📋 Le contexte 📋
Le pass sanitaire, aussi connu sous le terme de passeport santé, immunitaire ou vaccinal, est un document certifiant que la personne en sa détention a obtenu un test négatif à la Covid-19 ou a été vaccinée. Cela permettrait de limiter l’accès à certains lieux publics, notamment les transports, à des personnes qui ne seraient a priori pas contaminées par le virus. Il jouerait ainsi un rôle de “laissez-passer”, dont le but premier serait de diminuer la progression de l’épidémie et de protéger la santé individuelle et collective tout en permettant de reprendre peu à peu un mode de vie “normal”.
La possibilité de la mise en place d’un pass sanitaire a été évoquée en France en décembre 2020 dans un nouveau projet de loi visant à préparer la sortie de la crise. Ce sera à cette période que le cadre législatif mis en place en mars de l’année précédente prend fin. L’article concerné a tout de suite été sujet à une importante controverse, ce qui a entraîné sa suppression. On retrouve les mêmes discussions dans d’autres pays, notamment en Espagne ou en Israël, où le “passeport vert” est en passe d’être opérationnel.
Conditionner un déplacement sous réserve d’une preuve de vaccination n’est pas nouveau, et existe pour l’entrée dans certains pays, comme en ce qui concerne la fièvre jaune : depuis 2005, plus de 200 pays ont décidé d’imposer une réglementation sanitaire concernant la maladie suite aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Alors pourquoi cet article a-t-il été autant critiqué? Les désaccords sont importants entre les personnes y voyant un moyen de relancer l’économie, et ceux qui s’inquiètent concernant le respect des libertés individuelles, ou qui voient comme un non-sens de mettre en place un passeport sanitaire sans rendre pour autant le vaccin obligatoire.
Sources: RFI, Francetvinfo, Les Echos, Europe1
🕵 Le débat des experts 🕵
Les mouvements à l’intérieur du territoire national sont limités au cours des périodes de confinement et de couvre-feu, de nombreuses activités sont interdites, les déplacements internationaux sont maintenant conditionnés à une semaine d’isolement : autant d’entraves à la liberté d’aller et de venir.
La vie avec la Covid ne pourra se réduire à l’immobilisme. Il est donc nécessaire de faciliter le retour à la vraie vie, tout en luttant contre la propagation du virus ; et répondre ainsi aux contraintes de certaines activités collectives et à l’encadrement des voyages internationaux pour lesquels chaque État est libre de définir les conditions sanitaires d’accès à son territoire. Elles consistent, pour l’instant, en la fourniture de tests récents, mais vont rapidement combiner vaccination et tests, avec des critères variables : une ou deux injections, date de la vaccination, type de vaccin utilisé, test PCR, antigénique, sérologique… On peut imaginer sans difficultés une complexité identique pour pouvoir pratiquer un sport collectif, assister à un spectacle, accéder à un restaurant ou un moyen de transport, peut-être même, travailler en équipe.
Le « passeport vaccinal », évolution du « carnet de vaccinations » jaune, ne répondrait pas aux exigences en matière de tests. Seul un « passeport sanitaire digital » permettrait de disposer des informations à jour relatives à la fois aux tests et aux vaccinations de son détenteur. Il pourrait être consulté facilement, sous forme de QR Code par exemple. Techniquement la réalisation et la mise à jour de ce support digital ne pose pas de problème majeur. Son caractère infalsifiable facilitera sa reconnaissance.
La question des libertés et de la protection des données personnelles va alimenter le débat, d’où la nécessité d’encadrer les informations accessibles. Ce passeport sanitaire sera le prix à payer pour retrouver la liberté de mouvement, de déplacement, de vie en communauté sans faire courir de risques aux autres membres de la communauté. Sa détention ne sera pas obligatoire. Les procédures de contrôle seront plus longues et dissuasives pour les réfractaires et leurs déplacements à l’étranger seront plus difficiles. Ceux qui, au nom de la liberté, ne souhaiteront subir aucun contrôle, auront la possibilité de rester chez eux, comme les allergiques à la ceinture de sécurité sont libres de ne pas monter en voiture. Nous aurons la liberté de retrouver la liberté de mouvement et celle de nous enfermer au nom des libertés.
On ne peut qu’être contre le passeport sanitaire, tel qu’il est évoqué aujourd’hui, car l’idée même est totalement incohérente.
Alors qu’il en avait la possibilité, le Gouvernement a fait le choix de ne pas rendre obligatoire le vaccin contre le Covid-19. C’est un choix politique, il est sensé et judicieux, car l’adhésion de la population sera sans doute plus grande en offrant un libre choix plutôt qu’en imposant une contrainte. Il aurait pu être différent, puisque le caractère obligatoire d’un vaccin est constitutionnellement possible. En effet, le Conseil constitutionnel a déjà dû apprécier ce sujet et il a admis le caractère obligatoire de vaccins contre des « maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d’être éradiquées », dans le cadre d’une « politique de vaccination » destinée à « protéger la santé individuelle et collective ». Le Covid-19 paraît bien entrer dans cette catégorie.
Dès lors que le choix est inverse et que la vaccination demeure libre, on ne peut pas subordonner la circulation sur le territoire, l’accès à certains lieux, voire à certains services publics à une preuve que la vaccination a été effectuée. On peut éventuellement imposer le vaccin à l’égard de certaines professions, exposées, mais pas à l’égard de l’ensemble de la population. Il est encore moins possible pour des entités privées (entreprises, compagnies aériennes) d’imposer à leurs agents ou usagers de justifier du vaccin.
Certes, le passeport sanitaire existe déjà, au niveau international : c’est le certificat international de vaccination. Il est ainsi parfois exigé, pour rentrer dans certains pays, que des vaccins aient été préalablement effectués. Seulement, ici, la situation est différente : le vaccin est bien obligatoire, soit dans le pays lui-même, soit, a minima, pour l’entrée dans le pays.
Le passeport sanitaire évoqué aujourd’hui en France est tout autre : il concernerait un vaccin non obligatoire, pour pouvoir accéder à certains ou à tous les commerces, à certaines prestations (transport, théâtre, cinéma, etc…). Ainsi, pour prendre les transports, il faudrait être vacciné ; pour faire ses courses, il faudrait être vacciné ; pour accéder à des lieux de vie, il faudrait être vacciné. Bref, les actes de la vie quotidienne requériraient le vaccin, si bien que, en réalité, il serait obligatoire en pratique, sans l’être sur le plan juridique. C’est incohérent et cette incohérence engendrerait des restrictions excessives de la liberté d’aller et venir et de la liberté individuelle.