coronabonds coronavirus coronaobligations emmanuel macron union européenne zone euro banque centrale européenne

Pour ou contre les « coronabonds » ?

Ce débat a initialement été publié sur The Rift, le site anglophone du Drenche, et il a été traduit en français par la Rédaction

📋  Le contexte  📋

Les « coronabonds » est le nom donné aux euro-obligations qui ont été proposées par certains États membres de l’UE, notamment l’Italie et l’Espagne, pour aider les États membres à faire face aux pandémies de coronavirus. Il s’agit d’une dette mutualisée qui serait commune aux États membres de l’UE.

Source : euronews.com

Les termes « euro-obligations » et « recovery bonds » (ou les « obligations de restitution ») sont utilisés pour décrire les « coronabonds » dans le contexte actuel, bien qu’il existe une différence importante entre les deux concepts. Tous deux sont controversés dans les politiques publiques européennes.

Dans le cas des « euro-obligations », idée initialement proposée par les gouvernements espagnol et italien, la dette serait mutualisée. Un groupe d’États emprunterait de l’argent collectivement sur le marché, mais chaque État utiliserait l’argent comme il le souhaiterait dans ses politiques internes.

Au contraire, dans le cas des « recovery bonds », l’Union européenne emprunterait de l’argent en tant qu’organisation, puis le redistribuerait entre les États afin de faire face aux conséquences économiques des pandémies de coronavirus.

Source : Le Monde

Comme mentionné ci-dessus, ce sujet a été introduit pour la première fois par les gouvernements d’Italie et d’Espagne, deux pays qui ont été durement touchés par les pandémies de coronavirus. L’économie européenne s’est ralentie en raison de l’apparition de la maladie, et l’UE se dirige vers une récession record. La solution des « coronabonds » a été proposée pour atténuer les conséquences de la récession et de l’augmentation des dettes publiques nationales.

Toutefois, cette proposition a été rejetée par quatre États membres, également appelés « les frugaux », à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande. Les discussions sont toujours en cours, mais l’Union européenne étudie également des solutions alternatives pour faire face à la crise économique, comme le recours au mécanisme européen de stabilité (MES).

Source : euronews.com

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Andreas Eisl
Chercheur en politiques macroéconomiques et budgétaires, Institut Jacques Delors
Coronabonds : Une solution aux défis actuels et anciens

La crise du coronavirus exige une réponse budgétaire sans précédent pour maintenir les économies européennes à flot pendant les périodes d’immobilisation et pour soutenir leur redressement après la crise. Ces efforts devront être financés par une nouvelle dette publique. Mais des mesures budgétaires non-coordonnées dans toute l’Union européenne risquent d’aggraver la fragmentation économique entre ses États membres, qui est déjà à un niveau inquiétant depuis la dernière crise économique. Il faudra donc répartir la charge budgétaire pour éviter un éclatement de la zone euro et assurer une reprise équilibrée dans toute l’Europe. Les instruments disponibles au niveau européen sont toutefois inadaptés pour apporter une telle réponse budgétaire commune.

Des mesures budgétaires non-coordonnées dans toute l’Union européenne risquent d’aggraver la fragmentation économique entre ses États membres.

C’est pourquoi les « coronabonds », l’émission commune de dette au niveau européen, sont nécessaires. L’idée des « coronabonds » n’est pas de mutualiser des dettes nationales préexistantes mais plutôt de partager les coûts de la crise actuelle. Contrairement aux prêts accordés par le Mécanisme de stabilité européen (MES), les « coronabonds » seraient versées sous forme de subventions. Les États membres recevraient ces subventions en fonction de leurs besoins macroéconomiques individuels et de ceux de l’Union dans son ensemble. Les décisions d’octroi de subventions seraient prises au niveau européen et suivraient des critères clairs et transparents. Il est important de noter que l’octroi d’aides non-remboursables implique que les « coronabonds » comporteraient nécessairement un élément de transfert. Le remboursement de la dette contractée en commun serait partagé en fonction de la puissance économique des États membres et réparti dans le temps, soit par l’émission d’une dette à très long terme, soit par la création d’obligations perpétuelles.

Mis en place de la bonne manière, les « coronabonds » pourraient répondre à plusieurs défis actuels et de longue date.

