Sport : faut-il réduire le salaire des joueurs pour sauver le football français ?

Ce débat est publié en partenariat avec l’Observatoire du Sport Business

📋  Le contexte  📋

Entre le contexte du coronavirus et les difficultés liées à la baisse des droits TV, le football français n’est pas au meilleur de sa forme, c’est le cas de le dire ! Sa situation financière est mise à mal par l’arrêt de la saison 2019-2020, la mise en place des matchs en huis clos, la baisse des recettes de billetterie, des recettes commerciales, des sponsors… Ce n’est pas tout : Médiapro, qui avait acheté la majorité des droits TV pour la diffusion des matchs de Ligue 1 et 2, a annoncé récemment mettre fin au contrat qui le liait avec l’institution. Cela représente une perte qui met en difficulté de nombreux clubs dont les revenus étaient en majorité issus des droits perçus grâce à ce contrat. L’avenir est incertain : Canal+ pourrait racheter les droits mais au rabais, puisqu’il estime le montant initial – à plus de 800 millions d’euros – beaucoup trop élevé.

Dans ce contexte difficile, comment s’en sortir ? C’est la question qui a poussé l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP), le syndicat des joueurs professionnels en France, à envisager une baisse des salaires de ceux-ci pour soutenir leurs clubs, dont la situation financière est en péril : le mot d’ordre étant de faire des économies. Il ne s’agit pas d’une baisse globale des salaires, l’important étant de faire la différence entre les joueurs les plus rémunérés et ceux qui le sont moins. Il faudrait alors envisager l’idée d’une renégociation de gré à gré entre le joueur et le club, pour mettre en place, si le premier le souhaite, une réduction progressive de son salaire.

L’enjeu peut être grand pour certains clubs dont la situation est réellement en péril: si les droits TV sont renégociés à la baisse, ils pourraient se trouver dans l’impossibilité de payer des joueurs dont les contrats avaient été revus à la hausse suite au contrat avec Médiapro. Pour ne pas déposer le bilan, une autre solution est envisageable: la vente de certains joueurs, mais encore faut-il trouver à qui les céder ! La réduction des salaires pourrait donc être une des solutions les plus envisageables, mais cela pose question : sont-ils ceux qui doivent payer pour ces difficultés ? Cela pourrait aussi être un risque de perdre les joueurs, s’ils trouvent mieux ailleurs.

Sources : Challenge.fr, Lequipe.fr, Sport24.lefigaro.fr, rmcsport.bfmtv.com

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Le « Pour »
Vincent Chaudel
Fondateur de l’Observatoire du Sport Business
Dialogue social sans effet dans le foot pro et trop de cas divergents pour trouver un accord collectif

Face à la crise qui plombe le football français au niveau de l’absence de recettes avec les huis clos, mais aussi avec le problème de Mediapro et des droits télés, des clubs ont décidé de prendre les devants et de discuter avec les syndicats des joueurs pour imaginer ou négocier une réduction de salaire.

Il y a eu une réunion ce mardi 12 janvier, mais très vite Sylvain Kastendeuch, le président de l’UNFP, le syndicat des joueurs, a clairement dit qu’il ne pourrait pas y avoir de décision qui s’appliquait à tout le monde. Il pourrait donc y avoir une tendance donnée par l’UNFP, mais qui devrait se vérifier après, au cas par cas. C’est bien là toute la difficulté : les clubs et les joueurs ont des intérêts qui divergent: ils sont normalement communs (que l’activité se poursuive), mais un joueur qui a des contacts et qui suscite l’intérêt de deux clubs étrangers ne va avoir aucun intérêt à baisser son salaire, qui, d’une façon générale, est protégé par le contrat.

