Pour ou contre un « Green Deal » européen ?

📋  Le contexte  📋

Le Green Deal, ou Pacte vert européen, est un plan d’action de l’Union européenne en matière d’environnement, visant d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Il a été annoncé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, peu après sa prise de fonctions en décembre 2019. 

C’est un plan plus ambitieux que les objectifs initiaux en matière de réduction de gaz à effet de serre. Ce Green Deal, piloté par le vice-président de la Commission en charge de l’Action climatique, Frans Timmermans, a été accepté par tous les Etats membres sauf la Pologne. 

Sources : Toute l’Europe, Commission européenne

Ce pacte prévoit des mesures dans la majorité des domaines d’action de l’Union européenne. Il s’agit d’une politique transversale, qui impactera particulièrement les secteurs d’énergie, de transports, d’immobilier et d’industrie, qui sont les secteurs les plus polluants aujourd’hui. En plus, la Commission prévoit d’instaurer un plan de reforestation, fixer des nouveaux objectifs pour protéger la biodiversité et réduire l’impact environnemental de la Politique Agricole Commune. 

Sources : Toute l’Europe, Commission européenne

Le Mécanisme pour une transition juste est le volet d’investissement du Green Deal européen. Dans le cadre de ce mécanisme, la Commission a annoncé un investissement de 100 milliards d’euros, qui visera à accompagner les régions les plus impactées par la transition écologique. Il sera cofinancé par des fonds de cohésion et une contribution des Etats membres. La Banque européenne d’investissement va aussi apporter sa pierre à l’édifice : les financements dédiées au climat devront atteindre 50% de ses investissements totaux d’ici 2025. 

Sources : Toute l’Europe, Commission européenne

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Le « Pour »
Aurore Lalucq
Députée européenne (S&D) et économiste
Le Green Deal : la vision d'une Europe providence

L’année 2020 est déjà marquée par une catastrophe majeure : celle d’un pays riche incapable de vaincre le feu. Elle démontre une fois de trop l’urgence, pour sauver l’existence humaine, d’adapter nos modes de vie, notre organisation sociale, et, in fine notre système économique, à la réalité environnementale. Notre modèle fondé sur la croissance a fait son temps. S’il nous a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté, il met aujourd’hui les vies d’autant en péril.

Un projet de société au double objectif de justice sociale et climatique

Pourtant, les solutions existent. Elles sont même nombreuses. Mais elles impliquent de changer notre lecture du monde : sortir du néolibéralisme, du consumérisme et de l’obsession des déficits publics ; défendre un nouveau projet de société au double objectif de justice sociale et climatique, qui véhicule la vision d’une Europe Providence. Ce projet existe : c’est le Green New Deal.

La Commission européenne en a fait un axe majeur de son mandat : c’est un pas salutaire. Mais, tant par l’esprit qui l’anime – le mythe de la croissance verte – que par son contenu – manque de mesures sociales – ainsi que par la faiblesse de sa portée – enveloppe budgétaire réduite -, le Green Deal de la Commission européenne n’acte pas ce changement de paradigme que les crises nous exhortent à faire.

S’inspirer du New Deal de Roosevelt

Or, l’ambition du Green New Deal doit être totale. Ce projet emprunte directement au « New Deal » mis en place par Roosevelt aux Etats-Unis en 1933 : il doit s’inspirer pareillement de l’ambition que portait le Président américain à l’époque. Les Etats-Unis étaient alors dans une situation similaire à l’Europe : construction bancale, fédéralisme balbutiant, inégalités de richesses, crise bancaire et financière majeures. Pourtant, Roosevelt choisit l’audace : il sauve son pays, pas l’économie. Il engage une série de réformes coûteuses mais vertueuses : emploi, éducation, santé, finance, fiscalité, investissement vert. Il embauche 3 millions d’ouvriers américains dans les services publics. Il reboise le pays, lutte contre l’érosion des sols et les inondations, crée des parcs d’État. Le New Deal de Roosevelt est une leçon de pragmatisme : on peut répondre de façon très concrète au double enjeu social et environnemental.

