, et au pire elle serait une grave injustice.
Une taxe carbone serait au mieux futile dans la lutte contre le changement climatique
Aujourd’hui, presque 1 milliard d’hommes dans le monde vivent sans électricité. Donner à ces gens la liberté d’avoir accès à l’électricité – ainsi qu’aux immenses bénéfices qu’elle donne – est un impératif moral. Pour certains d’entre eux, des solutions d’énergie renouvelable pourraient être adaptées. Mais pour d’autres, comme pour la plupart des 200 millions de gens en Inde vivant sans électricité, l’énergie à base de charbon est la source la plus sûre et la plus abordable d’électricité. Toute politique publique, y compris une taxe carbone universelle, qui empêcherait ou entraverait leur accès à l’électricité ne devrait pas être considérée, puisque l’électricité s’est révélée être un accélérateur de bien-être, mesuré par les indicateurs de santé et d’éducation.
Si nous respectons le fait que tous ces hommes vivant dans des parties du monde moins développées ont le droit moral d’améliorer leur vies par l’industrialisation, nous devons aussi avoir conscience du fait que les outils de politiques publiques adoptées exclusivement dans des pays déjà industrialisés n’auraient qu’un minuscule effet dans la lutte contre le changement climatique. En 2018, la Chine était responsable de 50% de la consommation mondiale de charbon ; l’Inde de 12%. L’Union européenne et les Etats-Unis réunis en consomment seulement 14,5%. Malgré les promesses des hommes et des femmes politiques en Europe et en Amérique du Nord pour nous forcer à abandonner les carburants fossiles à travers des politiques comme celle de la taxe carbone, l’appétit de l’économie mondiale pour une énergie fiable et accessible persistera. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’utilisation du charbon, du pétrole et des gaz naturels ne diminuera pas, mais elle augmentera de 16% d’ici 2040.
Nous devrions focaliser notre attention sur comment positionner l’humanité pour surmonter les défis du changement climatique
Une taxe carbone n’arrêterait pas le changement climatique, mais elle rendrait chacun d’entre-nous un peu plus pauvre et un peu moins apte à adresser les impacts du changement climatique.
Au lieu de focaliser l’attention sur les ajustements qui, nous l’espérons, vont modifier à la marge le processus économique de prise de décision afin de réduire nos émissions de quelques points de pourcentage, nous devrions focaliser notre attention sur comment positionner l’humanité pour surmonter, et en effet l’emporter sur les défis que présente le changement climatique. La stratégie politique du changement climatique qui promeut au mieux le bien-être humain n’est pas celle de la taxe carbone ni celle du mécanisme de rationnement énergétique, mais plutôt l’approche d’adaptation au marché libéralisé.