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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Ces hauts salaires ne reflètent pas le prix du marché
Mark R. Reiff
Professeur associé, Frankfurt School of Finance and Managementhttps://www.ledrenche.fr
Un des aspects les plus troublants de l’augmentation des inégalités économiques des 30 dernières années vient du fait que la plupart des gens voyaient leurs indemnisations stagner alors que celles de ceux du haut de l’échelle explosaient. En 2017, les 200 PDG américains les mieux payés ont gagné entre 13.8 et 103.2 millions de dollars. Dans la plupart des cas, c’est 300 fois plus que la rémunération médiane d’un ouvrier. Dans certains cas, c’était plus de 1000 fois plus, contre seulement 50 fois plus en 1970.
Il faut corriger ces inégalités
Beaucoup de mesures doivent être mises en place pour corriger ces inégalités, et l’une d’entre elles est de limiter l’indemnisation de ceux du haut de l’échelle. Ma suggestion est de fixer une limite initiale équivalente au montant nécessaire pour entrer dans la tranche des 0.01% les plus riches – aux Etats-Unis, ce montant est d’environ 8,3 millions de dollars – quitte à ajuster le montant à posteriori, si cela est nécessaire.
Si les règles de l’offre et de la demande fonctionnaient comme elles le devraient, l’indemnisation serait à la baisse
Pourquoi ? Il est faux de penser que les montants auxquels sont rémunérés les cadres dirigeants reflètent le prix du marché de leurs services. L’indemnisation des cadres est fixée en mesurant la moyenne des indemnisations propres à leurs secteurs d’activité. Comme chaque entreprise souhaite payer ses nouvelles recrues mieux que la moyenne, celles-ci n’arrêtent pas de grimper. Il y a beaucoup plus de personnes plus qualifiées que les cadres dirigeants, donc si les règles de l’offre et de la demande fonctionnaient comme elles le devraient, l’indemnisation serait à la baisse.
De plus, la performance d’une entreprise résulte principalement des conditions macroéconomiques. C’est pourquoi les chefs d’entreprise voient rarement leur indemnisation baisser quand l’entreprise et le marché vont mal. Mais il n’y a aucune raison de récompenser copieusement les dirigeants quand l’entreprise va bien, simplement parce que les conditions du marché ont été favorables.
Une indemnisation supplémentaire des cadres dirigeants ne change rien à la productivité
Plus important encore, il n’est pas utile de payer les dirigeants plus que nécessaire pour les inciter à travailler aussi intensément qu’ils le peuvent. Pensons-nous vraiment qu’un cadre dirigeant rémunéré 100 millions de dollars travaille plus qu’un dirigeant rémunéré 50 millions ? 10 millions ? Une fois que la rémunération est assez élevée pour inciter à l’effort maximal, une indemnisation supplémentaire ne change rien.
Imposer un salaire maximum ne causera pas non plus une fuite des “meilleures personnes” vers là où ils pourraient être mieux payés. Il y a peu de preuves que les meilleurs reçoivent la plus haute indemnisation. Beaucoup des dirigeants les plus rémunérés ont conduit leurs entreprises à la chute, et beaucoup des dirigeants rémunérés modestement ont percé grâce à leur start-ups ou ont redressé des entreprises en faillite.
Vous ?
Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas pu trouver de seconde personne légitime, compétente, et partante pour défendre ce point de vue.
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L’équité privée paie plus que les entreprises publiques
Tim Worstall
Editeur, The Continental TelegraphL’idée d’un salaire maximum est proche d’un radotage. L’argent payé à l’individu n’appartient ni à vous, ni à moi. Quel droit – ou devoir- moral avons-nous pour déterminer qui doit gagner combien ?
L’argent à l’intérieur de l’entreprise est la propriété des actionnaires
Par exemple, l’entreprise appartient aux actionnaires, et leurs intérêts doivent et devraient être prioritaires. L’argent à l’intérieur de l’entreprise est la propriété des actionnaires. Le montant qu’ils ont envie de donner au PDG afin de diriger cette boîte dépend d’eux.
Bien sûr, on peut échapper à cet argument en disant que les propriétaires ont des intérêts dispersés et bernés par un ramassis des managers professionnels. Mais l’équité privée, qui ne souffre pas de ce problème de principal/agent, paie plus que les entreprises publiques.
Si ce n’est pas notre argent qui est dépensé, nous n’avons pas de droit de décision.
Insister sur le revenu maximum laisse totalement libres les fortunes faites purement de capital
Au-delà de la morale basique, il existe un certain nombre de difficultés techniques liées au salaire maximum. Les gens qui se font du vrai argent, le font rarement grâce aux salaires. Les stars de la pop et du sport, ou les indépendants, ne reçoivent par définition pas d’indemnisation et leurs revenus sont un mélange de capital (du capital humain, mais du capital quand même) et des revenus liés au travail. Insister sur le revenu maximum revient à limiter uniquement les revenus du prolétariat, de ceux qui ne sont pas du côté du capital dans l’équation de la création de revenus. Cela laisse totalement libres les fortunes faites purement de capital. Un système dans lequel le revenu salarial – celui du prolétariat et d’une grande partie de la bourgeoisie – est limité, et dans lequel l’accumulation des richesses capitalistes est rentière ne relève pas vraiment de la notion de la bonne mesure.