L’environnement comme pierre angulaire de notre société

Aujourd’hui, il s’agit d’adopter de nouveaux indicateurs sociaux et environnementaux pour remplacer le PIB, investir dans les services publics en embauchant partout des fonctionnaires qui s’attèlent à la transition écologique, développer des nouvelles filières industrielles, comme le low-tech, la rénovation thermique des bâtiments, adopter un plan de lutte contre la pauvreté environnementale… 

Mettre en œuvre la transition écologique, créer des millions d’emplois, réduire les inégalités, c’est possible : l’ingrédient clé, c’est le courage politique.

Le « Contre »
Piotr Arak
Directeur de l’Institut polonais d’économie
Il s’agit de solidarité, et pas seulement d'argent

La Pologne n’adhère pas au Pacte vert européen car elle estime qu’il faut plus de temps pour développer le projet

Mi-décembre, les dirigeants européens ont conclu un accord sur la neutralité carbone d’ici 2050, mais la Pologne ne participe pas à ces objectifs. Cela ne veut pas dire que la Pologne adopte une attitude opposée à l’ambition commune de la neutralité climatique. Nous pensons que l’Europe doit aller dans cette direction. 

Néanmoins, il est nécessaire de prendre plus de temps pour mettre en œuvre cet objectif. Cela est dû aux conditions historiques qui ont eu un grand impact sur la structure de certaines économies, et en particulier sur leur mix énergétique. 

100 milliards d’euros : un budget en décalage avec les besoins de l’initiative

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dit qu’il y aura plus de 100 milliards d’euros pour mettre en œuvre ce plan. Cela semble généreux en apparence. D’autant que le mécanisme pour une transition juste coûterait environ 100 milliards d’euros : mais cette somme ne correspond pas au budget de l’initiative ! Seuls 7 milliards d’euros proviendront du budget européen. 

Afin de pouvoir en bénéficier, les Etats-membres devraient contribuer deux fois plus, soit 14 milliards d’euros supplémentaires, provenant des gouvernements. En plus de cela, des prêts à faible taux d’intérêt seront accessibles. 30 milliards d’euros viendraient du programme d’investissement européen. La Banque européenne d’investissement accorderait aussi des prêts à des conditions favorables aux régions en transition. 

Pour résumer ce complexe mécanisme de prêts et de subventions, environ 100 milliards d’euros seraient accessibles pour les Etats membres entre 2021 et 2027. Pour la longueur totale du programme, cette somme s’élèverait à 140 milliards. 

Ce dont nous avons besoin, c’est plus d’information.

Le volume du fond n’est que le premier défi. Il doit être conséquent, afin de convaincre d’une part les mineurs de charbon de se réorienter, et les gouvernements de se transformer rapidement. Ce dont nous avons besoin, c’est plus d’information. 

Le Mécanisme pour une transition juste devrait être préparé scrupuleusement – on doit savoir comment l’argent sera dépensé, pas seulement connaître les sommes. Cela étant, il est crucial pour la Pologne d’avoir plusieurs mois de plus pour négocier la forme des outils financiers, qui permettront non seulement de s’accorder sur la neutralité climatique en juin 2020, mais aussi de l’accomplir d’ici 2050. Nous réussirons la lutte pour le climat si les paroles sur la technologie et le capital sont traduites en actes. Et beaucoup d’États de l’Ouest s’engagent uniquement sur le papier, font de la langue de bois, et n’atteignent même pas les objectifs de 2020. Les décisions politiques abstraites ne vont pas sauver la planète, mais elles vont créer de bonnes opportunités de communication pour beaucoup. 

L’UE doit avoir un plan inclusif et fiable dont découlera la neutralité climatique en 2050, sans que cela endommage les fonds de cohésion et l’économie européenne. Sécuriser et préserver la solidarité en tant que valeur européenne fondamentale est notre plus grand défi.

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