En revanche, un joueur qui est plutôt dans un club qui joue tantôt en Ligue 2 tantôt en Ligue 1 peut être ouvert à la discussion, mais certainement avec une contrepartie, c’est-à-dire un allongement de son contrat. En tout cas, cela est très problématique, et si on ajoute les dernières tensions avec Canal+, on voit bien que la situation des clubs français est très préoccupante et que ce n’est probablement pas sur les salaires que cela risque de s’arranger. En tout cas pour l’instant, il n’y a pas d’accord. 

Au niveau des solutions, l’une d’elles serait de lier la partie salaire fixe à la partie droit TV. Gardons à l’esprit que selon le dernier rapport Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) de 2018-2019 de la Ligue de Football Professionnel, les droits TV représentaient 48% des revenus des clubs alors que les salaires, charges comprises, représentaient 75% de ces revenus et qu’au total le football français, la Ligue 1, réalisait au moins 835 millions d’euros de résultats d’exploitation avant transferts. On voit bien que l’on avait l’obligation de vendre parce qu’on avait déjà une partie de salaires qui était trop importante. Donc si l’on ramène ces salaires sur cette partie droits TV et qu’il y a plus de rémunération pour les joueurs dans les clubs qui gagneront plus (parce qu’ils auront fait de bonnes performances), les clubs se mettront beaucoup moins en danger, et cela devient vital pour le football français.

 

Le « Contre »
Philippe Doucet
Journaliste
Accord collectif par nécessité : sans accord, risque de dépôt de bilan !

On peut avoir des opinions très différentes sur le sujet. Je pense que les joueurs doivent négocier collectivement, sûrement pas sur la base d’accords individuels au cas par cas comme l’a suggéré la très molle négociation entre l’UNFP et les dirigeants des clubs français.

Je ne veux pas souscrire à la thèse très en vogue mais trop simpliste de la responsabilité. On a des dirigeants qui sont responsables de la situation, à eux de payer et pas au joueur. Certes on peut faire une litanie de toutes les erreurs de nos dirigeants, de l’arrêt des compétitions en avril 2020, à la signature avec Mediapro, cela condamne tout à la fois le président de la fédération Noël Le Graët, la Ligue de Football Professionnel (LFP) et tous les dirigeants qui n’ont pas eu le courage ou la force de dire non.

Sauf qu’il y a la crise sanitaire dont il faut tenir compte, et puis surtout il y a un écueil essentiel : c’est le risque de faillite. En Espagne, si l’on prend la situation post crise des subprimes en 2008, on a accumulé à peu près 3 milliards d’euros de dettes pour les clubs espagnols, mais il y a eu des négociations et le soutien des banques parce que l’activité économique “football” y est reconnue.

En France, les petits, moyens et grands clubs ont fait faillite (le grand Reims, le grand Saint-Etienne, le grand Bordeaux, le grand OM : tous ont fait faillite)! Les clubs ne sont revenus qu’ensuite. Or, on est dans une situation très précaire aujourd’hui, puisqu’on négocie au pire moment, quand les trésoreries commencent à baisser et que le risque de ne pas payer les salaires va survenir très vite. Mais quel serait l’intérêt des joueurs dans une faillite : les gros s’en sortiraient en partant à l’étranger, les autres se retrouveraient dans une situation extrêmement précaire, obligés d’accepter sans doute des conditions beaucoup plus basses. 

Alors, à l’UNFP de jouer un rôle important : défend-elle vraiment ses joueurs lorsqu’elle traite de manière distante la situation, en disant aux joueurs de négocier chacun de leur côté ? Défend-elle le football français ? C’est une vraie question. 

Une solution serait une implication beaucoup plus grande de l’UNFP dans une négociation qui serait nationale et de branche, car le football professionnel est une branche économique à part entière qui mériterait une négociation nationale. La deuxième solution concerne l’interlocuteur de l’UNFP. La LFP et les représentants des clubs doivent jouer un rôle, mais on a pu constater qu’ils n’arrivaient pas à obtenir grand-chose de la part de l’UNFP. Peut-être faut-il une implication de l’Etat. Modestement, on demandera à son délégataire, la Fédération française de football, de superviser les négociations. 

 

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