Instaurer un seuil de taxation n’est pas une solution pour construire une société prospère
Peut-être voulons-nous d’un revenu maximum, plutôt que d’un salaire maximum ? Une taxe de 100% sur le revenu dépassant une certaine limite ? Désolé les gars, mais la courbe de Laffer existe réellement. Il existe un seuil de taxation au-delà duquel les gens arrêtent de travailler. Selon Diamond and Saez, il s’agit de 54% dans le meilleur des cas. Instaurer un seuil de taxation qui double presque le sommet de la courbe de Laffer n’est pas une solution pour construire une société prospère, mais plutôt pour l’appauvrir dans le futur.
D’accord, les gens qui entrent dans la politique ou la bureaucratie ont noté que les revenus des personnes qui font un travail utile sont montés en flèche et ont dépassé les leurs. Mais la jalousie des classes au pouvoir n’est vraiment pas une assez bonne raison pour faire quelque chose d’aussi horrible et stupide que d’instaurer un salaire maximum.
Le salaire d’Etat, route de la servitude
Et si, en suivant l’idée du « salaire à vie » développée par l’économiste Bernard Friot, on instaurait un salaire minimum à 1500 euros et un salaire maximum à 5000 euros ? Dans l’émission « Interdit d’interdire » chez Frédéric Taddéi (1) , le philosophe Gaspard Koenig a pris au sérieux cette hypothèse en l’interrogeant : mais qui jugerait de l’augmentation de salaire de l’écrivain, par exemple ? En fonction de quels critères ? Inévitablement, un comité central étatique – et contestable- viendrait déterminer la valeur et le mérite –si difficiles à mesurer- de chacun.
La logique d’un tel système, c’est de s’acheminer vers un Etat employeur total qui ne parviendra pas à lutter contre les inégalités –réelles ou ressenties-, mais risque de les généraliser sans contre-pouvoirs possibles. Le pouvoir politique est difficile à arrêter.
Le marché, un régulateur plus efficace parce que diffus
Le salaire sur un marché, c’est une forme de vote de chacun sur l’utilité sociale d’une activité. Cela explique qu’un footballeur soit mieux payé que Bernard Friot ou Gaspard Koenig : plus d’individus sont prêts à assister à un match de football que d’acheter leurs livres ou assister à leurs cours. Le marché, et son système de prix, permet d’assurer la neutralité et la cohabitation des valeurs dans une société.
Pour l’économiste Milton Friedman, le salaire maximum est donc une aberration économique, au même titre que le salaire minimum. Ces dispositifs étatiques nuisent au fonctionnement du marché qui permet la libre fixation du prix du travail. C’est le phénomène de trappe à pauvreté en présence un revenu-plancher. Et avec l’établissement d’un revenu plafonné, ce sont les travailleurs qualifiés qui ne sont plus incités à innover. A fortiori dans un monde ouvert, où l’on constate déjà en France une fuite des cerveaux.
In fine, on ne crée plus la richesse économique pourtant bénéfique à tous, et on se prive d’un mécanisme non autoritaire d’allocation des ressources. Le fait qu’une personne gagne davantage qu’une autre n’implique pas que cela se fasse de l’une au détriment de l’autre. Il faut bien se représenter que l’économie n’est pas un gâteau fixe, dont on se partagerait les parts. La gâteau grossit, ou évolue plus subtilement, par tâtonnement, corrigeant sans cesse les injustices de façon décentralisée.
Le revenu universel, une politique publique pour l’autonomie
Le vrai combat est d’abord de lutter contre la pauvreté, contre les rentes, pour un marché du travail ouvert. Il s’agit d’abolir les barrières qui empêchent les individus d’évoluer, dans leurs activités, dans leur rémunération. En un mot, c’est le combat pour l’autonomie. Ce combat présuppose, au contraire, d’accepter les inégalités, et d’assumer une préférence pour la mobilité dans le travail.
L’idée du revenu universel (2) proposée par GenerationLibre et modélisée à budget constant par son expert Marc de Basquiat, propose en revanche un véritable filet de sécurité sans tomber dans les écueils des salaires dirigés. L’armature d’une protection sociale centrée autour de la personne plutôt que sur l’entreprise (3) : faire de chacun l’entreprise de lui-même et lui proposer une liberté réelle, sans chercher à s’illusionner sur la possibilité d’éradiquer les inégalités, condition de la vie humaine.
C’est la possibilité de dire non, par exemple, à un travail absolument inhumain. C’est aussi la certitude de pouvoir manger, quoi qu’il se passe. Et le mécanisme de l’impôt négatif permet de ne jamais être découragé de travailler davantage si l’on veut gagner davantage.
L’arbitrage individuel dans la collectivité
Au fond, beaucoup d’entre nous continueront à être scandalisés par l’écart de revenus – parfois considérable – d’une personne à l’autre. Il peut appartenir à la gouvernance des entreprises d’imaginer des politiques salariales originales, mais concertée en leur sein, et non imposées par un pouvoir extérieur. Il appartient aussi à chacun de déterminer pour lui-même ce qu’il considère être sa juste rémunération, et de « redistribuer », s’il le veut, une part de cet argent, s’il estime en avoir trop. Un choix de consommation éclairé. Par exemple en investissant, comme le font déjà, en fait, les entrepreneurs ou les actionnaires. Ou par le don, en conférant une valeur marchande à l’activité associative ou au combat des idées portées par des think-tanks par exemple.
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