Premièrement, l’aide budgétaire sous forme de subventions ne serait pas comptabilisée comme une dette nationale. Cela permettrait de tenir à distance les pressions contre-productives du marché. Les subventions permettraient également d’éviter que les règles budgétaires n’imposent des exigences excessives en matière d’assainissement lorsque leur suspension sera levée après la crise.

Deuxièmement, les « coronabonds » permettraient à la Banque centrale européenne (BCE) de racheter des dettes supranationales, ce qui lèverait les inquiétudes concernant le financement de certains États membres de la zone euro au regard du droit des traités de l’UE.

Et enfin, le fait de situer les décisions relatives aux versements de subventions au niveau européen pourrait fournir – au moins sur une base temporaire – une fonction de stabilisation macroéconomique centralisée, dont la zone euro et les autres pays ont désespérément besoin. Si cette approche est jugée fructueuse, elle pourrait également servir de modèle pour la réponse à de futures récessions profondes et devenir un outil durable de gestion et de coordination macroéconomiques dans l’ensemble de l’UE.

La gravité de la crise des coronavirus exige des décisions audacieuses plutôt que de naviguer à vue.

Beaucoup de choses parlent en faveur de l’introduction des « coronabonds ». Elle dépend maintenant principalement de la volonté des acteurs politiques des États membres de franchir cette étape importante. La gravité de la crise des coronavirus exige des décisions audacieuses plutôt que de naviguer à vue.

Le « Contre »
Moritz Kraemer
Conseiller économique en chef, Acreditus
Les euro-obligations à l'heure du corona

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, une euro-obligation, désormais rebaptisée « coronabond », ne peut pas fournir un service que les outils existants ne pourraient pas fournir d’un seul coup, à savoir le vaste arsenal du mécanisme européen de stabilité (MES). Le MES est à toutes fins utiles un émetteur d’euro-obligations. Ses obligations sont conjointement souscrites par les gouvernements de la zone euro, qui s’engagent à injecter des capitaux si cela s’avère nécessaire. Le MES est une institution prête à déployer son importante puissance financière. Tout ce qui manque, c’est que les dirigeants de la zone euro se réunissent autour d’un accord pour lui donner des instructions en ce sens.

Les citoyens européens attendent de leur gouvernement qu’il fasse preuve de leadership, et non des expérimentations.

Essayer de lancer des euro-obligations maintenant va être un processus long et acrimonieux, qui prendra plus de temps que prévu, car il y a une urgence concrète. Ce serait également un grand embarras, car les euro-obligations devraient être émises avec une notation de crédit bien inférieure à la notation AAA du Mécanisme européen de stabilité. Ce résultat est très probable, à moins que des clauses de défaut croisé avec les bunds allemands, ne soient inscrites dans le contrat de dette. Le gouvernement allemand s’opposerait à une telle clause, notamment parce qu’il craint que sa Cour constitutionnelle ne déclare une telle structure anticonstitutionnelle. Plus que jamais, les citoyens européens attendent de leur gouvernement qu’il fasse preuve de leadership, et non qu’il fasse des expérimentations.

Si l’idée derrière les « coronabonds » est de soutenir financièrement les pays et régions les plus touchés, nous devons être honnêtes et ouverts à ce sujet. Pourquoi ne pas créer un fonds de catastrophe au niveau de l’UE (après tout, le virus n’affecte pas seulement les membres de la zone euro !) qui pourrait débloquer des fonds à long terme pour les pays les plus touchés, y compris un élément de subvention pour atténuer les risques potentiels pour la viabilité de la dette. Il s’agirait d’un coût pour tous les autres pays ne bénéficiant pas de ce fonds. Mais c’est l’idée de solidarité et de soutien !

Il vaut mieux utiliser les puissants instruments déjà en place.

Il peut y avoir une réticence à mettre de l’argent sur la table. Si c’est le cas, les « coronabonds », qui sont un mécanisme de transfert plus détourné et plus opaque, ne voleront pas haut non plus. Il vaut mieux alors utiliser les puissants instruments déjà en place. Le mécanisme de sauvegarde d’urgence peut cibler les pays qui ont le plus besoin d’aide, sans imposer de conditionnalités sévères. Dans le pire des cas, l’intervention du MES serait la condition préalable nécessaire pour que la BCE puisse lancer ses opérations monétaires directes (Outright Monetary Transactions – OMT). Il n’a jamais été utilisé, mais c’est l’outil le plus puissant de l’Europe. C’est ce qu’il nous faut.

Quelle est votre opinion maintenant ?

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".